Prologue
Les flammes. Flamboyantes, destructrices, elles léchaient les murs et dévoraient le minuscule berceau. Une résine brûlante coulait déjà le long des barreaux de bois. Le rouge, plus que du rouge, intense et passionné. Les couleurs brûlantes du soleil envahissaient la pièce enflammée.
La petite ne pouvait pas encore comprendre le risque qui émanait de ce furieux brasier. C'était si beau.
Elle ne percevait qu'un mélange de magnifiques volutes chaudes et colorées, nuances passionnées qui s'entrelaçaient entre elles. Leur lumière chatoyante tournoyait, s'étendait partout.
Le feu, lui, gonflait comme une menace, s'étirait jusqu'au plafond. Il engloutissait tout, et même l'obscurité n'avait plus sa place dans la chambre fumante.
Des odeurs entêtantes parvinrent au nez du nourrisson, qui papillonna des yeux en sentant la fumée brouiller sa vision. Elle éternua plusieurs fois, retroussant son petit nez. La brume toxique dégagée par l'incendie lui asphyxiait lentement les poumons.
Une toux plus puissante secoua son minuscule corps à peine développé. Elle se mit à pleurer bruyamment, comme un enfant profondément malheureux.
En réaction à l'attaque, elle plaqua instinctivement son tissu contre son nez, l'odeur de propre et de douceur qui en émanait la soulageant aussitôt. Les yeux clos, elle inspira avec soulagement. Une tranquillité douce voila lentement dans sa poitrine.
Son instinct n'était pas encore assez développé pour capter le danger imminent.
La chaleur de la pièce grimpait à toute vitesse.
Le feu glouton avait progressé, se rapprochant lentement du nourrisson. Les flammes entamèrent la combustion du bois sec du berceau, s'enroulant tout d'abord autour des pieds du petit lit. L'enfant serra un peu plus fort le doux tissu bleu en ressentant la chaleur brûlante qui faisait son chemin jusqu'à son corps sensible.
Au milieu du brasier mortel, elle perçut des gémissements étouffés. Elle observa avec consternation une silhouette fine et difforme, qui semblait hurler dans le déluge de feu. Son regard inquisiteur était posé sur la difformité étrange de son corps.
Elle lui tendit la main curieusement.
Qu'était-ce ?
La silhouette s'approcha d'elle, méconnaissable. Les lambeaux de sa peau étaient gravement brûlés, pendant le long de ses blessures immolées dans un spectacle morbide. Ses iris étaient d'un blanc vitreux, ses yeux presque aveugles.
La créature se pencha vers elle, et la petite fille eut soudain peur. La curiosité amusée s'était métamorphosée en terreur étouffante.
Son apparence l'effrayait, sa souffrance bruyamment exprimée la repoussait. Les larmes coulèrent sans retenue du visage de la créature, et elle lui murmura quelques mots avec une voix rauque, desséchée.
L'enfant ne comprit pas. Elle n'aurait pas pu.
Elle perçu néanmoins toute l'émotion que l'apparition y avait mis. Soudain touchée elle aussi, quelques larmes roulèrent sur ses douces joues alors qu'elle geignait lentement.
La silhouette inhumaine trébucha, s'étala contre le berceau en inclinant lentement son menton vers le plafond rose de la chambre. Elle découvra son visage brûlé, la peau fondue par endroit, la bouche difforme et les yeux exorbités. Elle n'était plus qu'un amas de chair endommagée, un visage détruit par les flammes.
La petite sanglota, serrant toujours plus fort le tissus contre son nez.
Dans un ultime effort, la femme se jeta désespérément sur sa fille en agrippant ses mollets avec une force brutale, incontrôlée. L'enfant couina de douleur sous la brûlure. Sa mère la serra contre elle, ignorant ses gigotements paniqués. Elle était à bout de force, et chaque mouvement lui coûtait énormément.
Mais la mort ne prendrait pas sa fille.
Elle avança pas à pas, chaque mouvement plus lent et plus éprouvant que le précédent. Elle parcourut péniblement les deux mètres presque infranchissables qui la séparaient de la fenêtre grande ouverte, poussant des râles d'agonie au cours du long et acharné processus. Dans un ultime acharnement, elle poussa une plainte déchirée puis s'étala en soupirant faiblement contre la fenêtre, laissant glisser son fardeau au dehors.
Elle ferma les yeux et poussa d'un coup son dernier souffle. Son cœur ne battait plus.
Morte.
Délivrée des bras salvateur de sa défunte mère, le nourrisson chutait. Lâchée dans le vide, elle tomba avec calme, appréciant la sensation à sa juste valeur.
Elle fut réceptionnée juste avant de violemment heurter le sol. Une gueule noire et chaude enserra le plus délicatement possible sa nuque, ne pouvant néanmoins empêcher de creuser légèrement sa peau. Elle couina de douleur en sentant ces crocs pointus pénétrer son épiderme sensible.
Il la tenait fermement, observant silencieusement ses potentielles blessures.
La petite ne broncha plus. Son regard perçant se levait vers le cadavre brûlé de la grande maison qui lui faisait face. Silencieusement, elle fourra son nez sensible dans le tissus bleu, contemplant avec une émotion muette le brasier crépitant.
La maison fumante, défaite, s'effondrait dans son intégralité. Les odeurs et la fumée lui envahissaient la gorge, et la très jeune fille se mit doucement à geignir. Une peine inexpliquée lui étreignit doucement le cœur.
La fourrure caressa son dos nu, et elle frissonna doucement. Elle était porté par un animal chaud, qui la balançait doucement du bout de sa gueule.
Dans un dernier regard, elle leva des yeux humides vers les ruines calcinées.
Ses yeux dorés se fermèrent doucement, calmement, sur le dernier souvenir de la mort de sa famille.
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