Chapitre 30-2







Ce qui n'arriva pas ! Au lieu de cela, il se contenta de me jeter le genre de regard méprisant et sarcastique que l'on réserve d'ordinaire aux ignorants, ou aux personnes un peu lentes. Puis, levant ostensiblement les yeux au ciel, il s'engagea d'un pas rageur dans le tunnel, tout en écartant les toiles pendouillantes d'un geste agacé.

Durant quelques secondes il ne se passa rien. Tout le monde se regardait, perplexe, ne sachant apparemment pas comment réagir. Puis, un à un, ils commencèrent à suivre Lynch, non sans me lancer² pour certains, des regards hésitants et confus.

Interdite, je restais là, à les regarder le suivre docilement comme des moutons allant à l'abattoir. Aucune panique, aucune interrogation...rien. J'étais...hébétée, ahurie, déçue...en fait j'avais du mal à trouver le qualificatif adéquat.

— Hayden, viens...il faut qu'on les suive, me dit Ophélia, debout devant l'entrée du tunnel, la main tendue vers moi, pour m'inciter à la suivre.

— Alors vous aussi ? Vous aussi vous allez vous engouffrez là-dedans sans vous poser la moindre question ? Vous ne me faites donc aucune confiance ? Accusais-je Ophélia, ainsi que Isy et Lada qui étaient également restées en arrière pour m'attendre.

— Ce n'est pas ça...commença Isy.

— Bien sûr que nous te faisons confiance, me dit simultanément Lada en s'approchant de moi, mains tendues, dans l'intention de saisir les miennes.

Je ne la laissai pas faire et m'écartai d'un pas en lui jetant un regard blessé.

— Mais nous n'avons pas d'autre choix, continua-t-elle en baissant les bras. Toutes les autres issus sont bloquées alors...soit nous tentons notre chance dans ces tunnels quoi qu'il s'y trouve, soit...

— ...nous mourrons ici, termina Isy à sa place d'une voix grave.

J'avais beau entendre et comprendre ce qu'elles me disaient, mon appréhension ne me quittait pas. Raisonnant comme un signal d'alarme dans mon cerveau...danger, danger, danger...me répétait-il en une boucle répétitive et lancinante.

— Lynch aussi te crois, m'assura Isy d'une voix assurée. C'est même ton plus fervent défenseur depuis le début. S'il s'est comporté comme ça, s'il à tenter de te discréditer...c'était pour éviter la panique...tu le comprends n'est-ce- pas ? Cru-t-elle bon d'ajouter, devant mon air buté et  sceptique.

— Ce que je comprends surtout, c'est que si nous empruntons ce tunnel...un frisson glacé me parcouru, finissant ma phrase aussi efficacement que des mots.

— Cette prémonition, je suis persuadée que c'est un avertissement, me dit Lada avec ferveur. Pour nous prévenir du danger et que nous soyons...

— ...sur nos gardes, l'interrompit Lynch dans un murmure, de l'entrée du tunnel. Tu devrais les écouter Hayden, ajouta-t-il en me lançant un regard, qui si je ne le connaissais pas, aurait pu ressembler à des excuses.

Puis sans s'expliquer ou se justifier d'avantage, il franchi à nouveau le voile arachnéen et disparu à nouveau dans la galerie vétuste, me laissant me débrouiller seule avec mes idées, désormais embrouillées. Il me croyait alors ?! Ou me mentait-il une fois de plus pour m'obliger à le suivre ? J'étais perdue à présent, déchirée entre mon instinct qui me hurlait de ne surtout pas pénétrer dans ce tunnel et ma raison, qui elle me disait que Lada n'avait peut-être pas tort. Les filles m'attendaient patiemment, attendant que je me décide, mais dans le fond...quel autre choix avais-je ? Je m'apprêtais finalement à rejoindre Lynch, quand Isy me retint soudain par le bras.

— Cette menace que tu pressens...c'est quoi exactement, me demanda-t-elle d'un ton inquiet tandis que les deux autres se rapprochaient, visiblement intéressées d'entendre ma réponse.

— Je...je ne sais pas, lui répondis-je avec réticence. Ce n'est pas précis, juste comme...une impression, ou plutôt...une certitude absolue...mais c'est compliqué à expliquer avec des mots, terminais-je de moins en moins sûre de moi.

C'est certain qu'exprimé ainsi c'était...à la limite du pathétique. Mais aux regards à la fois inquiets et décidés qu'elles se lancèrent, je sus qu'elles me croyaient vraiment et cela me remonta un peu le moral. C'est donc toujours avec une appréhension sourde et la peur au ventre, mais un peu apaisée tout de même, que je pénétrais dans le tunnel accompagnée des filles.

Le reste du groupe se trouvait quelques mètres plus loin, nous attendant dans un silence fébrile et angoissé montrant que finalement, le stratagème de Lynch n'avait peut-être pas si bien fonctionné que ça. Lorsque nous arrivâmes, j'essayais de me faire la plus discrète possible, mais tous les regards se rivèrent instantanément sur moi à la seconde où je pénétrais dans leurs champs de visions.

— Allons-y, ordonna Lynch d'un ton sans réplique, tout en joignant le geste à la parole. Puis passant volontairement tout près de moi, pour aller prendre la tête de notre petit groupe, il me murmura,

— Suis-moi Hayden, je préfère que tu restes près de moi.

