Chapitre 23-2







Nous étions prises au piège. Faites comme des rats, ne pouvais-je m'empêcher de penser tandis que je scrutais le moindre recoin d'ombre qui nous surplombait, m'attendant à ce que ces...choses nous tombent dessus d'un instant à l'autre. Mais alors que j'étais là, à m'agiter, en passant d'un coin à l'autre ce cette foutue cour. Mon acolyte elle, me regardait faire, un petit sourire aux coins des lèvres.

— Je peux savoir ce qu'il y a de drôle ? L'apostrophais-je au bout d'un moment, à bout de nerfs. On peut sortir d'ici ou pas ?

— Normalement je ne suis pas sensée te le dire. Mais puisque apparemment Gabe a changé les règles...commença-t-elle en s'approchant de la fontaine d'un pas décidé.

Elle s'arrêta devant l'un des quatre piliers, écarta les plantes qui en dégoulinaient d'un grand geste du bras et appuya sur...quelque chose, que je ne pouvais pas voir de là où je me trouvais. J'allais m'avancer pour mieux distinguer ce qu'elle était en train de faire quand, un raclement sourd se fit entendre derrière moi. Je me retournais vivement, juste à temps pour voir un pan de mur pivoter, révélant un passage cintré envahi par les ténèbres. Alors que je m'approchais prudemment de l'ouverture, pressée de quitter ce piège infernal, un grognement menaçant venant de l'autre côté de l'ouverture, me stoppa net.

— Allez viens ! Me dit la fille, en me dépassant dans un éclat de rire. Il n'y a rien de l'autre côté, ajouta-t-elle en constatant que je ne la suivais pas. C'est Lada qui fait ça.

— Pardon ?

— Elle a le don de créer tous les sons qu'elle veut...En fait, nous sommes là pour te faire peur. Nous utilisons nos capacités pour te stresser, t'effrayer, afin de forcer tes propres pouvoirs à s'exprimer pleinement. Car certains des dons les plus puissants ne se révèlent que lors d'émotions fortes.

J'encaissais cette révélation sans broncher. Au fond, je n'étais pas vraiment surprise. J'étais même plutôt proche de la vérité tout à l'heure lorsque j'avais lancé mon appel. Qui, du coup, me paraissait un petit peu moins idiot maintenant...quoi que ! En revanche des tonnes de questions se bousculaient dans ma tête à présent et puisque nous n'étions pas en danger immédiat...je comptais bien en obtenir quelques unes, tout de suite.

— Vous êtes combien en tout ?

— Ça c'est la grande question, me répondit-elle avec une gaieté forcée tout en me gratifiant d'un clin d'œil assorti.

Décidément, j'avais dû tomber sur le boute-en-train de l'équipe ! Communicante hors pair comme je l'étais, c'était bien ma veine.

— En fait pour que le résultat soit plus aléatoire, nous ne sommes pas censés être au courant, continua-t-elle tout en s'avançant dans le passage. Me forçant ainsi à faire de même, si je voulais entendre la suite de la conversation. Mais au bout d'un certain temps, on se reconnait entre nous. Je peux donc t'affirmer que nous sommes au moins trois. Lada, la grogneuse. Ophélia, surnommée Sleepy, car elle peut jouer avec la luminosité ambiante à volonté et...moi !

Sur cette évidente constatation, elle s'arrêta approximativement au milieu du passage, ouvrit grand les bras et braqua son regard dans le miens.

— Je m'appelle Isy, mais mon surnom c'est...Écho...

Son dernier mot s'amplifia soudain et commença à se réverbérer sous le passage vouté, me forçant à reculer tellement l'effet était saisissant.

— Cool non ?! Me dit-elle sur un ton sarcastique et d'une voix normale avant de venir me rejoindre.

— Heu...oui, lui répondis-je hésitante, un peu interloquée par son ton.

— Allez viens. Je vais te montrer comment sortir de là rapidement. Je ne sais pas quelles autres surprises nous attendent alors...restes sur tes gardes, dit-elle avant de franchir l'arche d'un pas prudent.

— Je savais bien qu'il y avait une porte, marmonnais-je entre mes dents en la franchissant à mon tour.

Isy dut m'entendre malgré mon chuchotement car elle se retourna et même dans l'obscurité, je pus distinguer le petit sourire qui étirait ses lèvres. Elle m'avait donc délibérément mentit tout à l'heure...mais dans quelle but ? Était-elle véritablement une alliée désormais, ou tout cela faisait-il parti du test et du plan de Lynch ?

Tandis que nous avancions prudemment dans l'obscurité de plus en plus épaisse, je me torturais les méninges, pour déterminer quelle était la meilleure conduite à tenir. Bientôt à la pénombre, vint s'ajouter une sorte de brume qui semblait venir du sol et rendait notre cheminement de plus en plus pénible. J'avais de plus en plus de mal à distinguer mon environnement. Tout se confondait et mon imagination débridée s'en donnait à cœur joie. J'avais l'impression que les ombres s'allongeaient menaçante et me suivaient...à moins que ce ne soit des monstres...des vrais...Stop ! Me dis-je, tandis que mon cœur s'emballait et que tournant la tête une énième fois, je me pris les pieds dans quelque chose et manquait tomber. Je me rattrapais de justesse à un muret et décidais de faire une pause, histoire de me calmer et de reprendre un peu mes esprits.

