Bonus #1 - Partie 2


Point de vue de Luna-Rose/Rona •

J'espère sincèrement qu'Elasia et son musicien resteront ensemble jusqu'à la fin des temps, comme ils se le sont promis il y a quelques heures. Non pas que je trouve ce pianiste — ou violoniste, j'avoue ne pas m'en souvenir — d'un quelconque attrait, mais disons que je préférerais éviter que ma mère se remarie une deuxième fois.

Je ne supporterai pas une nouvelle soirée de mariage comme celle-ci.

Dire que je m'ennuie serait un doux euphémisme pour qualifier mon état de mortification. Je suis pourtant désormais habituée à ces réceptions insupportables, mais j'ai l'impression que cette fois, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. L'exposition de niaiseries à laquelle je suis forcée d'assister me porte au comble de l'exaspération.

Assise sur un tabouret près du bar, j'ai la meilleure place pour observer tout cet étalage de guimauve. D'abord, il y a cette petite Karlie et son Darwin adoré, assis autour d'une table dans un coin de la verrière. Ils seraient les seules personnes potables de cette assemblée si seulement leur charmant petit bébé brailleur était resté chez eux... L'unique chose convenable chez ce nouveau-né est le fait qu'il soit une Malfaçon. Ses pleurs incessants le rendent complètement insignifiant à mes yeux.

Cheminant à travers la salle, Elasia et son musicien remercient chaque invité d'être venu, alors que vous et moi sachons très bien que ma mère n'en a rien à faire. Presque chaque convive demande à poser la main sur son ventre, comme si ce geste allait bénir ce misérable fœtus pour le reste de sa vie. Pitoyable, si vous voulez mon avis.

Je remercie le ciel que cette écervelée de Phoebe et son Alexeï n'aient pas pu venir à cause des "obligations" de ce dernier. Déjà que le mois dernier, nous avons dû nous rendre jusqu'en Europe pour assister à leur mariage, je ne voudrais pas me coltiner leurs prétendues marques d'affection une fois de plus.

Malheureusement pour moi, deux personnes présentes dans cette salle sont plus exaspérantes que les trois précédents couples réunis. Vous n'avez pas deviné de qui je parle ? Mais de ma chère sœur, bien entendu !

Elle et son Wrenouchet adoré dansent ensemble depuis que le bal a été ouvert, c'est-à-dire depuis plus de deux heures. J'ai l'impression d'observer ces couples parfaits dans les comédies romantiques dégoulinantes de caramel et de praline. Et vas-y que je t'embrasse comme si je ne t'avais pas vu depuis vingt ans, et vas-y que j'éclate de rire dès que tu dis quelque chose, et vas-y que je te fais tournoyer sur toi-même dès que la musique a une note plus entraînante... Sans exagérer, je suis sûre que l'on pourrait se retrouver en hyperglycémie rien qu'en les regardant.

Je les oublie aussitôt en repérant quelqu'un de beaucoup plus intéressant qui s'approche de moi. Ses cheveux bruns sont toujours aussi parfaits, ses yeux bleus irrésistiblement éclatants... L'unique avantage des soirées comme celle-ci, c'est qu'elles me laissent l'occasion de le voir dans son costume noir lui allant à la perfection. Enfin... Presque à la perfection. Son short de plage reste ce qui lui sied le mieux.

— Tu sais, tu devrais songer à te faire engager comme barmaid, fait-il en arrivant à ma hauteur. Vu la manière dont tu t'obstines à rester ici lors de chaque réception, je crois que tu connais chaque boisson mieux que personne...

Je lui réponds par une grimace, tandis qu'il demande au véritable barman de lui servir une bière. Il s'installe ensuite sur le tabouret juste à côté du mien, gardant le regard perdu dans la foule de danseurs.

— Réveillez-moi, je crois que je suis en train de rêver : Alexander Nightsun boit autre chose que du jus d'orange ! Appelez les journalistes, ils tiennent leur meilleur scoop !

Il lève les yeux au ciel, mais je remarque qu'il semble légèrement amusé.

— Je crois que tu restes le sujet préféré des journalistes, fait-il avec désinvolture. D'après ce qu'ils racontent, tu aurais couché avec plus de la moitié des gardes du palais...

— C'est complètement faux ! Comment peux-tu croire une chose pareille ?

Il me regarde en fronçant les sourcils, sincèrement étonné.

— J'ai couché avec les trois quarts des gardes, la moitié des jardiniers, et presque tous les musiciens. Il ne manquait plus que Lorenzo et le compte était bon.

Face à ces précisions, il pousse un long soupir qui me fait éclater de rire.

