Chapitre 34-2
La soudaine pénombre me saisit, me faisant stopper net, afin que mes yeux se réhabituent une nouvelle fois à l'obscurité ambiante. Mais celle-ci était différente de celle de la grotte ou des souterrains du L.A.B, me rendis-je compte lorsque je relevai mes paupières. La lumière intense du soleil, filtrée par les plantes et la mousse recouvrant les vitres, baignait l'endroit d'une lumière verdâtre. Cela conférait au lieu une atmosphère étrange...voir inquiétante, mais que curieusement je trouvai apaisante, après la luminosité implacable régnant à l'extérieur et à laquelle je n'étais pas habituée. Mais le plus agréable, à mon sens, était la fraîcheur qui régnait ici et qui apaisait peu à peu ma peau surchauffée.
Voyant que les autres en profitaient pour reprendre leur souffle et ne semblaient pas plus pressés que cela de partir en exploration, je pris le temps de regarder autour de moi. Nous nous trouvions dans une sorte de hall immense, qui à l'origine avait dû être entièrement blanc, du carrelage au sol, à la peinture des murs. Mais qui, à présent, était terne et recouvert de poussière et de végétaux en tout genre. Une sorte de grand comptoir incurvé, trônait inutilement au milieu de la pièce, semblant abandonné au milieu de tout ce vert.
Je m'aventurais enfin à faire quelques pas en avant pour rejoindre les autres, regroupés près de ce qui avait dû être le bureau d'accueil. Le bruit de ma foulée résonna fortement dans le silence ouaté de la pièce, me faisant sursauter et me donnant un coup au cœur. J'essayai donc d'être plus discrète dans ma démarche et m'approchai d'eux, à pas prudents.
— On attend quoi ici ? Demandait Ophélia à Lynch d'une voix impatiente au moment où j'arrivai à leur hauteur.
— Que les drones s'en aillent et que nous puissions rejoindre notre point de rendez-vous, lui répondit-il, tout en retirant sa veste en lambeaux.
— Et pour y retrouver qui ?! lui répondit-elle d'un ton agressif. À quoi ça va servir d'aller là-bas, s'il n'y a plus que nous en état d'y arriver ! Nous ferions mieux d'aller chercher ceux de l'autre groupe qui n'ont pas été capturés ! On...
— ...et il se passera quoi, si l'on part à leur secours alors qu'eux ont décidés de continuer à suivre le plan initial, dans l'espoir de nous retrouver à l'usine ! En ne nous voyant pas, ils risquent de croire que nous avons été capturés aussi et peuvent paniquer !
— Isy est avec eux. Aucune chance qu'elle panique, affirma Ophélia avec une assurance que seule une profonde affection avait le pouvoir de générer.
— Sauf si elle est morte, déclara soudain Elana de sa voix pragmatique habituelle.
Un silence choqué suivit ses paroles froides et totalement dénuées d'empathie. Sa réflexion, avait beau être pertinente, il y avait d'autre façon de le dire et certainement aussi, d'autres moments plus appropriés.
— Pourquoi dis-tu ça, lui demanda Ophélia d'une voix agressive, bien qu'elle luttât de toute évidence contre les larmes.
— Je ne connais pas bien Isy, mais elle n'a pas l'air de quelqu'un qui laisse tomber ses amis sans se battre, alors...j'espère que j'ai tort, mais...au vu de son caractère courageux...c'est une possibilité.
Elle lui avait répondu, d'une voix douce et gentille, s'étant vraisemblablement rendu compte de son précédant manque de tact.
— Raison de plus, pour refaire leur parcours en sens inverse et chercher s'il y a des survivants.
— Non, c'est trop risqué, asséna Lynch de sa voix de prof autoritaire. Nous allons rejoindre l'usine comme prévu...et s'il n'y a personne, reprit-il après avoir fait signe à Ophélia de ne pas l'interrompre, nous partirons à leur recherche. Si tu n'es pas d'accord avec moi...je ne te retiens pas, lui dit-il enfin en fixant son regard implacable dans le sien.
Bien que cela me choqua, je comprenais son point de vue et pourquoi il lui parlait comme ça. Elle était stressée et en état de choc et c'est en général à ce moment-là que l'on prend les mauvaises décisions. Il essayait donc de la forcer à se reposer sur lui et à le laisser prendre les décisions qui s'imposaient, aussi difficiles fussent-elles. Voyant que sa tactique de petit chef militaire risquait de ne pas fonctionner, je décidai de tenter une diversion.
— Qu'est-ce-que c'est que cet endroit, demandai-je à Lynch espérant ainsi désamorcer la situation.
— Une ancienne tour de bureau abandonnée depuis longtemps, me répondit-il sans la moindre hésitation.
— Vous n'avez pas peur que les drones ne nous aient vu pénétrer ici et que tout un bataillon de gardes ne nous tombent dessus, lui demanda Elana visiblement étonné par le calme olympien de Lynch.
— Même s'ils savaient où nous nous étions réfugié, ce dont je doute, ils ne viendraient pas ici.
