Chapitre 38
— Votre Altesse ? me fait un garde avec la plus grande courtoisie.
Cela fait des heures que je suis au chevet d'Alec, à attendre des nouvelles de Wren. Le garde que j'ai envoyé pour lui transmettre mon message l'informant de l'urgence de revenir au bijoutier qui a posé un film sur la Pierre des Astres est revenu paniqué, assurant que Wren n'était pas à la villa Nightsun. Tâchant de garder mon calme, j'ai ordonné à ce que l'on fouille la ville afin de le retrouver, quitte à déployer toute la sécurité.
— Oui ? je réponds avec précipitation en essayant d'analyser l'expression du garde.
Il est impassible. Je ne peux donc pas deviner s'il va m'annoncer une bonne nouvelle ou la pire des tragédies...
— Nous ne parvenons pas à mettre la main sur Monsieur Nightsun, déclare-t-il gravement. Comme vous nous l'avez autorisé, nous sommes entrés dans la villa Nightsun et en avons fouillé chaque recoin et même forcé quelques portes. Tout laisse à penser que Monsieur Nightsun n'y a pas remis les pieds, il n'y a aucune trace de sa venue. Aucun bagage, rien.
Je serre et desserre les poings pour tenter de ne pas littéralement éclater. Maintenant que mes pouvoirs sont revenus, chaque émotion forte me transforme en bouilloire...
— Avez-vous fait des recherches dans Astriad ? Wren est reparti du palais avec un chauffeur, où est-il ?
On ne perd pas une voiture royale comme ça, si ?
— Les recherches dans la capitale n'ont rien donné, Votre Altesse. Quant au chauffeur, il est aussi invisible que Monsieur Nightsun.
Je sens mon cœur s'emballer et je me force à fixer le garde afin que mon regard ne bascule pas sur le corps d'Alec, ce qui ne ferait que me bouleverser davantage.
— Il se peut encore que Wren ait demandé au chauffeur de le conduire à l'aéroport le plus proche, je l'informe à regret. Si c'est le cas, alors je demande à ce que tous les bijoutiers d'Astriad soient amenés au palais.
Je refuse de croire que Wren soit reparti comme il l'a fait il y a trois ans, mais je dois avouer que dans cette situation, c'est peut-être la meilleure chose qui pourrait lui arriver... Qu'il soit loin d'ici et pas capturé ou tué par Rona.
— Cela m'étonnerait, Votre Altesse, me contredit le garde avec un calme olympien. Nos chauffeurs n'ont pas le droit de quitter Astriad ou sa banlieue sans l'autorisation de Sa Majesté la reine.
Je me force à me lever de ma chaise et lance un dernier regard à Alec avant de quitter cette oppressante chambre funéraire. Le garde me suit sans broncher alors que je cherche à maîtriser ma respiration.
— Faites quand même venir tous les bijoutiers, je lui ordonne une fois dans le couloir. Qu'on les réunisse dans la salle du trône. Quant à Wren, continuez à chercher n'importe quel signe de lui.
— Bien, Votre Altesse.
Il part d'un pas vif vers la droite tandis que je reste clouée sur place. Fallait-il vraiment qu'en plus du fait que l'âme d'Alec soit enfermée dans une pierre, Wren disparaisse ? Comment les choses peuvent-elles s'enchaîner ainsi et comment suis-je sensée ne pas devenir dingue ?
Je me rends compte que je préférais mille fois que Wren soit reparti à l'autre bout du monde plutôt qu'il lui soit arrivé quelque chose.
Je m'apprête à partir trouver Elasia quand j'entends des cris provenant de l'extérieur. Je vais jusqu'à la fenêtre la plus proche, suivie par les gardes surveillant la porte d'Alec, eux aussi intrigués par le bruit.
Les manifestants sont massés devant le palais et poussent des hurlements affolés. Cette fois, ils ne crient pas parce qu'ils sont mécontents de leur reine mais parce qu'ils sont cernés par des Malfaçons les bombardant d'éclairs. Dans le chaos, les gens se bousculent, se piétinent, cherchant à tout prix à éviter ces éclairs d'énergie les assommant sur le coup. Les Malfaçons sont toutes vêtues de noir et forment un parfait cercle autour des pauvres gens.
