Chapitre 38-2




                  

Parvenir jusqu'à Connors ne fut pas aisé, car tout le monde refluait vers la verrière, dans un désordre confus et paniqué, suite à l'annonce tout sauf diplomate de Kaine. Décidemment, cet homme était peut-être un très bon combattant, mais niveau tact et discrétion...il pouvait repasser ! Il s'était contenter de réveiller tout le monde en beuglant que le site était contaminé et qu'il fallait évacuer immédiatement...d'où la panique hagarde des pauvres survivants déjà bien éprouvés.

Nous ne fûmes autorisés à entrer, qu'une fois les personnes à risque identifiés et l'accès à cette partie de l'usine grossièrement obstruée à l'aide de tout un tas d'objets hétéroclites, entassés pêle-mêle devant la porte. Au final nous n'étions plus que huit, dont Isy, Justin et Connie.

— Quel est le mode de transmission exact de ce virus, demandai-je à Lynch tandis que nous approchions de Connors, toujours dans la même position que lorsque je l'avais quitté à peine une heure auparavant.

— Par contact.  Avec tous ce qu'une personne malade a touché, le taux de contamination atteint les 50 pourcents. Mais s'il y a contact directement peau à peau...un simple effleurement peut suffire et là, le risque d'être infecté passe à 90 pourcent, m'expliqua-t-il d'un ton clinique et impersonnel tandis qu'il fixait la silhouette de Connors d'un regard vide.

— En résumé...nous sommes tous condamnés, résuma Connie d'une voix triste mais résigné, debout à quelques pas de là, n'osant visiblement pas s'approcher plus près.

— Vous avez du matériel médical ici ?! demandai-je d'une voix un peu sèche et plus autoritaire que je l'aurai voulu. 

— Que l'essentiel...dans une caisse là-bas, me répondit Lynch sur le même ton, en m'indiquant le centre de la pièce d'un signe de tête.

Je refusai de me laisser abattre, me dis-je rageusement tandis que je me dirigeai d'une démarche difficile vers la table de fortune. Ce serai si facile, de baisser les bras et d'attendre docilement l'issue fatale. Je me battais d'autant plus, parce que quelque part au fond de moi...j'en avais envie. Ce serait si commode, d'aller m'assoir dans un coin et d'attendre...enfin du repos et le confort de ne pas avoir à prendre de décisions. Mais cela aurait été une attitude lâche et irresponsable. D'autant plus que Connors avait peut-être tout autre chose de potentiellement soignable et que si ce n'était pas ce fichu virus, nous pourrions tous sortir de cette pièce et commencer à élaborer un plan pour porter secours à nos amis.

Je trouvai ladite caisse, posée à même le sol et en profitai pour augmenter la luminosité, puis je me mis à fourrager dans le capharnaüm avec un soupir excédé. Au bout de cinq minutes de recherches stériles, ne sachant pas vraiment de quoi j'aurai besoin, je jugeai plus utile de prendre carrément le carton. Malgré la faible distance, j'arrivai essoufflée au chevet de Connors et c'est avec soulagement que je m'agenouillai près de lui. Je réussi à dénicher une paire de gant et un masque et c'est affublé de mes protections dérisoires et quasi inutiles que je m'approchai de lui, le cœur battant la chamade.

Mon premier geste fut d'éclairer son visage pour voir si le saignement avait repris...non, à mon grand soulagement. Je lui posai la main sur le front, appréhendant de le découvrir brulant...mais non. Mais il fallait bien avouer qu'avec des gants, s'était compliqué de se rendre compte de la température de quelqu'un.

— Dites-moi que vous avez un thermomètre dans ce bazar ? demandai-je en me rendant compte que c'était la première chose que j'aurai dû chercher.

— Oui, mais je ne te promets pas qu'il ne sera pas cassé, me répondit une jeune fille que je ne connaissais pas.

— Fais une prière alors, lui dis-je sur le ton de la plaisanterie pour essayer de détendre un peu l'atmosphère lugubre et pesante.

Elle me répondit par un petit sourire timide et se mit à chercher d'une main prudente.

Elle finit enfin par me tendre un thermomètre en verre, tellement rayé que je n'arrivai presque pas à lire les chiffres. Tant pis, il faudrait faire avec me-dis-je tandis que je glissai l'extrémité du tube dans la bouche de Connors. Pas idéal, mais quand même plus simple que de devoir lui enlever son tee-shirt pour le glisser sous son bras. Je comptai dans ma tête et parvenu à 180, je récupérai le thermomètre et priai de toute mes forces avant de regarder ce qu'il indiquait.

— Alors ?! me demandèrent Connie et Lynch simultanément d'une voix anxieuse.