— Qu'est-ce que tu fais, me demanda Isy.

Elle ne devait pas être très loin de moi, pourtant je ne la voyais pas et sa voix me parvenait comme...étouffée. Comme si le brouillard qui nous entourait déformait les sons, brouillant les perceptions. C'est au moment où j'allais lui répondre, que baissant machinalement les yeux, mon regard se posa sur l'objet à demi-enfoui qui m'avait fait trébucher...me coupant dans mon élan. C'était une brouette, dont seule la roue dépassait du sol. Ce qui n'avait aucune importance en soi. Ce qui était très important en revanche était que cela faisait trois fois que nous passions devant ! Une pouvait passer pour une coïncidence, mais trois cela ne pouvait signifier qu'une chose...nous tournions en rond. La question était de savoir si c'était dû au brouillard ou volontaire de la part d'Isy ? Bizarrement, mon instinct me soufflait que la seconde hypothèse était la bonne. Je ne perdis pas plus de temps à réfléchir et décidais de partir dans la direction opposé, le plus silencieusement possible.

Le brouillard ne me quitta pas, semblant même me suivre, quelques soit la direction que je prenais. Surement encore l'un des changeants à l'œuvre, me dis-je au bord du découragement tout en continuant à cheminer péniblement. Isy, quant à elle, avait tout simplement disparut, ne cherchant visiblement pas à me retrouver. Ce qui me conforta dans l'idée que j'avais eu raison de ne pas rester avec elle. Un moment plus tard, épuisée, je fus tentée de leur hurler de me sortir de là. Car, de toute évidence, leur test ne fonctionnait pas sur moi. Aucun super pouvoir, cool ou bizarre, n'avait montré le bout de son nez et pourtant ce n'était pas faute d'être stressée ! Même ma soi-disant « force surhumaine » semblait m'avoir abandonné au moment où j'avais le plus besoin d'elle. Le moins que l'on puisse dire, c'est que c'était frustrant.

Je me trouvais désormais dans un cul-de-sac, un mur de pierre éboulé me bloquant le passage. J'avais bien essayé de dégager l'éboulis...sans résultat. J'étais éreintée, j'avais soif et mes membres me donnaient l'impression d'être en plomb. Je me laissais tomber sur le sol et m'adossais à un mur pour me reposer un peu...peut-être même rester là. Après tout, à un moment ou à un autre, ils seraient bien obligés de venir me chercher ! C'est alors que cette solution me tentait de plus en plus, que la première pierre tomba.

Je levais la tête, surprise par le bruit, cherchant à déterminer l'origine de la chute. Quand une deuxième pierre vint s'écraser à quelques centimètres de mon pied gauche, fatigue ou pas, je me levais d'un bond. Si le mur était en train de s'effondrer, il fallait que je parte de là au plus vite. Je n'avais pas fait un pas en direction de la seule issus possible qu'une pierre se fracassa devant moi, m'empêchant d'avancer.

— Que me voulez-vous à la fin ?! Hurlais-je à la cantonade tout en tournant sur moi-même. Afin, qu'où se trouve le petit farceur qui jouait avec moi, il puisse m'entendre.

Seul un petit rire moqueur me répondit, alors que des projectiles de toutes tailles continuaient à tomber autour de moi, de plus en plus près, mais sans qu'aucun ne me touche. Cette fois-ci, trop c'était trop, me dis-je en m'accroupissant sur le sol, comme pour me protéger de la pluie lapidaire. J'en profitais pour me saisir d'un moellon et, me relevant d'une seule poussée, je le lançais de toutes mes forces sur ma droite, où je savais que se trouvait le changeant. D'où me venait cette certitude...aucune idée, mais je...je le sentais. Mon projectile avait-il atteint son but ou non, toujours est-il que le calme revint soudain autour de moi. Par sécurité, je ramassais une nouvelle pierre et attendis quelques instants avant de tenter une sortie.

— Très bien, ça suffit pour aujourd'hui. Tout le monde au réservoir pour un débriefing. Retentit soudain la voix de Lynch, semblant venir de nulle-part.

À l'instant où ses derniers mots raisonnèrent, le brouillard se dissipa soudainement comme aspirée par une machine invisible et la luminosité augmenta comme par magie. Je laissais tomber mon pavé, curieusement plus agacée que soulagée, par cette fin soudaine. Sûrement parce que, comme à son habitude, Lynch menait la danse sans rien expliquer. Résignée, je m'engageais à pas lourd dans les ruines, qui maintenant que je les arpentais en plein jour, ne paraissaient pas si étendues que cela. J'étais en vue de la passerelle infernale, quand...tout vola en éclat. Les quatre puits de lumières explosèrent simultanément, projetant une pluie de verre en contrebas. Bientôt suivit de projectiles noirs, que je n'identifiais pas immédiatement. C'est au moment où le premier toucha le sol et explosa à quelques mètres de moi, que je compris que c'était des grenades !

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