Chapitre 21-1




                  

Ce fut la douleur qui me réveilla. L'obscurité quasi-totale qui régnait dans la pièce, ne me permettait pas de savoir quelle heure il était, mais il devait être encore tôt car tout le monde dormait toujours paisiblement. Cela faisait au moins une demi-heure que j'essayais de trouver une position confortable pour me rendormir, sans succès. La douleur pulsatile qui émanait de ma main gauche et remontait le long de mon bras était, lentement mais surement, en train de me rendre dingue. J'avais beau être encore très fatiguée, je n'arrivais pas à retrouver le sommeil. L'angoisse de ce qui m'attendait mais aussi de décevoir, ne cessait de croitre, ajoutant à mon agitation.

Alors que je m'apprêtais à me lever malgré tout, n'en pouvant plus de tourner en rond dans mon lit, un bruit étrange et strident retentit dans le couloir. Je n'aurais su le décrire avec précision mais une chose était sûr, c'était que même avec un mur de séparation, ça me cassait les oreilles.

— Oh nooon...! C'est encore Justin qui est au clairon, se lamenta Connie d'une voix geignarde en se recouvrant la tête de son oreiller. Quand vont-ils enfin comprendre que c'est une torture, autant pour nous que pour lui, termina-t-elle d'une voix étouffée.

— Torture ou pas, il faut se lever, répondit Yaëlle en baillant à s'en décrocher la mâchoire, avant d'allumer une bougie d'une main incertaine.

Voyant que je la regardais faire un peu étonnée, elle crut bon de m'expliquer.

— L'électricité est chaotique ici, alors nous avons toujours une bougie a porté de main...et puis on trouve que l'éclairage des veilleuses est un peu sinistre, finit-elle en grimaçant d'un air sinistre derrière la flamme, ce qui me fit sourire.

Je m'extirpais tant bien que mal de mes couvertures, qui s'étaient entortillées de manière vicieuse autour de mes jambes, me donnant presque l'air d'une momie. Voyant que Yaëlle commençait à faire son lit, j'entrepris de faire de même. Constatant bien vite, qu'avec une seule main, c'était mission impossible. Depuis la veille, mes deux doigts cassés avaient doublé de volume, rendant ma main raide et quasiment inutilisable. Yaëlle fut à mes côté à peine une seconde après que le gémissement de frustration que je n'avais pas réprimé à temps, soit sorti de ma bouche.

— Ça va ? C'est ta main ? Attends, laisses-moi t'aider, enchaina-t-elle avant que je n'ai eu le temps de prononcer un mot. Tu sais, tu devrais la ménager si tu veux qu'elle guérisse correctement...oh excuses-moi...bien sûr que tu le sais, s'excusa-t-elle d'un air gêné, tout en lissant mes couvertures un peu plus longtemps que nécessaire.

— Non, ne t'excuses pas ! M'empressais-je de la rassurer avec un sourire que j'espérais naturel. Tu sais ce que l'on dit « les médecins font les plus mauvais malades »...même si je ne suis pas médecin, rectifiais-je rapidement, de peur de passer pour une affabulatrice prétentieuse.

— Tu es ce qui s'en rapproche le plus à des kilomètres à la ronde, commenta Connie dans un bâillement sonore, tandis qu'elle émergeait difficilement de ses draps. Quasiment toute la base a déjà eu vent de ta performance d'hier...et pour tout t'avouer, tout le monde est soulagé d'avoir enfin quelqu'un de compétent sur qui compter, au cas où...

— Au cas où quoi ? Demandais-je spontanément, intriguée par son ton.

— Au cas où l'on se blesserait à l'entrainement, me répondit Yaëlle à sa place.

— Je croyais que ce n'était encore jamais arrivé, ne pus-je m'empêcher de répondre même si je sentais bien que Yaëlle faisait tout pour mettre un terme à la conversation.

— C'est vrai, mais il y a toujours une première fois. C'était sûr qu'il y aurait un accident un jour...heureusement tu étais là !

— Ca c'est sûr, commenta Connie dans un bâillement sonore.

Cette conversation étrange me turlupinait. Je sentais bien qu'elles me cachaient quelque chose, sans pour autant réussir à mettre le doigt dessus. Alors que je reportais mon attention sur Connie, bien décidée à en avoir le cœur net,  je me retins difficilement d'éclater de rire, devant ses yeux hagards et ses cheveux en pétards. Assise au bord de son lit, le regard vide, elle avait visiblement du mal à émerger.

— Comme tu peux le constater, Connie a le réveil difficile, dit Yaëlle d'un ton faussement réprobateur avant de se mettre à rire doucement.

— Effectivement...

— J'en connais d'autres qui vont avoir un début de journée difficile si elles ne se dépêchent pas un peu plus, rétorqua Connie d'une voix moqueuse alors même que les lumières s'allumaient subitement dans un bourdonnement sourd.

— Comment ça ?! Oh m... s'exclama subitement Yaëlle en me jetant un regard affolé. J'avais complétement oubliée.

— Quoi ? Que se passe-t-il, lui demandais-je en me levant précipitamment, soudain un peu inquiète.

— Gabe t'attend à dix heures précises à la salle d'entraînement et il a horreur du retard, me répondit-elle tout en cherchant frénétiquement quelque chose dans un tiroir.

— Et alors ! Il n'est que sept heures, m'exclamais-je après avoir jeté un petit coup d'œil à la pendule antédiluvienne posée de travers sur l'une des commodes. Pourquoi tu t'affoles comme ça, continuais-je d'une voix nonchalante, soudain rassurée.

Si ce n'était que ça l'urgence...je pouvais me détendre, me dis-je en ricanant intérieurement. Si je pouvais l'agacer rien qu'en arrivant en retard, c'était bon à savoir...et je n'allais certainement pas m'en priver. Le petit sourire d'anticipation que je ne pus réprimer, attira l'attention de Connie qui me lança un regard d'avertissement que je ne compris pas.

— Le problème c'est que j'ai aussi dû promettre à Connors de t'emmener à l'infirmerie dans la matinée et que si nous ne partons pas tout de suite...bref, il faut qu'on se dépêche, dit-elle d'un ton exaspéré en continuant à fouiller frénétiquement.

Je m'apprêtais à lui dire ce que je pensais des ordres de Gabe, quand Connie se leva soudain et s'approcha de moi tout en me faisant discrètement signe de me taire.

— Si j'étais toi, j'éviterais de jouer à ça, du moins tant que tu es sous la responsabilité de  Yaëlle, me chuchota-t-elle à l'oreille en prenant bien garde que cette dernière n'entende pas. Car à l'inverse de toi, l'avis de Gabe compte beaucoup pour elle, alors...

Elle n'avait pas terminé sa phrase mais son regard entendu était bien plus éloquent que des mots. Je restais un instant interdite, me contentant d'acquiescer d'un signe de tête. Tout à mon idée de petite vengeance mesquine, je n'avais pas pensé aux implications que cela aurait pour mes camarades. Cela ne me ressemblait pas et j'avais un peu honte de mon attitude.

— Tu es prêtes, on peut y aller, m'interpella Yaëlle avec impatience tout en finissant d'enfiler à la hâte le pull qu'elle avait enfin réussi à dénicher.

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