— Éloignez-vous des fenêtres, Votre Altesse ! me crie un garde.
Mais je ne peux me détourner de cet affreux spectacle. Les gardes royaux envoient mentalement des projectiles sur les Malfaçons ou invoquent des animaux pour les attaquer, mais ces éclairs produits par les Malfaçons sont si puissants qu'ils illuminent les environs comme si nous étions en plein jour alors que le soleil est en train de se coucher.
— Il faut que j'aille les aider, je déclare fermement en faisant mine de m'éloigner dans le couloir.
Mais un garde me retient par le bras, m'empêchant d'aller plus loin.
— Vous devez rester à l'abri, Votre Altesse. Ce sont les ordres de la reine en cas d'attaque.
— Je suis une Lunatique ! je m'écrie en tentant de me dégager. Je suis aussi forte que les Malfaçons, je peux les combattre.
— Elles sont des centaines, Votre Altesse, me contredit le garde. Vous n'avez aucune chance, sans vouloir vous manquer de respect. Vous nous serez plus utile vivante que carbonisée par un de ces éclairs... Les Malfaçons vont sûrement prendre le palais d'assaut, il faut vous mettre en lieu sûr.
— Laissez-moi faire ! je lui ordonne. Je dois trouver Elasia et mes amis. Que la chambre d'Alec soit en permanence surveillée, même si les Malfaçons nous envahissent.
Le garde finit par desserrer sa prise et je me dégage de lui avant de m'élancer dans le couloir. Sur mon chemin, plusieurs gardes m'arrêtent pour me demander de gagner le lieu caché prévu en cas d'attaque, mais je les ignore tous pour me diriger vers les appartements d'Elasia, où elle est sûrement en train de préparer son discours, sauf si elle a été prévenue de l'invasion...
Une fois arrivée près de son couloir, je fais face à une barrière de gardes.
— Où est la reine ? je leur demande.
Leurs visages sont sérieux mais calmes, comme si n'allions pas bientôt être assaillis par des Malfaçons.
— Sa Majesté, ainsi que mesdemoiselles Phoebe Woodsen et Karlie McField sont en train d'être évacuées dans la chambre sécurisée au sous-sol. Vous devez également les rejoindre, par ordre suprême de Sa Majesté.
Au moins, elles sont en sécurité. J'imagine qu'Alexeï et Caroley y sont aussi.
— Toutes les issues du palais sont en train d'être bloquées, continue le garde face à mon mutisme. Mais des bombardements d'éclairs Malfaçons risquent de faire céder ces renforcements alors vous feriez bien d'écouter les ordres mis en place pour garantir votre sécurité.
— Si Rona et son armée parviennent à rentrer, vous vous ferez tous massacrés, je lui explique avec empressement. Vos pouvoirs sont presque insignifiants face à ceux des Malfaçons. Je suis votre meilleure arme !
Le garde esquisse un petit sourire qui me déconcerte complètement. Ne comprend-il donc pas ce que je lui dis ?
— Nous ne sommes pas la garde royale pour rien, Votre Altesse. Vous pouvez nous faire confiance.
On peut au moins lui concéder qu'il a le mérite d'être sûr de lui... Comprenant que je ne pourrais rien tirer de lui, je m'éloigne dans l'idée de descendre aider les gardes à l'entrée du palais quand une secousse ébranlant tout l'étage me fait flancher. Je me rattrape de justesse au mur et m'y adosse le temps que le tremblement passe. Cela ne dure que quelques secondes mais des fissures se forment sur le plafond au-dessus de ma tête. Lorsque je suis sûre que tout est calme, je pars le plus vite possible vers les étages du bas jusqu'à atteindre le rez-de-chaussée.
