Chapitre 37-2




                  

Je restai figée d'effroi pendant quelques secondes...le croyant mort. Puis toute l'adrénaline qui me paralysait reflua d'un coup, lorsque je vis sa poitrine se soulever. C'est donc tremblant comme une feuille que je le secouai pour tenter de le réveiller. Devant l'inefficacité de mes efforts et de ma technique...plus que douteuse, j'entrepris de balayer son corps de ma lampe à la recherche d'une blessure éventuelle. Mais après de longues minutes d'un examen minutieux, je ne trouvai rien susceptible d'être responsable d'une telle hémorragie. Cette constatation était à double tranchant, rassurante d'un côté, car cela signifiait que Connors n'avait pas été attaqué dans son sommeil par un traitre caché parmi nous. Ce qui aurait été une nouvelle particulièrement grave et angoissante. Le problème était que l'autre hypothèse qui me venait à l'esprit était encore plus inquiétante.

Comme je ne pouvais rien faire de plus pour Connors dans l'immédiat, je partis à la recherche de la seule personne susceptible de confirmer ma seconde hypothèse...Lynch ! C'est fébrile et à la limite de la panique que je déambulai maladroitement au milieu du camps de fortune, cherchant à me repérer dans ce lieu qui m'était encore inconnu. Comme je n'avais aucune idée de l'endroit où il pouvait se trouver, je décidai d'aller demander à la seule personne que j'étais certaine de trouver sans difficulté.

La sentinelle était toujours à son poste, faisant les cents pas d'une démarche impatiente.

— Alors...tu l'as trouvé, il arrive ?! Me demanda immédiatement le jeune homme, avant même que je n'ai eu le temps d'ouvrir la bouche.

— N...non, désolée ! Je ne sais pas où il est, mentis-je maladroitement au pauvre garde exténué qui sembla se ratatiner sous mes yeux à l'annonce de la nouvelle.

Je n'aimais pas mentir, j'étais même plutôt mauvaise, mais vu que j'ignorai encore ce qu'il se passait, c'était plus prudent de garder profil bas.

— Tu sais où je peux trouver Lynch ?

— Lynch ?! Je ne connais pas de Lynch, me répondit-il d'un ton morose.

— Oh, oui pardon...Gabe ?

Décidemment, je ne m'y ferais jamais, me dis-je tandis que j'attendais avec espoir une réponse positive. 

— Ah, d'accord ! Je ne savais pas qu'il s'appelait Lynch ?!

— Bon...peu importe ! Pourrais-tu me dire où il est, lui demandai-je avec une voix trahissant mon impatience croissante.

— Sûrement de garde dans la verrière. Il m'a semblé le voir se diriger par là tout à l'heure.

— La verrière ? lui demandai-je à mon tour, ne sachant pas du tout de quoi il parlait.

— Oui, c'est comme cela que l'on appelle la grande salle vide par laquelle on pénètre dans le bâtiment. Mais...tu viens d'arriver ou quoi ?

Je ne relevai pas sa remarque idiote, mettant cela sur le compte de la fatigue et de l'énervement et commençai à me diriger dans la direction qu'il m'avait indiqué.

— Pourrais-tu demander à Gabe de trouver quelqu'un pour me remplacer, s'il te plait ? M'interpela-t-il d'une voix pleine d'espoir alors que j'atteignais l'entrée du couloir.

Je me contentai de lui faire un signe de la main assorti d'un sourire, pour lui faire comprendre que je ferai de mon mieux, ce qui eut l'air de lui convenir. Je traversai le couloir, qui du fait de mon angoisse galopante ou de ma lenteur, me parut interminable. J'allais atteindre l'entrée de la verrière, comme il l'appelait, lorsque des voix chuchotantes me parvinrent. Par réflexe et n'étant pas parfaitement sûre que les infos du planton soient correctes, je m'avançai prudemment jusqu'à l'extrémité du couloir et me reculai précipitamment dans l'ombre du mur.

Non loin de là, à quelques mètres sur la gauche, un feu de fortune rougeoyait dans un vieux bidon rouillé, diffusant une lueur chaude et orangée sur les trois personnes se trouvant autour. De l'endroit d'où je me trouvai, je ne pouvais pas distinguer leurs visages. Mais leurs tons me rendant méfiante et malgré l'urgence de la situation, je décidai d'écouter un peu leur conversation avant de m'avancer.

Pourquoi y avait-il tant de monde d'un seul coup, réalisai-je soudain, tandis que j'essayai d'entendre leur discussion. Cela aurait dû me frapper avant, mais entre mon état peu brillant et mon inquiétude pour Connors, je ne l'avais même pas remarqué avant cet instant. Le ton de la conversation monta subitement, me sortant de mes interrogations.

— Pourquoi es-tu passé par là Gabe ? Tu es fou...c'était trop risqué, l'accusa d'un ton peu amène un homme que je ne connaissais pas.

— Tu crois que cela m'a fait plaisir ?! Pff...je l'ai fait parce que je n'avais pas d'autres choix, lui répondit ce dernier d'une voix dure et douloureuse. Nous étions tous en train de mourir de soif. Ce temps...ce n'est pas normal !

— Tu as vu la couleur du ciel et l'air est...bizarre. Ils nous cachent quelques choses, intervint une voix de femme qui m'était tout aussi inconnue que celle de l'homme.

