Chapitre 29-2
Tout le monde se mit à courir, essayant d'atteindre le couloir avant de se faire aplatir par un morceau de plafond. Connors louvoyait entre les trous, les débris déjà au sol et les morceaux tombant en une pluie mortelle autour de nous. Je lui avais déjà crié à plusieurs reprises de me lâcher, de me laisser me débrouiller seule, qu'il aurait plus de chance sans mon poids mort dans les bras...mais il ne voulait rien entendre.
Il commençait à donner de sérieux signes de faiblesses, au moment où nous arrivâmes enfin en vue du passage. C'est alors qu'une secousse plus forte que les autres le déstabilisa et que je le sentis partir en avant et commencer à perdre l'équilibre. Dans un ultime sursaut, il réaffirma sa prise sur moi et réussit je ne sais comment à se remettre sur ses pieds. Il s'apprêtait à repartir, quand un des gardes blessés marchant devant nous trébucha, l'obligeant à faire un écart brusque vers la gauche. C'est là que simultanément, il se tordit la cheville dans le mouvement et que le sol se remit à trembler.
Alors que je me voyais déjà par terre, je le sentis contracter tous ses muscles et dans un effort surhumain, il me projeta en avant.
— Argh !!!! Mais qu'est-ce que tu fais ?! Eus-je le temps de lui crier, alors que je m'envolais de ses bras.
J'étais terrorisée, je ne maîtrisais plus rien et plus j'approchais du couloir à demi-éboulé, plus j'étais persuadé que j'allais finir encastrée dans ce qu'il restait du mur...mais non ! Connors avait bien calculé son coup et même si l'atterrissage fut rude, j'arrivais relativement intacte sur le sol recouvert de gravats. Je ne pus m'empêcher de crier, quand une pierre particulièrement pointue, me lacéra méchamment le devant du bras. N'étant plus à une égratignure près, je me relevais le plus rapidement possible, en grimaçant au passage, dans l'intention de demander à Connors ce qui avait bien pu lui prendre pour qu'il me balance comme un vulgaire sac de patates.
— Non mais qu'est-ce...commençais-je à l'invectiver en me retournant vers lui, avant de stopper ma diatribe, à l'instant où je compris toute l'étendue de la catastrophe.
À quelques mètres de là Connors était à terre, le pied coincé par un gros moellon tombé du plafond. Il avait beau s'acharner à essayer de se dégager, le morceau de maçonnerie ne semblait pas vouloir bouger d'un pouce. Il y a bien une ou deux personnes qui essayèrent de l'aider, mais la peur de se faire assommer ou tuer, venait très vite à bout de leur accès de courage. J'allais moi-même me précipiter à son aide, quand je sentis quelqu'un m'attraper le bras pour stopper mon mouvement et m'entrainer avec lui dans le passage obscur.
— Ne m'attends pas Hayden ! Me cria Connors, quand il vit que je résistais de toutes mes forces, refusant de l'abandonner. Le temps de me dégager et je te rejoins...
Il n'eut pas te temps de terminer sa phrase, qu'une pierre détachée du plafond vint le heurter en pleine tête et il s'écroula.
— CONNORS !!! Hurlais-je en me précipitant vers lui, alors que quelqu'un me ceinturait violemment et que je chutais au sol, l'entraînant avec moi.
— Mais lâchez-moi ! Criais-je en me débattant, pour que la personne qui me retenait me lâche enfin.
— Non c'est trop dangereux Hayden...il faut rester à l'abri, me répondit Lynch le souffle court de devoir me retenir contre ma volonté.
Je crois que c'est à ce moment précis, alors que j'étais impuissante au milieu du chaos, que je pris conscience d'une chose...J'étais une changeante, j'avais des capacités que les autres n'avaient pas alors...pourquoi ne pas m'en servir ? C'était la première fois que cela m'apparaissait comme une évidence, comme faisant partie de moi. Forte de cette nouvelle assurance, je balançais mes bras en arrière d'un mouvement ample et assuré, me dégageant de Lynch aussi facilement que s'il s'était agi d'un enfant de dix ans. Je l'entendis pousser un cri de douleur, ou de surprise je n'aurai su dire, mais ne m'en souciais pas, trop obnubilée par le besoin d'aller secourir Connors. Je m'élançais vers l'ouverture quand le mur, déjà sérieusement affaibli et endommagé par les explosions précédentes céda pour de bon, oblitérant définitivement le passage.
Le souffle de l'éboulement me déstabilisa et je faillis tomber. Lynch (encore lui !) me saisit une nouvelle fois par la taille et me tira en arrière, alors qu'un nouveau pan s'écroulait pile à l'endroit où je me trouvais quelques secondes auparavant. Je savais que j'aurai dû le remercier mais au lieu de ça, je me dégageais une nouvelle fois violemment pour me précipiter sur le tas de pierre et commençais à essayer de dégager un passage de mes mains.
— Hayden, arrêtes...c'est trop tard ! Essaya-t-il de me raisonner, d'une voix à la fois agacée et désolée.
— Connors ! Hurlais-je en pleurant à moitié, tout en m'acharnant sur l'éboulis à m'en faire saigner les mains.
