Chapitre 7

Plus j'arpente la maison d'Alec, plus je me dis que je ne pourrais jamais m'y retrouver. Les couloirs sont parfois larges et la seconde d'après, ils se rétrécissent et c'est à peine si on peut y passer sans se plaquer contre un mur. Les portes sont toutes différentes et il y a des tableaux et des miroirs un peu partout. On pourrait croire que la poussière y soit à son aise, pourtant il n'y a pas un brin de saleté qui recouvrerait ne serait-ce que la surface d'un dessus de tableau. Je ne sais pas quelle méthode est employée pour faire le ménage ici, mais en tout cas c'est efficace.

Je crois avoir déjà monté deux étages et parcouru trois kilomètres quand je tombe sur une immense bibliothèque (je ne sais même pas pourquoi je précise qu'elle est immense, car ici tout est immense). Ce lieu doit abriter au moins un million de livres, ce n'est pas possible autrement. Les bouquins sont parfaitement rangés et alignés sur des étagères qui partent du sol jusqu'au haut plafond. Comme il n'y a d'échelle nulle part, j'imagine qu'il doit falloir utiliser ses pouvoirs magiques pour attraper un des livres situés tout en haut.

Je me perds au milieu de toutes ces étagères et jette un oeil sur quelques ouvrages qui attirent mon attention. Il fait assez sombre ici, si bien que je suis obligée de plisser les yeux et de tourner les livres dans tous les sens pour déchiffrer leur titre. Certains ont l'air d'être des manuels de magie, d'autres des recueils d'histoires anciennes et il y a même des journaux intimes ayant appartenu à des ancêtres d'Alec.

Je m'apprête à m'assoir sur l'un des petits fauteuils disposés aux quatre coins de la pièce pour lire le début d'un manuel de magie quand j'entends un bruit étrange. Comme si un livre tombait.

— Il y a quelqu'un ? dis-je tout haut avec inquiétude.

En y regardant de plus près, cet endroit est plus flippant que majestueux. Les fenêtres sont recouvertes par des rideaux sombres et la poussière est plus fréquente que dans le reste de la villa. Le bruit que j'ai entendu à l'instant se répète et un frisson me parcourt. J'ai l'impression d'être une de ces filles qui s'apprêtent à se faire tuer dans les films d'horreur.

— Alec ? je m'hasarde en sachant pertinemment que ce n'est certainement pas lui.

Je tourne la tête un instant derrière mon épaule et quand je fais volte-face, un homme se tient à tout juste un mètre de moi. J'étouffe un cri et recule de plusieurs pas précipitamment, au point que je manque de tomber.

— Pourquoi toujours Alec ? lance alors la personne face à moi. Il est trois fois moins cool que moi et pourtant c'est toujours lui qu'on cherche...

Je reconnais immédiatement la voix. C'est la voix sexy du téléphone d'Alec. Son frère. Wren est... quasi indescriptible. Si Alec était déjà hyper beau, alors lui l'est peut-être mille fois plus, même si je ne savais pas que c'était possible. Je ne le qualifierais pas de "parfait" comme Alec, mais plutôt d'irrésistiblement et infiniment sexy. Même plus que ça. Il a les cheveux du même brun qu'Alec, mais la comparaison s'arrête là. Contrairement à ceux d'Alec, les siens ne sont pas parfaitement peignés mais un peu ébouriffés.

Wren a les yeux d'un vert si brillant que même la plus belle émeraude du monde ne pourrait rivaliser avec. Il a aussi l'air musclé et il est assez grand. Son petit sourire en coin aussi, est irrésistible. Si Phoebe et Alexia étaient là, elles seraient déjà tombées dans les pommes. J'ai d'ailleurs perdu l'usage de la parole. Je sais que j'ai l'air d'exagérer mais c'est vrai : il n'existe définitivement pas de gars mieux que lui. J'en suis sûre et certaine.

— Tu dois être la petite nouvelle je suppose... La première humaine à s'être fait transformer par l'irréprochable Alec. Quel honneur ! Mais comme je te l'ai déjà dit lors de notre première conversation téléphonique, ça aurait été bien mieux que tu sois transformée par moi. Mais bon...

Il parle avec une sorte d'ironie et d'arrogance assez déconcertantes. Il n'est même pas comme le "méchant Alec" que j'ai fréquenté pendant les vacances quand il était sous l'emprise de la malédiction. Il est beaucoup plus... Impossible de le décrire. Il est juste plus quelque chose.

— Tu es Wren ? j'arrive finalement à demander comme une gamine devant le Père Noël.

Il sourit davantage ce qui manque de me faire définitivement flancher.

— On t'a parlé de moi ! En bien ou en mal ?

— Plutôt en mal.

— Oh méchant Alec, fait-il avec une fausse mine triste. Il ne laisse même pas une chance à son pauvre frère auprès d'une charmante demoiselle...

Il a vraiment dit "charmante demoiselle" ?! Il le pense vraiment ou c'était encore du second degré ? Calme toi espèce de gamine au coeur de guimauve, je pense avec énervement. Je suis vraiment la pire des cruches.

— Il t'a sûrement raconté que j'étais un égoïste, un égocentrique, un manipulateur ou un je ne sais quel autre adjectif immonde, n'est-ce pas ? sourit Wren malicieusement.