Le hall d'entrée est plongé dans une pénombre uniquement percée par les lumières des lampes électriques des gardes qui s'agitent de tous les côtés afin de vérifier que les volets blindés soient correctement fermés. L'immense porte du hall est close et recouverte par un épais battant en métal. Toutes les bées vitrées sont couvertes du même métal, soit sous forme de volets roulants, soit par des plaques semblant peser des tonnes.
— Qu'est-ce que vous faites ? je demande à une femme qui semble responsable des opérations. Il y a encore des manifestants dehors. On ne peut pas les laisser à la merci des Malfaçons !
— Nous devons avant tout protéger le palais, m'explique-t-elle sèchement comme si j'étais une gamine agaçante qu'elle aurait dans les pattes. Des forces ont été envoyées à l'extérieur.
— Mais c'est du suicide ! Ils ne pourront pas se replier en cas de besoin si toutes les entrées sont bloquées.
— Nous faisons ce que nous pouvons, me rétorque-t-elle. L'objectif principal est de protéger le palais ainsi que ses occupants. Retrouvez Sa Majesté au sous-sol. Et tâchez de n'entrer dans aucune pièce, les gardes ferment toutes les portes et vous vous retrouveriez enfermée.
Elle s'apprête à me quitter pour superviser ses troupes mais il faut que je sache autre chose.
— Avons-nous des nouvelles de Wren Nightsun ? je m'enquis en appréhendant sa réponse.
Elle lève les yeux au ciel et semble se retenir pour ne pas me secouer.
— Nous avons plus urgent à régler que les affaires de monsieur Nightsun, réplique-t-elle. Maintenant excusez-moi, mais j'ai...
Elle ne peut terminer sa phrase car un horrible grondement recouvre sa voix. Les murs tremblent, le lustre éteint au-dessus de nos têtes tangue dangereusement et de la poussière tombe du plafond.
— Ils bombardent le toit ! hurle quelqu'un au milieu de l'agitation.
— Nous devons tous nous réfugier au sous-sol ! crie un autre.
— Que tous les ministres soient conduits en bas ! ordonne une voix d'homme.
Dans le tumulte, je suis le mouvement qui prend la direction d'escaliers menant au sous-sol quand soudain, un flash d'une lumière aveuglante explose dans le hall d'entrée. Je ferme les yeux et me bouche les oreilles pour ne pas devenir sourde face au grondement qui fait rage et quand je rouvre les paupières, je constate avec horreur qu'il y a un énorme trou dans le mur donnant sur l'extérieur. Une vague de personnes affolées s'y glisse en bousculant tout sur leur passage et je tombe à la renverse au milieu des gardes. Je sens que l'on m'écrase les doigts et les jambes et trouve la force de me relever en vitesse.
Quelqu'un m'attrape par le coude et me tire dans la direction opposée aux escaliers. Je ne parviens pas à distinguer le visage de cette personne, cachée sous une capuche sombre, et mes hurlements n'alertent personne, noyés au-dessous de ceux de l'agitation générale. Je fais tout pour me débattre mais celui ou celle qui me tient est bien plus fort que moi. On m'entraîne vers l'étage supérieur et mes pieds se cognent aux marches de l'escalier.
— Laisses-toi faire, bon sang, me murmure la personne me retenant.
Je crois que cette voix m'est familière. C'est un homme, en tout cas. À l'étage, la mystérieuse personne m'entraîne dans une pièce et ferme la porte derrière nous afin que nous soyons hors de portée du couloir. Je me prépare à envoyer des déferlements d'énergie pour me défendre quand après avoir vérifié que nous étions seuls dans la chambre, mon ravisseur retire sa capuche. Les volets ont été fermés dans la pièce et je crois que l'obscurité me joue des tours en découvrant son identité.
— Darwin ?! je m'écrie. Mais qu'est-ce que tu fais là ?! Qu'est-ce que...
Je ne sais même pas quelle question poser tant mille me viennent à l'esprit.
— Désolé de t'avoir traînée jusqu'ici, mais je n'avais pas le choix, déclare-t-il en lissant sa cape noire. Cet habit est légèrement ridicule, n'est-ce pas ?