Quelque part au fond de moi, je savais bien que Lynch avait raison et que ce que je faisais était irrationnel et contreproductif. Même avec ma soi-disant force, je n'arriverai jamais à faire un trou assez gros pour qu'un homme puisse y passer. Sans compter que Connors était sans doute déjà mort...non ! Je ne voulais pas penser à ça. C'était ça la raison qui me poussait à continuer à creuser, me rendis-je compte tandis que mes larmes se muaient en une colère sourde et froide. C'était par refus de la fatalité, je ne voulais pas abandonner et la laisser gagner.
— Hayden, il faut que tu comprennes...c'est condamné, plus personne ne passera par là...
— Oh mais je comprends, lui rétorquais-je d'une voix agressive, comme si il était personnellement responsable de tout ce gâchis. Il est simplement hors de question que je me résigne, hurlais-je en balançant de toutes mes forces une pierre dans sa direction, mais sans le viser réellement. Je ne veux pas l'abandonner...
— On n'a pas le choix ! Même si ça me désole autant que...
— Non ça ne vous désole pas, explosais-je en me précipitant vers lui, hors de moi. Vous ne l'aimez pas...et d'ailleurs rien ne vous désole, vous...
— Hayden ?!
Ce son, à peine audible, parvint quand même jusqu'à mon cerveau, arrêtant net ma crise d'hystérie.
— Connors...c'est toi ?! Appelais-je à travers la roche, d'une voix pleine d'espoir.
— Oui...me répondit-il un petit rire dans la voix, mais qui ne parvenait pas à cacher totalement sa douleur et sa lassitude.
J'étais tellement soulagée de l'entendre, de savoir qu'il n'était pas mort, que je me remis à déblayer de plus belle. C'est là que je m'aperçus que, tout à ma rage, j'étais parvenue à créer une petite ouverture. Oh minuscule, à peine quelques centimètres de diamètre, mais c'était suffisant pour permettre à Connors de communiquer avec nous et la raison pour laquelle nous pouvions l'entendre aussi clairement. Je m'approchais de la petite ouverture et commençais à tenter de l'agrandir.
— Hayden, ça suffit maintenant ! Tu vas nous faire tomber le couloir sur la tête, s'emporta Lynch en me saisissant une nouvelle fois le bras, dans l'intention évidente de m'écarter de la zone d'éboulement.
— Partez alors, je ne vous retiens pas ! Lui hurlais-je en me retournant, mon visage à quelques centimètres du sien. Mais moi...il est hors de question que j'abandonne.
— Il a raison, dit Connors de sa voix faible et résignée qui ne me disait rien de bon. Pars avec lui, nous on se débrouillera...
— Mais comment ? Lui demandais-je en essayant de l'apercevoir à travers le trou.
Le peu que je pus apercevoir ne me rassura pas. Son visage était couvert de poussières et de sang, venant principalement de sa blessure à la tête. Ses traits étaient tirés et il semblait souffrir, même si il tentait visiblement de me le cacher.
— Vous êtes nombreux ? Demanda soudain Lynch, en s'imposant à mes côtés. Allant même jusqu'à me pousser pour avoir accès à l'ouverture.
Pour quelqu'un qui, il y avait quelques secondes à peine, voulait partir sans se retourner...il ne manquait pas d'air !
— De vivants ? Ironisa Connors avant d'être prit d'une quinte de toux. Une petite dizaine, je dirais...mais plutôt mal en point, termina-t-il tout bas pour ne pas que j'entende sa dernière phrase...ce qui, à l'évidence, ne fonctionna pas.
— Passez par les souterrains, lui répondit Lynch sûr de lui. Je suis persuadé qu'ils sont toujours debout, ils sont plus solides qu'ils en ont l'air.
Connors ne répondit pas tout de suite, paraissant réfléchir, tandis que lui et Lynch se regardaient à travers l'ouverture.
— Oui...si vous avez raison...ça peut être jouable, finit-il par répondre, semblant reprendre un peu d'espoir...
— Très bien faisons comme cela alors, lui dit précipitamment Lynch en commençant à se redresser. Retrouvons-nous à l'ancien bâtiment désaffecté, non-loin de la barrière est. Il se trouve environ à mi-chemin de nos deux points se sorties ?!
— Oui ce sera parfait, lui répondit Connors. On se retrouve là-bas.
Lynch finit de s'écarter du trou et je m'empressais de prendre sa place. Je n'eus même pas le temps de jeter un dernier coup d'œil à Connors, qu'il me tirait déjà en arrière, prêt à partir.
— Allez Hayden, allons-y, me pressa-t-il en tentant de m'attirer à lui.
— Non mais attendez ! C'est quoi votre problème, à la fin ?!
— Mon problème c'est toi ! Tu vas tous nous faire tuer à t'entêter comme ça !
J'allais répliquer vertement quand Connors m'interrompit.
— Hayden, il a raison. Pars avec lui...pour nous ça va aller. On se retrouve bientôt, me dit-il en effleurant mon doigt du sien à travers l'ouverture.
J'essayais de le retenir mais, après m'avoir lancé un dernier regard où je crus déceler une pointe de regret, il se détourna et disparut de mon champ de vision. Me laissant seule avec l'horrible sensation qu'il m'avait menti et que nous ne nous reverrions jamais.
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