Chapitre 43

Elasia s'est lancée dans un grand projet : organiser une fête d'intronisation pour Rona. Si cette dernière n'a pas vraiment montré un grand enthousiasme à cette idée, trouvant que tout cela n'était que de la "mascarade", Elasia prend les préparatifs très au sérieux et tient à ce que tout soit prêt pour demain.

Les gens ont vraiment du mal à digérer cette possibilité d'insertion des Malfaçons au sein du Peuple des Astres et les journaux ne manquent pas de le faire savoir. Presque tous titrent que notre communauté va droit vers une nouvelle guerre qui sera bien plus dévastatrice que ce que nous avons déjà vécu. Seuls certains optimistes reconnaissent qu'avec le temps, notre monde ne pourra que mieux s'en porter. Plus de relations interdites, plus d'exécutions ou de bannissements.

De son côté, Alec se repose depuis la veille. Je ne sais pas ce que lui et Rona ont échangé hier car ma soeur passe le plus clair de son temps à rester enfermée dans sa chambre et même lorsque nous nous croisons, nous ne nous adressons presque pas la parole. Wren est rentré à la villa Nightsun juste après avoir quitté la chambre d'Alec et je ne peux m'empêcher de me demander s'il ne va pas redisparaître comme il l'a fait au bal d'été, il y a trois ans.

— À quoi tu penses ? me demande Phoebe, assise sur son lit à côté de moi.

Cela fait un moment que nous discutons de tout et de rien, de Rona, de tout ce qui s'est passé ces derniers temps...

— Euh... À rien en particulier, je marmonne peu convaincante.

Les lèvres de mon amie s'étirent en un petit sourire malicieux.

— Oh et j'imagine que par "rien en particulier" tu entends Wren, n'est-ce pas ? s'amuse-t-elle en papillonnant des yeux.

— Qu'est-ce qui te fait dire ça ? je réplique sans pouvoir retenir un sourire.

— Eh bien on a déjà parlé de ta jumelle maléfique qui va finalement peut-être passer du bon côté de la force, de ta reine de mère qui organise une fête alors que le peuple hurle au scandale, d'Alec qui se remet doucement de son passage dans la quinzième dimension... Il ne reste plus que Wren.

— Et Alexeï, je rétorque. Est-ce que votre relation a... évolué, si on peut dire ?

— Je te le dirais si on parle de Wren, s'obstine-t-elle en fronçant les sourcils. Alors dis-moi, qu'est-ce qui s'est passé quand vous étiez à Miami ? Laisse-moi deviner, il s'est excusé d'être parti, tu lui as dit qu'il n'y avait jamais rien n'eu à pardonner et vous vous êtes embrassés sur la plage sous le coucher du soleil, cédant à une passion trop longtemps retenue ?

J'écarquille les yeux, ne sachant trop si je suis plus choquée qu'elle ose dire ça comme ça ou que je ne puisse nier que ce qu'elle raconte aurait très bien pu se produire si les choses avaient été... différentes.

— Il ne s'est rien passé de tout ça, je réponds en la considérant comme si elle avait la capacité de lire chacune de mes pensées. Il n'y a absolument rien n'eu de romantique entre nous, si tu veux tout savoir.

Elle éclate de rire et je manque de lui balancer un coussin à la figure.

— Tu veux vraiment me faire croire qu'il est possible que Wren et toi partagiez une chambre d'hôtel sans que vous ne vous frôliez une seule fois ? Que l'atmosphère n'était pas chargée d'électricité chaque fois que vos regards se croisaient ? Que votre connexion magique ne faisait pas crépiter des étincelles ?

— Comment... Comment tu peux... ? je balbutie, impressionnée.

— Être si proche de la vérité ? complète-t-elle, toute contente d'elle. Je suis ton amie depuis toujours, Luna, reprend-elle avec douceur. Je sais quand tu es triste, quand tu es heureuse... Tu as passé les trois dernières années à n'être que l'ombre de toi-même, un fantôme. Et depuis que Wren est revenu, c'est comme si... Quelque chose s'était rallumé en toi. La flamme qui te fait vivre, et pas juste survivre.