Je ne dirais pas le contraire mais je suis trop choquée pour parler chiffons avec lui. Darwin n'a pas énormément changé, contrairement à Karlie. Il semble même encore plus fringant qu'avant, et surtout, n'est bel et bien pas enfermé dans la Pierre des Astres. Certes son habit noir ne le met pas très en valeur mais il est toujours très séduisant...
— Qu'est-ce que tu fais là ? je répète en essayant de maîtriser la surprise dans ma voix. Karlie nous a dit que tu...
— Que j'avais été transpercé d'une flèche et enfermé dans la Pierre des Astres, je sais, complète-il en continuant d'arranger sa tenue. J'avais besoin de te voir, figures-toi.
Il lève enfin ses yeux dorés vers moi. Il ne semble ni fatigué, ni abattu. On ne pourrait pas croire qu'il a passé trois années à vivre un enfer dans une meute de Malfaçons...
— Dis-moi d'abord si Karlie va bien, me fait-il avec attention.
— Ça va. Mais ça irait encore mieux si elle savait que tu n'es pas dans cette Pierre des Astres. Pourquoi n'as-tu pas cherché à la trouver elle plutôt que moi ?
— Luna-Rose a manipulé son esprit, m'explique-t-il avec empressement. Tu tiens vraiment à ce que je te raconte toute l'histoire ? Le palais est en train d'être bombardé d'éclairs et je ne sais pas s'il vous reste beaucoup de temps...
Effectivement, les secousses continuent d'ébranler le palais et des fissures lézardent les murs. Mais je ne peux pas me permettre de faire l'impasse sur certains détails de la vie de Karlie et Darwin au sein de la meute de Rona.
— Comment ça "vous" ? je m'étonne. Tu ne t'inclus plus parmi nous ?
— Non, affirme-t-il sans hésitation. Je suis avec les Malfaçons, maintenant.
Si je n'avais déjà pas entendu mille choses choquantes dans ma vie, j'en serais tombée par terre.
— Quoi ?! je m'exclame. Si tu es du côté de Rona alors que fais-tu devant moi, si ce n'est pour me tuer ou me faire subir je ne sais...
— Je ne suis pas là pour te faire du mal, m'interrompt-il d'une voix calme. Luna-Rose ne sait pas que je suis là. C'est même mon amie, pour être honnête.
Je n'ai même pas la force de pousser une autre exclamation de surprise qui ne servirait à rien. Je dois faire une tête assez éloquente car il esquisse un sourire.
— La vie avec les Malfaçons n'est pas si terrible, fait-il en haussant les épaules. Je ne dirais pas que Malfaçons et simples Obscurs et Lumineux vivent en harmonie mais disons que nous nous supportons... Luna-Rose n'est pas un monstre. Elle cherche juste justice.
Je me demande alors si ce n'est pas plutôt lui qui s'est fait manipulé l'esprit par Rona...
— Elle veut que les Malfaçons ne soient plus considérées comme des nuisibles et soient au même niveau que les Obscurs et les Lumineux, continue-t-il. Elle ne demande pas plus.
— Ce n'est pas vrai, je le contredis alors que de la poussière continue de s'échapper du plafond. Elle veut devenir la reine du Peuple des Astres et me tuer. Elle me hait, Darwin.
J'ai l'impression de parler à un petit enfant qui ne comprend rien à la vie.
— Ses ambitions ont changées, depuis trois ans, m'informe-t-il. Elle se sent seule. Elle n'a aucune famille si ce n'est sa meute. Elle est juste jalouse de toi mais je suis certain qu'elle ne te tuera pas. C'est pour ça que je suis venu te voir. Pour te dire que si tu es amenée à l'affronter, de ne pas la tuer.
De quelle planète vient-il, au juste ? La meute des Malfaçons doit faire subir un lavage de cerveau à ses recrues...
