Chapitre 17

Les Nightsun doivent vraiment être blindés de fric. Mais vraiment. Je ne sais pas si c'est qu'ils ont utilisé leurs pouvoirs pour manipuler les pensées de certains banquiers mais je serais curieuse de connaître le solde de leur compte en banque. Parce que pour payer un jet privé tout luxe compris pour cinq personnes à destination de l'Irlande, il faut vraiment être blindé.

Cela fait deux heures que Wren commande des cocktails hors de prix à l'hôtesse et qu'il lui verse des pourboires en veux-tu en voilà. Alec ne fait pas tellement mieux avec ses muffins et ses cafés chantilly. Il a manipulé les pensées du pilote et des hôtesses pour qu'ils ne posent pas de questions s'ils voient de la magie à l'oeuvre et Wren leur fera tout oublier de notre petite escapade à notre retour en Amazonie.

— Tu crois que ces mecs ont braqué tous les casinos de Vegas ? me chuchote Phoebe qui est installée dans le siège à côté de moi. On dirait les riches dans Gossip Girl.

Elle est bien plus à l'aise que moi dans ce luxe et commande des milkshakes toutes les cinq minutes. Nous testons tous les parfums et nous en sommes venues à la conclusion que le chocolat-vanille est le meilleur. Alec nous a assurés avant le vol que nous pouvions commander tout ce que l'on désirait. Tout est payé par la maison.

— Imagine qu'avec mes pouvoirs je puisse obliger tous les vendeurs des magasins à me filer la caisse, je plaisante. Je ne sais pas s'il existe une loi chez le Peuple des Astres qui interdit d'abuser des humains comme ça.

En face de nous se tient Karlie, flanquée un énorme casque rose bonbon sur ses oreilles qui la fait ressembler à un adorable panda rose. Alec et Wren sont assis côte à côte et se disputent à voix basse. Ils sont vraiment incapables de mener une simple conversation ? En même temps, si j'avais un frère ou une soeur comme Wren, je ne sais pas si je supporterais d'avoir ne serait-ce que le même sang que lui. OK, j'exagère.

— Je ne peux pas m'empêcher de penser à Alexia, murmure Phoebe toute triste. Je sais qu'Alec a manipulé les pensées de toute sa famille pour qu'ils croient qu'elle est morte dans un accident de voiture et qu'ils ne se posent pas davantage de questions mais ça ne fait que me faire sentir plus mal. Wren mériterait la haine de tout le monde et il est là à se pavaner avec ses cocktails.

Je jette un nouveau regard à Wren. Il enchaîne les boissons sans même les savourer et ne regarde même pas ce qu'il y a dedans. Cela me donne une petite idée...

— Qui a dit qu'on allait le laisser tranquille ? je lance à Phoebe avec malice.

Je casse très discrètement un de nos verres à milkshakes et je repère un petit éclat particulièrement pointu. Je n'ai presque pas à me concentrer pour le faire voleter. Wren est assis à ma gauche, derrière moi dans la diagonale. Je fais doucement voler l'éclat de verre entre les sièges et j'attends qu'il ait la tête tournée pour vite faire glisser l'éclat dans son verre plein d'une mixture bleuâtre.

Comme je l'espérais, Wren ne regarde même pas le contenu de son verre et l'avale d'un trait. Il fait alors une drôle de tête et se met à tousser bruyamment. Il porte ses mains à sa gorge et commence à ne plus arriver à respirer correctement. Alec tend sa main vers lui et attire l'éclat de verre coincé au fond de sa gorge jusqu'à ses doigts. Phoebe se met à glousser et un petit sourire se dessine sur mes lèvres. Wren le voit et nous lance un regard amusé.

— C'est votre délire d'essayer de me tuer, hein ? Sachez mes chéries qu'il en faut plus que ça à un être magique pour crever. Nous avons un fort pouvoir de guérison.

Il tourne les yeux vers Alec avec un air satisfait.

— Et je suis heureux de constater que mon petit frère tient encore suffisamment à moi pour ne pas me laisser m'égorger.

— C'est juste pour ne pas avoir de cadavre dans l'avion, rassures-toi, tempère Alec en levant les yeux au ciel.

Wren prend tout ça sur le ton de la plaisanterie mais je remarque qu'il vérifie désormais méticuleusement ses cocktails avant de les avaler. Alec et lui reprennent leur discussion et Karlie ôte son casque de ses oreilles.

— C'était assez malin, reconnaît-elle avec un de ses petits sourires enfantins. Je n'ai pas eu l'occasion de vous dire à quel point je suis désolée pour votre amie.

Elle jette un regard mauvais à Wren et sa jolie bouche se dessine en une moue dédaigneuse.

— Je me demande comment il peut vivre avec de pareilles atrocités sur la conscience, marmonne-t-elle. Rien que quand j'écrase une fourmi sans le faire exprès, cela suffit à me faire me sentir odieuse pour le reste de la journée.

Elle pousse un long soupir avant de poser les yeux sur Alec.

— Je ne sais pas comment il fait pour vivre avec un frère tel que Wren, soupire-t-elle. Il lui a toujours rendu l'existence si compliquée...