J'avais une furieuse envie de répliquer que je n'avais plus dix ans...mais je m'abstins et le suivis en serrant les dents. Le silence pesant et oppressant amplifiait le claquement que produisaient nos pas dans l'eau croupie, réverbérant le son sur les murs, le faisant paraître assourdissant. La pénombre inquiétante qui régnait dans ses étroits corridors maçonnés ne nous permettait pas de distinguer grand-chose d'autre que nos pieds. Même les six lampes que nous avions récupérés, bien qu'équitablement réparties, n'augmentaient notre périmètre éclairé que  de quelques dizaines de centimètres seulement. 

Lynch, Oliver et moi ouvrions la marche. Les deux hommes avançaient d'un pas nerveux et pressés, que j'avais bien du mal à suivre, compte tenu de mon état. Au fur et à mesure que les mètres et les minutes passaient, mon souffle se fit de plus en plus laborieux et la douleur de ma cicatrice empira, m'obligeant à ralentir le rythme. Ce que Lynch ne manqua pas de remarquer.

— Il faut avancer Hayden, me pressa-t-il en me saisissant le bras pour que je garde la même allure que lui. Si tu as raison...et je le pense, ajouta-t-il dans un murmure...moins nous trainerons dans ce labyrinthe de malheur, mieux ce sera.

— Je sais, mais je...

À l'entente de ma voix essoufflée, Lynch ralentit immédiatement et certainement par peur que je ne m'écroule devant lui, passa son bras autour de moi pour me soutenir.

— On va faire une petite pause, dit-il d'une voix forte mais mesurée, afin d'être entendu par tout le monde sans sonner l'alerte pour autant.

Puis il m'aida à m'assoir dans un endroit relativement sec. C'est avec un soupir de soulagement que je m'adossais à la paroi froide et visqueuse et tentais de trouver une position confortable pour soulager la douleur.

— Il fallait me le dire, me gronda-t-il dans un chuchotement contrarié tout en s'agenouillant devant moi.

— Je ne voulais pas ralentir le groupe, lui répondis-je d'une voix déjà plus ferme. Et puis vous avez raison, il ne faut pas traîner...

— Ca nous avancera à quoi si tu t'écroules ?! Me coupa-t-il visiblement très agacé. Ta cicatrice ne s'est pas rouverte au moins, me demanda-t-il un peu plus gentiment quelques secondes plus tard.

— Non...c'est bon. Lui répondis-je, après avoir jeté un bref coup d'œil anxieux au pansement de fortune, heureusement toujours immaculé.

— Bon, encore cinq minutes et on repart...

— Gabe, on a un problème ! L'interrompit O' le plus discrètement possible, afin de n'être entendu que de nous seuls.

Lynch se releva d'un bond et d'un signe de tête, fit signe à O' de s'éloigner du groupe. Ce n'était peut-être pas très malin de ma part, mais...il fallait que je sache. Je me relevai donc et m'approchai d'eux pour entendre et éventuellement participer à la conversation.

— Dans quelques mètres, il y a un embranchement...condamné comme l'autre, lui disait O' au moment où j'arrivai à leur hauteur.

Lynch tourna la tête vers moi en m'entendant arriver. Mais mis à part un coup d'œil furibond et agacé...il ne dit rien.

— Et bien voilà qui règle la question du problème du choix, rétorqua Lynch en se retournant vers O'.

— Oui mais...l'autre issue est partiellement condamnée également et...ce n'est pas accidentel, lui dit-il enfin d'un ton nerveux.

— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

— Les traces très visibles d'explosifs, dit Oliver en se tournant vers moi. Tu avais raison Hayden, mais en partie seulement.

— Comment ça, lui demandais-je à mon tour. Un peu perdue par son discours décousu et énigmatique.

— Ca ne peux pas être un piège...les éboulements et les traces d'explosifs sont trop anciens !

— Quelle est ta suggestion dans ce cas, lui demanda Lynch d'un ton agacé, montrant qu'il commençait lui aussi à perdre patience.

— Ces passages ont été condamnés il y a longtemps. Pourquoi je ne sais pas, mais...ça ne me dit rien de bon.

— Bon ou pas...nous devons passer. C'est possible ou non ?

— Oui il y a une brèche suffisante, mais...

— Très bien, part devant avec les changeants. Hayden et moi, on vous rejoint avec les autres, lui ordonna-t-il d'un ton sans réplique, avant de retourner donner ses instructions aux autres membres du groupe.

Oliver et moi avions beau être très inquiets, nous fîmes ce que Lynch nous avait demandé, comprenant que nous n'avions pas d'autre choix. Nous réussîmes tous à passer à travers l'étroite fissure, non sans quelques égratignures, mais rien de bien méchant. Une fois de l'autre côté, l'obscurité sembla encore s'épaissir et l'air se faire encore plus lourd. Un enchevêtrement de galeries se trouvaient devant nous, formant un dédale géométrique impressionnant.

— Et maintenant on va où ? Demanda quelqu'un d'une voix tremblante.

— Tout droit, lui répondit Lynch. Nous nous trouvons dans un des anciens collecteurs des égouts, toutes ces galeries se rejoignent, nous dit-il avant de commencer à avancer d'un pas prudent.

Nous avancions précautionneusement, regardant tout autour de nous comme des bêtes traquées. Je ne sais plus qui donna l'alerte en premier, lorsque la première lueur rouge apparut dans l'obscurité. Mais en quelques secondes, nous fûmes encerclés par une multitude de petits points brillants qui nous fixaient. Puis vint le son, un espèce de couinement qui ne cessait de croitre au fur at à mesure que les secondes passaient. Nous venions sans doute de découvrir la cause de ma prémonition et de l'obstruction des tunnels. La question était, en sortirions-nous vivant ?

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