Je lui attrape doucement les mains. Je dois avouer que tout ce qu'elle dit est vrai mais...

— Quand on y pense c'est pathétique, non ? je me désole en baissant les yeux vers le dessus-de-lit. Tu crois vraiment que ça veut dire que je ne pas vivre sans un mec ?

— Pas sans "un mec", rectifie Phoebe avec calme. Sans Wren. Parce que tu l'aimes, Luna. Lui aussi t'aime, crois-moi. Il n'existe pas beaucoup de relations comme la vôtre. Tout le monde n'a pas la chance de trouver l'amour de sa vie, mais vous, vous vous êtes trouvés. Et vous ne pouvez pas gâcher ça.

Je soupire, sachant très bien qu'elle a raison.

— Mais tu ne trouves pas que ce n'est pas juste vis-à-vis d'Alexia ? je lui demande à mi-voix, honteuse. Comment puis-je éprouver des sentiments pareils envers la personne qui a tué une de mes meilleures amies ? Tu ne crois pas que ça fait de moi quelqu'un d'horrible ?

— Tu n'es pas une mauvaise personne, Luna, m'affirme-t-elle en serrant plus fort mes mains, reprenant malgré elle les mêmes mots que j'ai un jour dits à Wren. Je ne serais pas une vraie amie si je ne t'avouais pas que je n'ai jamais compris ce que tu trouvais de si attirant chez Wren à part... ce qui est le plus évident bien sûr, fait-elle avec un sourire. Mais je crois que toi et moi ne connaissons pas vraiment le même Wren, n'est-ce pas ?

Je hoche la tête et me décide enfin à la regarder droit dans les yeux.

— Je sais que ça ne sert à rien de m'excuser, mais je tiens à le faire quand même. Je suis désolée d'avoir été une aussi mauvaise amie, Phoebe. De ne pas avoir été là pour toi, de n'avoir été qu'une épave pendant les trois dernières années, d'avoir été si insupportable... Franchement plus j'y repense, plus je me demande comment tu as fait pour ne pas me mettre de baffes...

— J'y ai pensé, parfois, sourit mon amie en partant d'un rire léger. Puis je me suis dit que j'aurais des problèmes pour avoir attaqué la princesse du Peuple des Astres... Mais plus sérieusement, je n'ai fait qu'espérer que tu redeviennes un jour celle que je connaissais. Je me disais que même si Wren ne revenait pas, avec le temps tu referais surface et te reprendrais en main...

Mais je n'ai même pas été capable de me relever toute seule. Il a fallu que Wren revienne. S'il devait y avoir une récompense pour la personne la plus pitoyable de l'univers, je crois que j'aurais mes chances...

— Bref, je reprends après avoir pris une inspiration et en affichant désormais un sourire malicieux, ne te défile pas plus longtemps et abordons le sujet Alexeï.

— Eh bien je crois que je vais pouvoir abandonner mon projet de vivre dans une des cabanes d'Astriad, répond mon amie, les yeux pétillants. Alexeï m'a proposé de venir vivre à Astrialle avec lui.

— C'est génial pour toi ! je m'exclame, heureuse pour mon amie. Depuis le temps que votre histoire peine à démarrer à cause de la distance...

— C'est vrai, reconnaît-elle. Mais je dois aussi avouer que je n'ai pas vraiment envie de te quitter, de laisser toute la vie que j'ai commencé à construire ici.

Je suis soudain envahie d'une immense peine à l'idée de perdre Phoebe. Nous nous connaissions bien avant de devenir des êtres magiques et elle est la seule à pouvoir vraiment comprendre ce que cela fait d'être contrainte de vivre loin de sa famille. Cependant, il faut que je la laisse vivre de la manière dont elle le veut, après l'avoir entraînée avec moi dans un monde dont nous ne soupçonnions même pas l'existence...

— On pourra se rendre visite souvent, je la rassure. Après tout ce que nous avons vécu, ce n'est pas un simple océan qui va nous séparer.