— Darwin, je le supplie pour le raisonner, dois-je vraiment t'énumérer toutes les choses horribles que Rona nous a fait subir depuis le début ? Elle a presque tué Wren avec un serpent, a brisé l'esprit de Phoebe, planté un couteau dans la jambe d'Elasia, nous a enfermés, Alec et moi, dans des cages, a neutralisé mes pouvoirs, nous a effacé la mémoire, a enfermé Alec dans la Pierre des Astres... Il faut vraiment que je continue ? Les mains brûlées de Karlie, ça ne te dit rien ?
Son visage se ferme et il reste silencieux le temps qu'un nouveau grondement passe.
— De toutes les atrocités que tu viens de me citer, reprend-il en nettoyant sa cape une nouvelle fois, y a-t-il déjà eu un mort ? Tout ce qu'elle a fait n'était pas irrévocable. Wren est vivant, Phoebe et Elasia vont bien, tu as retrouvé tes pouvoirs et ta mémoire et il y a un moyen de tirer Alec d'affaire. Quant à Karlie... Ce n'est pas à cause de Luna-Rose s'il lui est arrivé du mal, du moins pas directement...
Il marque une pause, les yeux dans le vague, se remémorant sûrement ce qui est arrivé à Karlie.
— Alors dis-moi, je lui fais tandis que des cris résonnent de l'autre côté de la porte, dans le couloir. Comment ses mains se sont-elles retrouvées dans cet état ?
— Il y a trois ans, commence-t-il, quand elle et moi sommes arrivés dans la meute, nous avons été très surpris par la relative bonne ambiance qui régnait. Le repaire se trouvait en Afrique, en plein air et pas dans une grotte sombre et humide. Nous vivions dans des petites maisonnettes et pas dans des cages perchées dans des arbres. Luna-Rose était — et est toujours — notre reine, nous la respections comme telle. Karlie et moi étions quand même tenus à l'oeil. Nous n'avions pas le droit d'entrer en contact avec vous, seulement de vous envoyer quelques petites nouvelles anodines pour vous faire croire à un tour du monde.
Il sourit distraitement comme s'il repensait à un souvenir heureux.
— Au départ, c'est vrai que Luna-Rose te détestait vraiment. Elle voulait devenir la reine du Peuple des Astres à tout prix mais... Un jour, elle m'a convoqué et m'a demandé de lui rendre un service. Elle savait que je tenais une boutique d'objets magiques à Astriad et que j'avais tenté des expériences pas très communes... Alors elle m'a demandé si j'étais capable de créer des sortes de bracelets permettant de "canaliser" les pouvoirs des Malfaçons.
— Comment ça ?! je l'interromps avec stupeur. Elle t'a vraiment demandé de fabriquer quelque chose capable de réduire ses pouvoirs ?
C'est aussi fou que s'il m'avait annoncé que Rona comptait l'épouser.
— Je t'assure que c'est la vérité. Luna-Rose avait pour projet de te proposer une offre de réinsertion des Malfaçons. J'ai accepté de faire des recherches et des expériences pour mettre au point ce bracelet. Je lui ai dit que ça risquait de prendre du temps mais ça ne l'a pas dérangée... Je ne me doutais pas qu'en même temps, elle mettait au point des flèches pour t'enfermer dans la Pierre des Astres. Mais je crois qu'elle a vite abandonné cette idée, même si elle a continué à cultiver les flèches...
— Ah ouais ? Alors comment expliques-tu qu'Alec soit dans l'état dans lequel il est ?
Il lève les yeux au ciel et profère un juron envers la poussière sur sa cape.
— Tu ne peux pas me laisser finir ? s'agace-t-il. Il y a environ six mois, j'ai enfin réussi à créer les bracelets. Ils calment l'énergie des Malfaçons et leur permettent ainsi de contrôler leurs pouvoirs plus facilement, sans provoquer d'accidents. Luna-Rose était satisfaite mais au même moment, l'annonce de ton mariage avec Alec est tombée. Et là...
Il laisse sa phrase en suspens et je devine aisément la suite.
