Chapitre 33-2







Dès les premiers pas Lynch donna le ton, en intimant un rythme plus que soutenu à notre marche. Ce qui était relativement logique puisque nous avions hérité du parcours le plus long étant le group le moins mal en point. Même si nous marchions le plus possible sous le couvert des arbres chétifs et des buissons malingres bordant les rues, je ne pouvais m'empêcher de regarder avec avidité autour de moi. Essayant d'apercevoir le plus de choses possible de cette cité, dont on m'avait tant parlé mais que je n'avais jamais vu.

D'après ce que nous avait expliqué Lynch, nous nous trouvions dans la partie le plus sauvage et la moins entretenue de la ville. Ce quartier délabré en bordure du champ de force était surtout constitué d'usines, de vieilles fermes hors sol et de bâtiments à l'abandon. Tandis que mon regard cherchait à apercevoir au loin les immeubles mieux entretenus du centre-ville, je restai un instant stupéfaite ; mes yeux écarquillés rivés sur le ciel déclinant différentes nuances de mauves. Depuis quand le ciel était-il violet, me dis-je éberluée, sans réussir à détacher mes yeux de ce spectacle troublant, mais hypnotique.

— C'est beau hein ?! Me chuchota Ophélia, s'arrêtant à son tour à mes côté pour observer avec moi les lueurs changeantes et irisées du ciel.

— Oui, mais...ce n'est pas normal, ne pus-je m'empêcher, bien inutilement, de souligner l'évidence tellement j'étais troublée

— Si, le ciel est toujours violet dans les premières heures de l'aube et du crépuscule, me répondit-elle un petit sourire rêveur aux lèvres. C'est du à l'inclinaison des rayons du soleil effleurant le champ de force. On ne vous l'a jamais expliqué à l'E.E.V, me demanda-t-elle apparemment surprise de cet état de fait.

— Non, mais...

— Le cours de sciences appliquées ce sera pour plus tard, m'interrompit soudain Lynch d'un ton acide et furibond, toute en nous fusillant du regard. Dépêchez-vous ou l'on va se faire repérer.

Nous le rejoignîmes, Ophélia visiblement contrite, alors que moi j'étais juste...agacée. D'un côté il avait raison, j'en avais bien conscience, mais...il aurait pu le dire autrement ! Nous étions à présent accroupis au milieu d'un buisson un peu plus fournis que les autres et attendions que Lynch, les yeux rivés sur sa montre, nous dise dans quelle direction aller.

— À mon signal, vous traverserez le plus rapidement possible, nous dit-il dans un chuchotement concentré. Maintenant, lâcha-t-il soudain en se levant brusquement.

Nous le suivîmes le plus vite que nous le pûmes. Il n'y avait pas beaucoup de distance à parcourir mais la position semi-courbée que nous adoptions afin d'être moins visible, m'était très pénible du fait de mes blessures. C'est donc à bout de souffle et à la limite de l'étourdissement que j'arrivai à l'abri du mur en béton délavés et recouvert de plantes grimpantes, contre lequel je m'adossai avec bonheur. C'est là, tandis que j'essayai de retrouver une respiration normale, que je vis Lynch accroupit à quelques pas de là, la tête dans les mains, ne paraissant pas en meilleur état que moi. C'est à contrecœur que je quittai mon support et m'approchai de lui pour voir comment il allait.

— Ça va ?  Lui demandai-je discrètement, hésitant à lui mettre une main sur l'épaule dans un geste instinctif de réconfort, me disant qu'il y avait de grandes chances qu'il n'apprécie pas.

Au lieu de me répondre, il tourna vers moi son visage fatigué, où des cernes encore plus importantes que quelques heures auparavant, semblaient lui manger le visage de manière inquiétante.

— On est bientôt arrivé, ne pus-je m'empêcher de lui demander, devant les signes évidents de son épuisement, même si j'avais un peu la sensation d'être une gamine de dix ans à l'arrière d'une voiture (choses que je ne connaissais, que de par mes nombreuses lectures, des livres précédant le cataclysme).