Nous partons d'un rire léger qui est interrompu lorsque quelqu'un frappe à la porte. Phoebe demande à la personne d'entrer et un garde s'avance dans la chambre.

— Excusez-moi de vous déranger, déclare-t-il, mais monsieur Nightsun vous cherche, Votre Altesse.

— Euh... Lequel ? je demande tandis que Phoebe éclate de rire.

La dernière fois qu'on m'a dit qu'un "monsieur Nightsun" souhaitait me voir sans faire de grande précision, il s'agissait de Wren qui faisait son grand retour le jour de mon mariage. Je préfère donc me montrer prudente...

— Monsieur Alexander, répond le garde avec solennité. Il vous attend dans les jardins.

Je m'excuse auprès de Phoebe puis me lève et suis le garde à travers les couloirs. Les ouvriers effectuant les travaux de rénovation s'écartent sur notre passage et nous croisons également des organisateurs pour la fête d'intronisation de Rona devant normalement avoir lieu demain. Lorsque nous gagnons les jardins, j'apprécie le calme y régnant et le magnifique soleil brillant haut dans le ciel.

Le garde me guide jusqu'à l'endroit où Elasia a l'habitude de se prélasser au soleil et je repère rapidement Alec, installé dans l'une des chaises longues de la reine. Il me fait un petit signe et je ne peux retenir un sourire face à son allure de touriste, avec son chapeau et son short de plage.

— Tu as le droit de te moquer, me lance Alec tandis que je m'assois sur une chaise à côté de lui. Elasia semble apparemment convaincue que venir bronzer dans les jardins est le meilleur moyen de recharger mes batteries...

— Oh crois-moi, j'en sais quelque chose, je lui réponds en levant les yeux au ciel. Je suis juste déçue qu'elle ne t'ait pas conseillé une chemise à fleurs...

Alec pousse un grognement et pose le verre de je ne sais quelle boisson de couleur verte qu'il tenait entre ses mains.

— Comment tu t'en sors ? je lui demande plus sérieusement. Je veux dire... Tu ne ressens pas de drôles d'effets après avoir été enfermé dans une pierre ?

— Eh bien, commence-t-il en grimaçant, disons que ce n'est pas hyper facile d'exprimer ce que l'on ressent quand ton âme a carrément quitté ton corps... Mais je crois que cette... expérience, si on peut dire ça comme ça, n'a pas trop traumatisé ma santé mentale. Je ne vois pas encore la terre se transformer en sable rouge, si tu vois ce que je veux dire...

Effectivement, après avoir passé des jours à errer sur une espèce de plage semblant être éclairée par des spots de lumière rouge, il y aurait de quoi délirer...

— Tu te souviens de ce qu'il s'est passé quand tu étais dans la pierre ? Enfin, quand la flèche t'a touché, quelle est la première chose que tu as ressentie ?

— D'abord, j'ai eu l'impression d'être tombé dans un bloc de glace, m'explique-t-il en baissant les yeux vers ses doigts qu'il triture avec nervosité. Ça n'a duré qu'une fraction de seconde, pourtant je m'en souviens encore. Maintenant que j'y pense, je crois que c'était le temps que mon âme rejoigne la pierre... Puis tout est devenu rouge, j'entendais des cris résonner... J'ai cru que j'étais arrivé dans une sorte d'enfer quand le décor a changé et que je me suis retrouvé sur cette plage. Je pense que mon esprit s'est réfugié dans un endroit me rappelant de bons souvenirs...

— C'était Miami, n'est-ce pas ? je murmure.

Alec hoche la tête et se passe une main dans ses cheveux bruns qui sont inhabituellement ébouriffés.

— C'était un semblant de Miami, en tout cas, déclare-t-il après un moment. Je n'avais pas conscience d'être dans la Pierre des Astres, c'était juste comme si j'étais dans un rêve étrange dont je ne pouvais pas me réveiller. Les choses étaient bizarres mais je n'arrivais à me souvenir ni à comprendre pourquoi.

Son regard se fait vague, comme s'il repartait lentement vers la pierre. Il finit par secouer brutalement la tête pour se réveiller et prend une gorgée de sa boisson.