— Elle est entrée dans une rage folle, reprend-il. Je ne l'avais jamais vu comme ça, il n'y avait aucun moyen de la raisonner. Après avoir passé deux ans et demi à collaborer avec elle, elle est devenue mon amie et j'ai appris à la connaître vraiment. Avant, elle t'en voulait car tu étais proche des Nightsun, la seule famille qu'elle ait jamais eue. Mais quand elle a vu que tu allais te marier avec Alec, qu'il allait t'appartenir... C'était trop. Alors elle a laissé tomber cette histoire de bracelets et j'ai découvert son plan avec la Pierre des Astres.
— La suite je la connais, n'est-ce pas ? je lui demande comme il ne dit plus rien.
— Pas tout à fait. Luna-Rose nous a menacés de nous tuer, Karlie et moi, s'il nous venait à l'idée de te faire passer un message pour te prévenir de la situation. Je ne voulais pas qu'il arrive quoi que ce soit à Karlie donc je n'ai rien fait, désolé... Mais Karlie était plus obstinée. Elle s'en voulait d'avoir laissé Alec, son meilleur ami. Elle avait entendu parler de certaines pratiques magiques consistant à faire passer un message à distance à travers les flammes.
Je tressaillis, comprenant enfin comment les mains de Karlie se sont retrouvées dans leur état.
— Elle aurait dû m'en parler, se désole-t-il. Je lui aurais dit que c'était stupide. Mais elle a essayé dans mon dos et ses mains et ses avant-bras ont pris feu. C'est Luna-Rose qui l'a trouvée et qui a évité que la catastrophe soit encore plus terrible. Pour la punir, elle lui a manipulé les pensées pour lui faire croire que j'étais enfermé dans la Pierre des Astres. Je n'avais pas le droit de la voir mais je préférais ça plutôt qu'elle soit tuée, alors j'ai laissé Luna-Rose faire. Cette fois, tu sais ce qui se passe ensuite...
— Et avec ça, tu viens me voir alors que le palais est en train d'exploser pour me dire de ne pas faire de mal à ma soeur ? je m'exclame, incrédule. Darwin, tu es absolument sûr que ce n'est pas toi qui t'es fait manipuler les pensées ?
— Tout ce que je veux te dire, c'est que Luna-Rose n'est pas celle qu'elle laisse paraître. Elle veut que tu croies que ce n'est qu'une sale garce pour que tu la craignes mais en réalité, elle ne veut que se trouver une famille. Et cette famille, il n'y a que toi, les Nightsun et Elasia qui puissiez la lui donner.
Je ne sais vraiment pas quoi lui dire... J'ai envie de croire que tout ce qu'il dit est vrai, mais comment pourrais-je laisser passer toutes les souffrances que Rona nous a causées rien que parce qu'il m'affirme qu'elle est simplement en manque affectif ?
— Wren a tué Alexia, déclare Darwin comme s'il pouvait lire dans mes pensées. C'était ta meilleure amie, elle était innocente, Wren n'avait aucune excuse mais pourtant, tu lui as pardonné. Luna-Rose n'a tué personne, elle.
— Peut-être pas pour le moment, je réplique. Mais ce n'est pas en bombardant le palais qu'elle va épargner des vies ni devenir ma meilleure amie...
Au même moment un horrible craquement résonne et des hurlements s'élèvent.
— Je crois que nous devrions partir, je fais en me tournant vers la sortie. En plus, les gardes vont verrouiller les portes...
Je m'apprête à sortir mais me rends vite compte que j'ai oublié quelque chose.
— Au fait, contente de te revoir, Darwin, je lui fais avec un sourire sincère. Je préfère te voir avec cette horrible cape plutôt que dans la Pierre des Astres.
— Je ne suis pas vraiment de cet avis, sourit-il en examinant son vêtement. Mais c'est cool de te revoir, Votre Altesse.
Il exécute une petite révérence théâtrale et je tourne la poignée de la porte lorsqu'il me lance avec appréhension :
— Il y a une dernière chose que je dois te dire. Luna-Rose a décidé d'y aller... un peu fort. Elle a fait capturer Wren. Je crois qu'elle veut te donner rendez-vous dans la verrière.
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