— Tu veux peut-être que l'on parle de tes exploits à Miami ? Quelle pauvre humaine as-tu ramenée aujourd'hui ? Tu changes toujours de "copine" tous les deux mois ?

Alec ne répond rien et se contente de me désigner une fille en train de danser toute seule au milieu des danseurs. Nul besoin de vous préciser que je la trouve aussitôt qu'une banalité affligeante. Je me tourne vers lui avec un petit sourire en coin pour lui murmurer d'un faux air scandalisé :

— Manipulation mentale ? Eh bien ! Franchement, tu me déçois Alec-chéri...

Il se contente de prendre une gorgée de la bière que le barman vient de lui déposer sur le comptoir. J'imagine que vous trouvez qu'Alec a changé, n'est-ce pas ? Pour ma part, je ne trouve pas. J'ai toujours su qu'il y avait un petit côté rebelle caché derrière son masque de "garçon parfait". Au fond, peut-être que la Malédiction des Astres n'inversait pas notre personnalité, mais révélait simplement qui nous sommes vraiment... Alec a toujours eu un faible pour les filles de Miami. Malheureusement.

— Mes "copines", comme tu les appelles, sont simplement de pauvres jeunes filles qui ont besoin d'un peu d'aventure dans leur vie. Je leur propose de venir dans une ville où elles pourront se changer les idées, puis si elles acceptent, je manipule leurs pensées pour qu'elles ne trouvent pas bizarre de voir des objets voler ou de rentrer dans un palais au beau milieu de la forêt amazonienne. Une fois qu'elles ont eu leur lot de divertissement, je demande à un Obscur de leur effacer ces souvenirs, mais elles gardent un sentiment joyeux qu'elles ne peuvent expliquer.

Est-ce que je comprends pourquoi Alec s'embête à faire tout ça ? Non. Est-ce que je trouve ça stupide ? Oui.

— Mais dis-moi, reprend-il avant que je n'aie le temps de répondre quoi que ce soit, n'avais-tu pas un mariage à interrompre, tout à l'heure ? S'il y en avait un qu'il fallait bien empêcher d'avoir lieu, c'était celui-là. Dès que le fils d'Elasia et Lorenzo sera né, il t'éclipsera à la seconde place dans l'ordre de succession au trône, ex aequo avec Luna.

Je lève les yeux au ciel, toute envie de rire disparue. Il sait parfaitement l'effet que me provoquent ces paroles, et ne cache pas son amusement.

L'envie d'ajouter mon grain de sel à cette cérémonie niaiseuse ne m'a pas manquée, cependant, je me suis abstenue. Vous vous demandez pourquoi ? Tout simplement parce que je me fiche de devenir la prochaine reine du Peuple des Astres. Au contraire, la naissance de ce petit têtard royal m'ôtera un joli poids des épaules.

Presque toute ma vie, Alma, ma chère et tendre tante, m'a appris à me battre contre des gens qui en voulaient à mon espèce. Désormais, les Malfaçons bénéficient d'un semblant de respect de la part des Obscurs et des Lumineux, et c'est tout ce qui m'importe. Du moment que le futur roi me laisse gouverner les Malfaçons, je devrais à peu près réussir à m'entendre avec lui.

Après tant d'années à vivre entourée de haine et de rancoeur, une vie "normale" ne me fait pas de mal.

— Qui te dit que je ne concocte pas un plan machiavélique pour le baptême du bébé ? Une petite malédiction, ce serait plutôt stylé, non ?

Il pousse un long soupir, mais finit par esquisser un sourire. Il sait aussi bien que moi que je ne suis pas vraiment sérieuse, même si ce futur petit a plutôt intérêt à ne pas être trop agaçant...

Malgré moi, je ne peux m'empêcher de fixer la copine d'Alec qui danse de manière si énergique que j'en ai mal aux pieds pour elle. Elle sautille comme si le sol était enflammé et hurle les paroles de la chanson en cours qu'elle connaît visiblement par coeur. Mais qu'est-ce qu'il lui trouve, enfin ? Même si je sais que ce n'est pas vraiment sérieux entre eux, je ne peux m'empêcher d'éprouver une pointe de... jalousie ?

Alec et moi avons beau nous parler par messages presque toute la journée, il n'empêche que nous ne nous voyons que très peu de fois. Monsieur est à Miami la plupart du temps, tandis que je m'ennuie à mourir dans ce joli palais. Attendez... Il vaut mieux que je me taise. Je commence à devenir aussi exaspérante que ma soeur.

Cependant, je dois dire que nous nous sommes pas mal rapprochés ces dernières années, simplement en tant que bons amis. Il n'y a que quelqu'un comme lui pour me pardonner tout ce que je lui ai fait.