— Puis tu es apparue, reprend-il avec plus d'entrain. Je t'entendais me parler mais je n'avais pas la force de te répondre, pas plus que celle de me rapprocher de toi. Il y a ensuite eu ces décharges et c'était comme si elles me réanimaient tout doucement.

— C'était Rona, je complète. Mais elle te l'a sûrement déjà dit lorsque vous vous êtes parlé...

— Oui, confirme-t-il. À ce sujet, notre conversation était assez... étrange. J'avais à la fois l'impression qu'elle était sincère quand elle disait ne plus avoir envie de se battre avec le monde entier, mais aussi celle qu'elle était capable de me bondir dessus et de m'étrangler à tout moment...

— C'est aussi l'effet que me fait Rona, je réponds en haussant les épaules. J'imagine qu'on finira par s'y faire.

Enfin, si Rona ne nous la fait pas à l'envers et ne nous tend pas un nouveau piège, ce qui est loin d'être exclu...

— Tu sais, commence Alec en faisant tourner son verre entre ses mains, je crois que tu as eu raison, de bien vouloir lui accorder une chance. Après tout ce qu'elle a fait, personne n'aurait pu t'en vouloir si tu lui avais réglé son compte quand tu en avais l'occasion mais... Tu as pris la bonne décision.

— On verra bien à l'usure, je grommelle.

— Dans tous les cas, s'amuse Alec, si elle décide de renvoyer quelqu'un dans la Pierre des Astres, je ne suis pas sûr de me reporter volontaire...

Il dit ça sur le ton de la plaisanterie mais je voudrais qu'il soit plus sérieux. Parce que je ne laisserais plus jamais Alec se sacrifier pour moi, ni quiconque d'ailleurs.

— Alec, je commence en lui attrapant la main et en plongeant mon regard dans le sien, je veux que tu me promettes que c'était la dernière fois que tu me sauvais la vie, d'accord ? Cette flèche était pour moi et c'est de ma faute si tu t'es retrouvé dans cette situation. C'est moi qui aurais dû passer l'éternité dans cet enfer et je suis désolée que...

— Eh, me coupe-t-il avec douceur en posant un doigt sur ma bouche. Il me semble qu'une fois, nous nous étions promis de ne plus s'excuser l'un à l'autre, je me trompe ?

Effectivement, lorsque nous étions perdus en pleine forêt amazonienne, nous avons fait cette promesse. Si je ne passais pas mon temps à mettre la vie d'Alec en danger, elle serait bien plus facile à respecter...

— Alors laisse-moi juste te remercier, je déclare avec un faible sourire.

— Je te dirais bien que tout le plaisir était pour moi, mais ce n'était pas vraiment le cas, sourit-il avant d'éclater de rire.

Je me joindrais bien à son hilarité si je pouvais oublier à quel point Alec a bien failli être enfermé dans la Pierre des Astres pour toujours. S'il n'y avait pas eu de solution pour le sortir de là, si Rona ne m'avait pas aidée...

— Au fait, reprend soudain Alec avec inquiétude, as-tu des nouvelles de Wren ? Il n'est pas... reparti, au moins ?

Je retiens un soupir, ayant espéré que le sujet "Wren" soit repoussé à plus tard, en vain. Je sens qu'Alec est aussi gêné que moi mais c'est normal qu'il pose des questions au sujet de son frère disparu des radars depuis trois ans...

— D'après ce que j'en sais, il est à la villa Nightsun. Je ne pense pas qu'il reparte... Enfin...

Qu'est-ce que je peux en savoir, après tout ? Il y a trois ans, je n'ai pas vu son départ venir et qui peut dire s'il ne va pas décider de disparaître dans la nature une fois de plus ?

— Il a retrouvé sa mère biologique, je déclare après une hésitation. Je n'en ai pas encore parlé avec lui, ça ne colle pas avec l'histoire qu'Elasia lui avait racontée et je ne sais même pas s'il a eu une conversation avec cette femme mais... On a fini par comprendre. C'est Ludmila Jollins, figures-toi. Celle qui avait des infos sur la Pierre des Astres.