— Oui. Exactement dans ces termes, je reconnais d'une petite voix.

— Et bien c'est entièrement la vérité ! s'exclame-t-il avec le plus grand naturel.

OK. Ce mec a finalement l'air fou. Un fou sexy ça existe ?

— Il t'a raconté l'histoire des somnifères dans le thé de ma mère ?

— Euh... Oui.

Il faut vraiment que j'arrête de balbutier comme une attardée.

— Il n'a pas perdu de temps dis donc ! J'aurais volontiers versé des cachets tous les jours dans l'eau, le café ou n'importe quelle boisson que buvait ma chère mère, mais ce bon petit Alec m'en empêchait. Pourtant notre mère était une vraie garce. Mais quand je dis une garce, ce n'était pas juste une petite peste de cour d'école !

Il parle sans me regarder, comme s'il conversait avec lui-même, en plein délire psychotique, ayant oublié ma présence. J'en profite alors pour faire un pas vers ce que je suppose être la sortie de la bibliothèque. Je n'en ai même pas fait deux que les yeux de Wren se braquent sur moi, comme le ferait un chat.

— Tu es sûre que tu vas bien, petite ? Tes émotions sont si perturbées que je les sens depuis là...

Attendez, qu'est-ce qu'il a dit là ?

— Comment tu fais pour ressentir mes émotions ? je lance apeurée à l'idée qu'il ait surpris ce que j'ai ressenti en le découvrant.

— Je suis un Obscur, princesse. Je peux lire les émotions des autres. Alec-chéri ne t'a pas appris ça ?

— Si, je réponds sans être très sûre de moi. Je ne pensais pas que ça marchait à distance.

Il éclate d'un rire qui doit réveiller toutes les araignées de la bibliothèque.

— C'est que je suis si puissant que même à cent mètres, je pourrais savoir ce que tu ressens. À condition que ton esprit ne soit pas trop fermé.

— Comment ça "fermé" ?

Il lève les yeux au ciel et fait mine d'être énervé. Ce mec est un acteur.

— Alec-chéri est vraiment un horrible professeur. Heureusement que je suis là. Tonton Wren va s'occuper de toi.

Il a beau être plus que beau (ça rime), vu sa folie, je ne suis pas certaine d'avoir très envie qu'il s'occupe de moi...

— Merci mais ça va. Alec fait déjà tout ce qu'il faut. Il m'a donné une chambre et c'est lui qui va m'apprendre à contrôler mes pouvoirs.

Wren devient alors sérieux et s'esclaffe d'un rire noir.

— Contrôler tes pouvoirs ? Princesse, ce n'est pas qu'une question de contrôler ses pouvoirs, mais de savoir s'en servir. Les gens, surtout Alec, veulent toujours tout contrôler mais il faut parfois accepter le fait de ne pas pouvoir tout maîtriser.

— OK, et si je perds le contrôle et que je provoque une apocalypse ? On fait comment ?

Il est beaucoup plus facile de lui parler quand il est sérieux que dans ses genres de délires qui ne font rire que lui.

— Le tout n'est pas de perdre le contrôle, mais de savoir le regagner quand il le faut, déclare-t-il tout en se rapprochant doucement de moi. Ta magie sera plus puissante si tu la laisses t'envahir que si tu cherches à tout prix à lui imposer des limites.

Je me force à ignorer sa proximité croissante. Il est trois fois plus intrigant que l'Alec de mes vacances, ce que je pensais impossible. Chacun de ses mouvements me donne l'impression qu'il est comme un serpent prêt à se jeter sur moi. J'entends bien suivre le plus possible les conseils d'Alec et garder mes distances...

— Ne prends pas cet air effarouché, s'amuse-t-il en reculant. Je ne sais pas ce que t'a raconté Alec mais je ne vais pas te sauter dessus.

— Tu en donnes un peu l'impression, figure-toi, je rétorque sans me démonter.

Le sourire sur ses lèvres s'étire davantage et il s'adosse à une étagère sans craindre de faire tomber tous les livres rangés dessus.

— Tu sais je suis un peu déçu, lance-t-il d'un faux air attristé. Alec m'a pas mal parlé de toi et je dois dire que je pensais que tu serais un peu moins...

Il laisse sa phrase en suspens, ce qui a le don de faire monter une soudaine vague de colère en moi. Qu'est-ce qu'il veut dire de déplaisant encore ?

— Je t'écoute, je réplique avec défi en croisant les bras.

— Un peu moins facile à impressionner, lâche-t-il avec un regard complice. J'ai senti toutes tes petites émotions s'affoler lorsque tu as posé les yeux sur moi...

Il commence sérieusement à me gaver à vouloir jouer avec moi de cette manière et ce n'est pas parce qu'il est inhumainement magnifique que je vais lui laisser croire que je suis si impressionnable.

— Je vais me passer de tes démonstrations pour me montrer l'étendue de tes pouvoirs. Maintenant si tu veux bien, je dois encore sortir des affaires de ma valise.

Je m'approche d'un pas vif vers l'entrée et juste avant que je passe le pas de la porte il me lance avec toujours cet horrible (oui je le trouve horrible maintenant) sourire dans la voix :

— Très bien, princesse. On se revoit au dîner de ce soir.

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