— Au fait ! s'exclame-t-il brusquement comme s'il se rappelait quelque chose de très important qu'il avait failli oublier. On en parle du bouquet de la mariée ?

Je hausse les sourcils, ne comprenant pas où il veut en venir.

— C'est bien toi qui l'as attrapé tout à l'heure, non ? précise-t-il d'un petit air moqueur.

— Ce n'est pas vrai ! Il a atterri dans mes mains, mais je l'ai vite relancé à la personne qui était juste à côté de moi, c'est-à-dire Luna.

— Cela ne change rien au fait que ce soit toi qui l'aies attrapé en premier...

Je m'apprête à répliquer, mais ne trouve rien à dire. Que ces traditions de mariages sont stupides !

— Ne fais pas cette tête, me taquine-t-il, tu finiras peut-être par tomber follement amoureuse d'un des gardes ou d'un charmant jardinier...

Je lève les yeux au ciel, pile au moment où l'actuelle copine d'Alec s'approche de nous en sautillant.

— Chéri ! s'écrie-t-elle en s'éternisant de manière insupportable sur le "i". Cette soirée est absolument gé-niale ! Tu as goûté leur champagne ? Je n'ai vraiment jamais bu quelque chose d'aussi bon !

Elle s'extasie ensuite sur les muffins qui sont servis, et je me retiens de toutes mes forces pour ne pas envoyer un verre valser contre son crâne. Alec l'écoute avec une attention déconcertante, me donnant plus que jamais envie de vomir.

Elle finit par repartir lorsqu'elle entend sa soi-disant chanson préférée, nous laissant de nouveau seuls. Je ne fais aucun commentaire, sachant très bien que si j'ouvre la bouche, je vais forcément dire quelque chose de désagréable. Non pas que cela me dérangerait, mais je sais qu'Alec y trouverait une occasion de me faire la morale.

— Elle est gentille, n'est-ce pas ? déclare-t-il en la regardant s'éloigner. Un vrai petit ange...

À la manière dont il prononce ces mots, je comprends qu'il dit cela uniquement pour me mettre sur les nerfs. Et le pire, c'est que ça fonctionne.

— Ce n'est pas d'un ange dont tu as besoin. Tu en es déjà un, cela suffit amplement.

Il me dévisage, ne comprenant pas où je veux en venir. Prenant une inspiration, je me décide à lui faire part du fin fond de ma pensée :

— Si ça ne marche pas entre toi et ces charmantes gamines, c'est parce qu'elles te ressemblent trop. Ce dont tu as besoin, c'est de quelqu'un qui soit l'exact opposé de toi. Regarde ton frère et ma sœur, par exemple. Lui est un vrai connard, et elle une petite niaise de première catégorie. Pourtant, c'est ça qui fait que ça fonctionne entre eux.

Il reste un long moment silencieux, ce qui me fait aussitôt regretter mes paroles. Vous vous demandez pourquoi je suis aussi directe ? Parce que j'en ai marre d'attendre qu'il réalise enfin que nous sommes faits pour être ensemble, voilà tout.

Contrairement à Luna, je sais parfaitement ce que je veux. Et je sais que ce que je ressens pour Alec est plus que de l'amitié.

— Si j'ai bien compris ce que tu veux dire, commence-t-il lentement, étant donné que je suis un ange, je devrais me trouver un démon...

Je hoche la tête, et il fixe son verre de bière comme si celui-ci allait lui apporter plus de réponses.

Sa copine lui hurle soudain de venir danser avec elle, et après quelques vaines tentatives de résistance, il finit par se lever de son tabouret. Juste avant de s'éloigner, il prend un air très sérieux et me lance :

— Je vais y réfléchir.

Je le regarde s'éloigner sans répondre quoi que ce soit, plutôt satisfaite. Je demande au barman de me servir son meilleur cocktail, puis observe Alec faire semblant de s'amuser avec sa petite floridienne. Tandis que je sirote ma boisson, je ne peux retenir un léger sourire.

Un jour, il comprendra.

Note de l'auteure :

Héhé, Alec et Rona, qui l'eût cru ? Pas moi en tout cas, c'est entièrement grâce à vous et à vos commentaires si j'ai réalisé qu'ils pouvaient peut-être bien aller ensemble ! ^^

Au passage, petite mention à phanietwin qui a trouvé le surnom officiel de notre "Wrenouchet" que je me suis permis d'emprunter dans ce chapitre... 😉❤️

Si tout se passe bien, on se retrouve normalement dimanche pour la troisième et dernière partie ! Petit indice, pour ce point de vue-là, on retourne aux classiques...

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