À mon grand étonnement, Alec ne semble nullement surpris par cette information. Il se contente de faire tourner son verre comme s'il cherchait par tous les moyens à fuir mon regard.

— Alec ? je fais en fronçant les sourcils. Ça va ?

— Euh... Il faut que je t'avoue quelque chose.

Il prend une inspiration pour se donner du courage et je m'attends au pire.

— Je sais depuis longtemps que Mila la Malicieuse est la mère de Wren.

— Quoi ?! je m'exclame en ouvrant grand les yeux. Alec, qu'est-ce que...

— C'est un hasard si nous nous sommes rencontrés, Isaluna. Mais pas ce n'en est pas un si j'ai passé l'été à Miami.

Je n'arrive même pas à formuler un seul mot tant je suis sous le choc. Alec garde obstinément les yeux rivés sur son verre.

— Ma mère, Donnatella, m'y avait envoyé au début de la Malédiction des Astres. Elle m'avait simplement dit de trouver une certaine Mila la Malicieuse et que celle-ci saurait pourquoi je venais dès qu'elle me verrait. Elle disait aussi que ça aiderait Wren. Mais comme ma personnalité était inversée et que j'en avais plus que marre que ma mère me donne des ordres, j'ai...

Il s'interrompt, honteux, avant d'enfin se décider à me regarder dans les yeux.

— Je t'ai rencontrée et je me suis dit que ma mère pouvait bien aller au diable. Qu'elle n'avait qu'à se trouver un autre abruti pour rendre visite à une inconnue. Alors j'ai laissé tomber. Je n'ai rien écrit de cette histoire dans mon journal et ça m'est revenu quand Alma a été tuée et que j'ai commencé à retrouver mes souvenirs.

— Mais... Je n'y comprends rien, quand as-tu compris que Mila pouvait être la mère de Wren ?

— Quand tu m'as rapporté ce que Wren t'avait raconté au sujet de ses origines, j'ai eu de vrais doutes. Non seulement ça ne ressemblait pas à Donnatella d'adopter un garçon trouvé dans la rue, mais je voulais avoir plus d'informations sur l'explosion qui avait soi-disant tué les parents de Wren. Alors je suis tombé sur un nom : Ludmila Jollins, dite "Mila la Malicieuse". J'ai cherché des renseignements à son sujet et j'ai trouvé qu'elle avait été mariée avec un homme à la réputation douteuse. Ils avaient un fils, Andrew, âgé de deux ans au moment où Mila a fait exploser un quartier d'Astriad.

Andrew... Serait-ce donc le vrai nom de Wren ?

— Le mari de Mila est mort dans l'explosion, poursuit Alec, Mila a été arrêtée, a frôlé la peine de mort avant d'être définitivement bannie d'Astriad, mais le petit Andrew a disparu des radars. Aucun acte de décès mais pas une seule trace de vie depuis l'explosion. Je n'étais pas certain de ma théorie mais lorsque j'ai vu des photos de Mila et son mari, j'ai compris qu'il ne pouvait pas y avoir de confusion : Wren a exactement les mêmes yeux que Mila et les mêmes cheveux que son...

— Alec, je le coupe avec une certaine tension dans la voix. Depuis quand sais-tu tout ça, exactement ? Pourquoi avoir fait des recherches dans ton coin sans m'en parler et pourquoi ne m'as-tu pas prévenu quand tu as compris que ce qu'Elasia avait raconté à Wren était faux ?

— Ça doit faire... plus de deux ans et demi, que j'ai découvert tout ça, confesse-t-il en virant au cramoisi. Avant que tu ne te mettes en colère, ce dont tu as parfaitement le droit, sache que je reconnais que les raisons qui m'ont poussé à agir ainsi étaient... horriblement égoïstes. J'étais convaincu que Wren ne pouvait t'apporter que du malheur alors quand il est parti sans laisser de trace, je me suis que ça ne pouvait que te faire du bien. Je croyais qu'il ne faisait que jouer avec toi, je n'imaginais pas que vous pouviez réellement partager quelque chose de...