— Et pourquoi ça ?
Il sembla réfléchir quelques secondes, puis finalement poussa un petit soupir avant de lâcher d'une voix prudente ;
— Parce que toute cette zone et en particulier cet immeuble, sont en quarantaine.
— En quarantaine ! m'exclamai-je, soudain alarmée de la raison de cet état de fait. Pour quelle raison ?
— Parce qu'il y a quelques années, toutes les personnes qui vivaient ici...sont mortes.
Durant quelques secondes, nous ne dîmes rien, plus que surprises par sa réponse et surtout par le fait que cela n'ait pas l'air de l'inquiéter. Ce qui, d'un autre côté, était plutôt rassurant.
— C'est impossible ! Si une tragédie pareille c'était réellement produite, cela se serait su, commenta Elana avec raison.
— Pas si ces personnes n'étaient pas censées exister, lui répondit Lynch en jetant un regard entendu à Ophélia, avant de planter son regard dans le sien.
— Expliquez-vous au lieu de parler par énigme, m'énervais-je soudain.
— Certaines personnes, comme moi...ne viennent pas des E.E.V, commença à expliquer Ophélia avec une réticence certaine. Mes parents ont refusé de se plier à l'obligation d'abandonner leur enfant au bon soin de la société, le jour de ses 2 ans. Ils ont donc fui avec moi et sont allés se réfugier dans l'une des communautés souterraines existant ici et regroupant toutes les personnes refusant de se plier à leurs lois idiotes.
— Tu connais donc tes parents, lui demandai-je d'une voix fluette, dû à la surprise et à la jalousie soudaine que cette révélation m'inspirait.
— Oui et mon frère aussi, me répondit-elle d'une voix rêveuse, un petit sourire triste étirant ses lèvres. Nous nous sommes progressivement éloignés lorsque mes « pouvoirs » sont apparus, continua-t-elle d'une voix triste à présent. J'ai fini par quitter notre communauté pour ne pas leur attirer d'ennui et...c'est là que Gab m'a trouvé, dit-elle en lui lançant un regard reconnaissant d'où toute animosité avait désormais disparu.
Moi qui voulait juste faire diversion, je ne pensais pas que ma simple question aurait autant de répercussions et amènerait tant de réponses, aussi intéressantes que dérangeante. Surtout dans le sens où cela me donnait envie d'en savoir encore plus et que c'était tout sauf le bon moment, si nous voulions avoir une chance de sauver le reste du groupe un jour.
— Je me doute que vous avez plein de question, dit soudain Lynch interrompant ainsi Elana qui s'apprêtait à ouvrir la bouche, mais les réponses attendront un peu. Nous avons patienté assez longtemps, ils doivent être parti...allons-y.
Même si des milliers d'interrogations me brûlaient les lèvres et saturaient mon cerveau, je me contins et c'est en silence que nous suivîmes Lynch. Ce dernier nous fit signe de nous arrêter d'un geste de la main et continua seul jusqu'aux planches branlantes et décolorées par le temps, qui obstruaient le panneau de verre brisé. Il écarta la planche mobile d'un geste prudent et avança sa tête pour jeter un coup d'œil précautionneux à l'extérieur...
— Couchez-vous ! nous hurla-t-il, alors qu'il se reculait précipitamment, faisant retomber la planche devant l'ouverture d'un coup sec, tandis qu'il se jetait au sol à l'instant où une rafale de balles, percutait les planches dans un bruit sinistre. Heureusement, aucune ne traversa et nous pûmes nous réfugier derrière le comptoir, choqués mais sans une égratignure.
— Sortez immédiatement de ce bâtiment et il ne vous sera fait aucun mal ! Retentit soudain une voix masculine forte et autoritaire, appartenant de toute évidence à l'un des gardes du conseil.
— Non mais, ils pensent vraiment que nous allons les croire alors qu'ils viennent de nous tirer dessus ?! Ils sont vraiment crétins, commenta Elana dans un chuchotement agacé.
— Ils nous pensent désespérés, lui répondit Lynch sur le même ton. Maintenant qu'ils savent que nous sommes ici, ils nous croient infectés...ils ne nous laisseront pas quitter ce bâtiment vivant. Nous n'avons plus le choix...il faut descendre, termina-t-il en se redressant à demi, pour commencer à se diriger vers le fond de la pièce, noyé dans la pénombre.
— Attendez ! Que voulez-vous dire par...infecté, lui demandai-je de plus en plus inquiète en commençant à le suivre malgré tout, voyant qu'il n'avait pas l'intention de s'arrêter.
— Contaminé par le virus qui a décimé tous les gens qui se trouvait ici...
— Quoi ! Et vous nous avez quand même amené là-dedans ?! Mais vous êtes fou !
— Ici, on ne risque rien...pas après tout ce temps, nous répondit-il sûr de lui. Par contre, en bas...je n'en suis pas sûr, murmura-t-il comme pour lui-même tandis qu'il poussait une porte rouillée et s'engageait d'un pas hésitant, dans des escaliers sombres et tachés.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top