— 37,5...c'est significatif ou pas ? demandai-je à Lynch d'une voix circonspecte, craignant de me réjouir trop vite.

— Non, répondit ce dernier dans un petit soupir de soulagement. Mais, ne nous réjouissons pas trop vite, temporisa-t-il immédiatement faisant écho à mes pensées. Le fait qu'il ne se réveille pas...ce n'est pas normal.

— Tu n'as pas trouvé d'autres causes pouvant l'expliquer me demanda Connie.

— Non, mais cela pourrait-être plein de choses...que peut-on faire ? demandai-je à Lynch.

— Rien...à part attendre. Si c'est vraiment le F.F.H 24, il finira par faire des convulsions et mourir. Mais avant ça, d'autres parmi nous développeront des symptômes, si cela arrive...il n'y aura plus de doute possible.

— Est-ce qu'Isy s'est réveillée ? demandai-je à Connie.

Prenant le premier prétexte qu'il me venait à l'esprit pour ôter ses idées lugubres et déprimantes de mon esprit. 

— Oui, plusieurs fois. Elle est très agitée et veux absolument partir à la recherche des autres. Dans son état, nous avons jugés plus utiles de l'endormir légèrement pour qu'elle puisse reprendre des forces. Mais sinon, elle ne présente aucun symptôme...pour le moment.

— Où est Elana, demandai-je brusquement d'un ton suspicieux venant de me rendre compte que je ne l'avais pas vu depuis que nous étions arrivés ici.

— Elle tient compagnie à Lada au chevet D'Isy. Elle ne les a pas quittés depuis notre arrivée, me dit Connie d'une voix réprobatrice, montrant bien ce qu'elle pensait de mon comportement envers elle.

Je ne relevai pas et ayant fait le maximum pour Connors, commençai à essayer de trouver une position confortable pour le veiller.

— Laisse, me dit Connie. Va te reposer, je vais le faire...

Sa voix était douce et gentille, mais l'insistance sous-jacente que je sentis, m'incita à lui laisser la place.

— C'est gentil. Je veux bien merci, lui répondis-je avec un petit sourire, qu'elle me rendit bien que l'on soit loin de son exubérance habituelle.

Je m'éloignai, enlevai mes gants et mon masque que je fourrai dans un vieux bidon en plastique servant de poubelle. Puis allai jusqu'au robinet pour me laver les mains. J'en profitai pour boire un peu d'eau dans mes mains en coupe, qui cette fois-ci me laissa un dôle de gout dans la bouche. Puis n'ayant pas envie de retourner près de autres et ne sachant pas vraiment où aller, je m'approchai de l'entrée désormais condamnée et trouvant un coin d'ombre derrière une pile de cagettes, m'adossai au mur et me laissai glisser jusqu'au sol. Une fois par terre et même si ce mouvement m'était douloureux, j'entourai mes genoux de mes bras puis posant ma tête sur ses derniers, me laissai aller.

Je crois que je ne me souviens plus exactement du moment auquel les larmes commencèrent à dévaler mes joues. Doucement d'abord, puis de plus en plus abondamment, bientôt accompagnées de gros sanglots déchirants que je n'arrivai pas à retenir, malgré tous mes efforts. J'avais mal, autant physiquement que mentalement, et ce poids commençait à m'étouffer sans que je ne sache quoi faire pour m'en délester. Je me sentais perdue, impuissante et...prisonnière. Mais bien au-delà des murs de cette pièces. Prisonnière dans cette ville qui même si je ne la connaissais pas vraiment, m'oppressait horriblement sans que je comprenne pourquoi.

C'est alors que, gênée par des spasmes de plus en plus forts générés par mes sanglots, je tentai difficilement de reprendre mon souffle ; une main se posa sur mon épaule et des bras fermes et puissant me saisir et m'attirèrent contre une poitrine large et ferme, assurément masculine. J'étais tellement à l'ouest que pendant quelques secondes, je crus que c'était Connors, avant de me rappeler dans une fulgurance douloureuse, qu'il était dans le coma entre la vie et la mort. Ce qui me fit replonger de plus belle dans les pleurs.

Comprenant très vite que cela ne servait à rien de lutter et qu'il valait mieux que cela sorte, je me laissai aller dans les bras de Lynch. Au bout de quelques minutes, à moins que ce ne soit des heures, il finit par me prendre sur ses genoux et me tint dans ses bras comme une enfant. Puis ses lèvres s'approchèrent de mon oreille et il commença à me fredonner une chanson, qui même si je ne comprenais pas les paroles, était magnifique. C'est au son de sa belle voix de basse, accompagnée de ses gestes doux caressant mes cheveux, que mes sanglots se calmèrent enfin et que je sombrai douloureusement mais apaisée, dans un sommeil sans rêve.

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