— Sincère ? je suggère avec irritation comme il cherche ses mots. Véritable ? Réel ?

— Je me suis vite rendu compte que plus les jours passaient sans qu'il soit avec toi, plus tu n'étais plus toi-même. Tu étais désagréable avec tout le monde, tu restais des heures enfermée dans ta chambre... Alors j'ai commencé mes recherches sans t'en parler car je ne voulais pas que ça te remue le couteau dans la plaie si l'on découvrait qu'effectivement, l'histoire d'Elasia était vraie et qu'on ne pouvait rien faire pour ramener Wren à la raison, le convaincre qu'il n'était pas "indigne de toi" ou je ne sais quelles bêtises de ce genre... J'étais sûr d'avoir trouvé la vérité mais je ne t'en ai pas parlé parce que j'ai pensé à tout le mal que Wren t'avait fait, avec Alexia, notamment.

Il laisse passer un silence, comme pour respecter Alexia un instant.

— Je me suis dit que si tu n'arrivais pas à te protéger de lui, alors je le ferais pour toi. À l'époque, j'étais vraiment amoureux de toi, Luna. Tellement que j'étais convaincu que tu finirais par oublier Wren et qu'un jour, tu comprendrais que je pourrais te rendre plus heureuse que lui.

Face à cette confession, ma colère naissante retombe d'un coup. J'hésite à tendre le bras vers lui, mais me ravise.

— Les années passaient et j'avais l'impression te perdre un peu plus à chacune d'elles. Tu serrais souvent la Pierre des Astres dans ton poing, quand tu croyais que je ne faisais pas attention à toi. Je t'ai entendue monter presque chaque nuit dans la chambre de Wren. Une fois, j'ai fait attention à ne pas faire grincer le plancher et j'ai t'ai écouté lui parler, depuis l'autre côté de la porte. Ce n'est qu'à ce moment que j'ai vraiment compris que tu l'aimais et que ça ne changerait jamais.

— Alec, je murmure alors que l'émotion commence à me gagner au fur et à mesure que je prends conscience des souffrances que je lui ai infligées.

— Rassures-toi, continue-t-il avec douceur, je n'étais pas assez fou pour poursuivre quelqu'un dont le coeur appartenait déjà corps et âme à un autre. Mes sentiments ont changé, au cours des années, jusqu'à ce que je comprenne que je n'éprouvais plus qu'une sincère amitié pour toi. Sauf qu'un jour, tu m'as demandé en mariage, alors que nous ne sortions même pas ensemble...

Il sourit avec amusement mais je ne peux m'empêcher de ressentir un peu plus de culpabilité à chaque nouveau mot.

— J'ai accepté car je ne voulais pas te vexer et que tu sois encore plus déprimée que tu ne l'étais. Mais c'est aussi à ce moment que j'ai décidé de retrouver Wren. Sans en parler à Elasia, j'ai demandé à des agents du palais de rechercher toute trace d'un Obscur caché dans n'importe quelle ville astrale ou parmi les humains. Ça a pris des mois et nous étions à moins d'une quinzaine de jours du mariage quand ils l'ont trouvé à New York. Ils ont été alertés par des humains clamant haut et fort qu'un très beau jeune homme les aidait à "calmer leurs émotions" et à "oublier leurs problèmes".

— Attends, tu es en train de me dire que Wren aidait des humains ?! je m'exclame, choquée pour je crois, le restant de ma vie.

— Et bénévolement, en plus, renchérit Alec. Les agents ont juste vérifié que c'était bien lui mais ne l'ont pas contacté directement. Ils m'ont fourni son adresse et je me suis débrouillé pour lui envoyer une invitation sans qu'Elasia ne s'en rende compte. J'ai espéré sa venue et je n'étais pas certain qu'il allait daigner faire son retour mais quand on m'a annoncé, le jour du mariage, que mon frère souhaitait me voir, je n'ai pas pu m'empêcher d'être surpris. Sauf qu'il t'avait déjà parlé avant de demander après moi et que... tu l'avais royalement renvoyé baladé.

C'est le moins que l'on puisse dire...