Il se releva lentement, les deux mains appuyées sur ses genoux. Ce simple geste paraissant lui demander beaucoup plus d'effort que nécessaire.

— Ne t'inquiètes pas, je ne vais pas m'écrouler avant d'arriver, me dit-il avec un petit sourire. J'espère que toi non plus ?! Ta cicatrice, ça va ?

— Oui, lui répondis-je après un petit instant d'hésitation qui le fit tiquer. La suture tient le coup, pour le reste...je m'en préoccuperai plus tard, crus-je bon de lui préciser, à la vue de son air inquiet et suspicieux.

Il n'insista pas et jetant un coup d'œil alentours, certainement pour voir si les filles étaient prêtes, s'approcha du bord du mur, avant de passer prudemment sa tête de l'autre côté.

— La bordure extérieure est en vue, me dit-il une fois son inspection terminée. De ce côté de la ville nous serons tranquille, c'est quasiment jamais surveillé. Nous allons la longer sur un kilomètre ou deux, puis nous serons presque à destination.

Nous sortîmes donc à découvert, sans plus de précaution que cela et je restai un instant figée devant le panorama s'ouvrant devant mes yeux. Je m'attendais, j'espérais même apercevoir « l'extérieur », comme on l'appelait, le monde toxique se trouvant derrière la barrière et qui nous était interdit. Au lieu de cela, un immense mur de béton de plusieurs mètres de hauts, encerclait la ville telle une enceinte sombre et hermétique, oblitérant toutes vues de ce qui pouvait se trouver derrière. Je savais qu'une muraille protectrice existait bien sûr, mais je ne la pensai pas si imposante et...impénétrable.

— Oui...ça fait un choc la première fois, me chuchota Ophélia à l'oreille. Mais après c'est comme tout...on s'y fait.

— Mais si ce mur entoure toute la ville, comment comptez-vous passer de l'autre côté ?

— En fait il est creux, on peut faire le tour complet à l'intérieur. Il y a donc moyen de passer de le franchir, mais seulement à certains endroits. Il abrite même certaines installations vitales de la cité, m'expliqua Lynch, visiblement plus accommodant que d'habitude.

— Mais de ce côté-ci...ce n'est qu'un simple mur de protection, raison pour laquelle, il n'y a quasiment aucune surveillance, nous précisa-t-il après un instant de silence. Mais ce n'est pas une raison pour ne pas être vigilant, nous prévint-il en commençant à marcher prudemment le long de l'étendue de terres stériles, s'étendant entre nous et le mur.

Nous n'avancions pas vite et la chaleur qui augmentait au fur et à mesure que le soleil se levait, nous sapait les dernières forces qu'ils nous restaient. C'était encore plus pénible pour  Elana et moi qui n'étions pas encore habituées à rester longtemps en extérieur et qui plus est, en plein soleil. J'avais chaud et ma peau me brûlait, semblant devenir trop étriquée pour mon visage.

J'étais sur le point de demander une halte, si possible à l'ombre, quand je vis Lynch s'allonger brusquement sur le sol. Sans réfléchir, je fis de même, imité quasi-instantanément par les filles se trouvant quelques pas devant moi. J'entendis avant de voir, ce qui avait mis Lynch en alerte. Des bruits de pas, nombreux et cadencés, qui faisaient résonner le sol et n'annonçaient que des ennuis.

Nous allions nous replier en rampant vers les bâtiments désaffectés se trouvant sur notre gauche, quand la première rangée de gardes armés apparut, nous clouant sur place. Un regard explicite de Lynch, nous avertit de ne pas bouger, bien que nous n'ayons vraiment pas besoin de son avertissement muet pour rester immobile ! Le groupe de garde, d'au moins une vingtaine d'hommes, passa à quelques dizaines de mètres de nous, heureusement sans nous voir et s'engouffrèrent les uns derrières les autres, dans un passage habilement dissimulé du mur d'enceinte.

Ce n'est qu'au moment où la première rangée se décala que j'aperçus avec horreur et consternation, ce qui se trouvait au centre du groupe. Là, menottes aux poignets et chacun soutenu par deux gardes, se trouvait Oliver et Lada visiblement mal en point.

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