Mais qui était tous ces gens ? Un autre groupe de réfugiés avait dû nous rejoindre pendant que je dormais, me dis-je me demandant si je devais interrompre leur conversation. Je savais que le temps m'était compté, mais le fait que Lynch ne soit pas seul me perturbait sans que je comprenne exactement pourquoi.

— ça c'est une évidence...mais quoi ? S'emporta soudain l'homme à la voix grave. Toutes ces persécutions n'ont aucun sens ! Pourquoi ces mesures drastiques et ultraviolentes tout à coup ? Cela faisait longtemps que le conseil était divisé sur la question d'une sortie en zone extérieur et maintenant...ça !

— Ressasser les mêmes interrogations en boucle ne feront pas avancer le problème Kaine, lui répondit Lynch. Maintenant qu'ils ont éradiquer la quasi-totalité des changeants connus, ainsi que des opposants...Notre seule chance est de tenter une sortie.

—Tenter une sortie ?! On ne sait même pas ce qu'il y a de l'autre côté, si l'air est respirable...tout simplement si c'est viable. Il faut les convaincre d'envoyer...

— Les convaincre ?! Mais tu es complètement aveugle ou quoi ?! Ils sont en train d'essayer de tous nous tuer, et ils ont presque réussi d'ailleurs ! Cette option-là est terminé depuis longtemps.

— Tu as vu le ciel ? Et cette chaleur...ce n'est pas normal ! Il se passe quelque chose, qu'ils ne nous disent pas, repris la femme d'une voix plus forte et assurée.

— Et dans quel intérêt nous cacheraient-ils des informations de ce genre ? lui demanda le dénommer Kaine, d'un ton montrant que ce n'était pas la première fois qu'ils avaient cette conversation.

— Peut-être parce que l'on ne peut rien y changer ?!

— On peut toujours changer les choses, lorsqu'on le veut vraiment.

— Pour éviter la panique ! Dit soudain Lynch, d'une voix grave et surprise à la fois. Il se passe quelque chose qui les dépassent et ils veulent à tous pris que cela reste secret.

— Mais pourquoi décider tout à coup de tuer tous les changeants...ça n'a pas de sens !

— Cela en a forcément ! Nous ne l'avons pas encore compris c'est tout ! Toujours est-il que nous n'avons plus le choix, il faut partir...

— Oui et comment ? Leur mur d'enceinte est infranchissable !

— Non, il y a un moyen d'y pénétrer...

— Ah oui ! Si cela est si simple pourquoi ne l'avons-nous pas fait plus tôt ?

— Parce que c'est un voyage sans retour, leur dit Lynch d'une voix sourde et grave...il faut se faire capturer... 

Une fois la surprise de son annonce passée, des réponses passionnées et divergentes, commencèrent à fuser. Mais je ne les entendis pas, trop surprise par la sensation du canon de fusil qui se pressait douloureusement dans mon dos.

— Avance, me susurra-t-on à l'oreille, tout en me forçant à avancer au centre de la pièce.

La conversation animée s'interrompit net, à la seconde où nous fîmes notre apparition. Je vis Lynch ouvrir des yeux ronds de surprise, lorsqu'il m'aperçut.

— Non mais que ce passe-t-il ? Baisse ce fusil immédiatement, ordonna-t-il à l'homme qui se trouvait derrière moi.

— Nous avons une fouineuse. Elle était en train d'écouter aux portes, lui répondit-il en baissant son arme à contrecœur.

— Et alors ! Nous n'avons de secrets pour personnes ! Hayden, pourquoi es-tu debout. Tu dois reprendre des forces pour...

— J'ai besoin de votre aide, me contentai-je de lui dire d'une voix pressante et angoissée.

— Que se passe-t-il, me demanda-t-il soudain d'un ton alarmé ? Un problème ?

— C'est Connors ! Il saigne par le nez et...je n'arrive pas à le réveiller

Le visage de Lynch changea de couleur en une fraction de seconde et je vis un frisson le traverser. Un silence de mort tomba sur le petit groupe tandis qu'il me fixait d'un regard hanté et perdu.

— Depuis combien de temps est-il dans le coma ? me demanda-t-il d'une voix sans timbre.

— Je ne sais pas, quand nous nous sommes endormis, il allait bien et je...

— Vous avez dormis ensemble, s'exclama-t-il d'un air horrifié.

— Nous avons juste partagé un matelas, puisqu'il n'y en avait pas assez pour tout le monde. Mais ce n'est vraiment pas la question, il faut allez...

— Ne t'approche pas...s'exclama Lynch d'une voix désespérée et malheureuse. Tu l'as peut-être attrapé.

— Non...tu l'as ramené ici ! Tu vois que c'était dangereux s'exclama Kaine, en se reculant de quelques pas.

— Attrapé, attrapé quoi ? Le virus...compris-je au moment où je prononçai ces paroles. Vous voulez dire que Connors est contaminé.

— Oui...et...il a amené l'infection ici. Si nous ne l'enrayons pas très vite, nous sommes tous condamnés. Il est peut-être même déjà trop tard. Réveiller tout le monde, ordonna Lynch aux deux autres. Il faut s'apprêter à partir d'ici...et tout bruler.

— Quoi ?! Avec Connors à l'intérieur ?! Mais vous êtes devenu fou ?

— Hayden, si tu savais comme je suis désolé, me dit-il ses yeux hagards fixant un point derrière moi.

Au moment où j'allais me retourner, alarmée par son regard fixe, une violente douleur explosa dans mon crâne et tout devint noir.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top