— Je ne lui ai pas avoué que c'était moi qui lui avais envoyé l'invitation mais j'ai commencé à aborder le sujet de ses origines. Mais cet imbécile m'a rétorqué qu'il avait dépassé tout ça sans me laisser le temps de lui parler de Mila. Il est parti et je ne l'ai revu que dans la foule des invités du mariage. Il a prit place juste avant que tu fasses ton entrée et la cérémonie a commencé. Puis j'ai senti ce qui se passait entre vous quand tu l'as repéré dans le public et que vos regards se sont croisés...

J'ai littéralement envie de me cacher dans les buissons du jardin tant j'ai honte de tout ce que je lui ai fait subir.

— Ce n'est pas la peine de faire cette tête, me rassure-t-il avec bienveillance. Je ne suis pas non plus très fier d'avoir espéré de toutes mes forces que Wren ait le courage et la stupidité d'interrompre la cérémonie. C'est moi qui avais demandé à Elasia de ne pas oublier le fameux "qu'il parle maintenant ou se taise à jamais". Et je suis sûr que Wren était sur le point d'agir quand Luna-Rose a débarqué. Tu le sais toi aussi, n'est-ce pas ?

Je hoche la tête, n'ayant pas la force de formuler un seul mot.

— Mais Luna-Rose a fait des siennes et voilà, conclut-il en baissant les yeux vers son verre. Tu sais tout, maintenant. Tu sais que j'ai passé les trois dernières années à n'être qu'un abruti et un lâche.

— Ce n'est pas vrai, je réplique d'une voix rauque. Tu ne voulais que mon bien et... Je n'ai fait que te traiter comme si tu étais une distraction me permettant d'oublier Wren. J'ai été plus qu'abominable, comment peux-tu passer au-dessus de tout ça ? Comment arrives-tu à te sentir coupable alors que même mille excuses ne pourront jamais pardonner tout ce que je t'ai fait subir ?

— Il faut que tu comprennes une chose, Luna, déclare-t-il doucement. Tout ce que je veux c'est que tu sois heureuse. Même si ce n'est pas avec moi. J'aurais aimé que tu trouves le bonheur avec moi, mais j'ai mis un temps infini à comprendre qu'il n'y avait que Wren qui pouvait te l'apporter.

Il m'attrape la main et je serre fort la sienne en retenant mes larmes. Je n'ai pas le droit de pleurer. J'ai été la pire des garces pendant trois ans et je ne peux pas l'être ne serait-ce qu'une seconde de plus en m'effondrant alors que lui est resté si fort pendant tout ce temps.

— Je sais que ça ne sert à rien de dire ça, je commence en un murmure, mais j'espère sincèrement que tu trouveras une personne digne de toi. Tu mérites plus qu'une princesse, Alec. Tu mérites quelqu'un qui ne te fera jamais souffrir, ne t'accablera pas avec son passé tourmenté, et t'aimera d'un amour qui ne te blessera pas, je souffle, reprenant ainsi avec émotion les mots de Wren.

Alec semble lui aussi à deux doigts de pleurer, mais il prend une inspiration pour se calmer. Je tâche de faire de même en ignorant le noeud enserrant ma gorge.

— Eh bien, reprend-il avec un début de sourire amusé, je pourrais peut-être retourner à Miami pour trouver cette personne. D'après ce que j'en sais, c'est un plutôt bon endroit pour faire des rencontres...

Cette fois, une larme coule malgré moi sur ma joue. Un sourire se dessine à mon tour sur mes lèvres avant que je réponde tout bas :

— Un très bon endroit. Un très bon endroit pour des rencontres qui changent une vie.

Note de l'auteure :

Plus qu'un chapitre !

Je vous avoue que je ne suis pas du tout prête à laisser cette histoire et ses personnages s'en aller, à ne plus vous retrouver, mais nous ferons les adieux larmoyants quand le moment sera venu... 😅😘 (Je dis ça mais j'étais comme Luna et Alec, pas loin de pleurer en écrivant la fin de cet avant-dernier chapitre 🙈)

Bisous ! ❤️

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