Karlie reste songeuse quelques instants encore avant replacer son casque sur ses oreilles.

Je me demande alors comment j'ai pu être aminée par l'idée de mélanger un éclat de verre à la boisson de Wren. Si je l'avais tué, aurais-je été satisfaite ? Aurais-je eu le sentiment d'avoir "vengé" Alexia ? Sûrement pas. Dois-je me transformer en meurtrière rien que pour rendre justice ? Comment ai-je pu passer d'une mignonne innocente à quelqu'un d'abominable en si peu de temps ? De toute façon, rien n'est plus comme avant, me murmure dans ma tête une voix peu rassurante. 

Phoebe et moi ne trouvons plus grand-chose à dire et je reste dans mes turbulentes pensées jusqu'à la fin du trajet. 

  ***

— Qui est partant pour faire la tournée des pubs ? lance Wren comme si nous étions une bande de potes en voyage scolaire. J'ai bien envie de me boire un truc un peu plus "électrisant" que ces cocktails d'avion bas de gamme.

— On n'est pas là pour faire les touristes, réplique Alec. On trouve la Pierre des Astres et on s'en va. Pas de détours.

Nous sommes en route pour les montagnes de Wicklow, au sud de Dublin. Alec et Wren affirment qu'un dolmen anciennement sacré aux yeux du Peuple des Astres est édifié dans une vallée environnante. Alec tient une carte avec l'emplacement exact du dolmen et dicte à Wren de tourner à tel ou tel endroit. Wren conduit vraiment comme un pied. Entre les freinages brusques et les virages à la dernière minute, je crois que je vais vomir avant l'arrivée.

— T'as passé ton permis où ?! s'exclame Karlie qui s'accroche tant qu'elle peut à l'accoudoir de la portière. T'as demandé à un de tes potes Lumineux de manipuler le moniteur ?!

— Il lui a lui-même fait oublier qu'il avait encastré deux voitures dans un mur, corrige Alec. Et qu'il avait écrasé un chat.

Karlie marmonne une sorte de prière pour le pauvre petit félin.

— Oh parle pour toi, petit frère ! rétorque Wren. Catégorie conduite, tu es inférieur à moi. Tu as essayé quatre fois de passer ton permis sans magie avant de manipuler les pensées de ton moniteur. Tu lui as même fait croire que sa voiture défoncée dans un poteau était l'oeuvre d'une autre fille tout à fait charmante. Elles sont où la politesse et l'élégance là-dedans, Alec-chéri ?

Alec murmure avec véhémence quelque chose sur les "fils uniques" et se concentre sur sa carte en ignorant son frère.

Après quelques kilomètres et quelques virages retourneurs d'estomac, nous arrivons dans une vallée où des dizaines de dolmens sont érigés. Wren s'arrête brutalement et nous sortons tous avec hâte de la voiture avant que ce chauffard ne nous fasse vivre de nouvelles sensations avec son bolide effréné.

— Luna, est-ce que tu reconnais le dolmen que tu as vu dans tes visions ? questionne Alec.

J'ai très envie de lui répondre que oui, évidemment Alec que je reconnais l'énorme pierre que j'ai vue une seconde dans ma tête et qui ressemble exactement à toutes celles qui nous entourent ! Sauf que ce n'est absolument pas le cas. Ces grandes pierres en équilibre se ressemblent toutes et je n'ai pas une illumination qui me dit que c'est sous ce rocher que se cache l'entrée de la mystérieuse grotte.

— Du tout. Je crois que nous allons chacun devoir creuser sous chaque dolmen et découvrir ou non une grotte.

Alec sort alors des pelles que nous avions prévues et embarquées dans la voiture et par la pensée, il fait creuser toute seule sa pelle sous le premier dolmen venu. Il s'assoit confortablement sur une chaise pliante et regarde le travail se faire tout seul. Wren et Karlie lui jettent des regards noirs.

— Quoi ? fait Alec, ne comprenant pas l'origine de toute cette haine.

— On ne peut pas dire que tu te salisses les mains ! s'agace Karlie.

— J'ai des chaussures neuves, se défend Alec avec un sourire. Luna, toi aussi tu n'es pas obligée de te casser le dos.

Je me concentre sur l'une des pelles et la fais voler jusqu'au dolmen voisin de celui d'Alec. Je m'imagine en train de creuser et la pelle fait exactement le bon mouvement et jardine toute seule.

— Bande de crétins de Lumineux, grogne Wren en enfonçant avec rage sa pelle dans la terre.

Nous nous mettons tous au travail (chacun avec une énergie différente de l'autre) et nous examinons chaque dolmen. Il est quasiment minuit quand soudain, ma pelle cesse de creuser toute seule et tombe à travers le sol dans un bruit retentissant qui fait sursauter tout le monde. Nous nous regroupons tous autour du trou. Bingo ! Il s'agit bien d'un conduit menant à une grotte. Wren lance plus amusé que jamais :

— Qui s'y jette en premier ? Sachant qu'il y a peut-être un méchant dragon immortel qui garde la Pierre en sécurité.

Personne ne répond. Nous brillons tous par notre courage.

— J'y vais, finit par dire Alec avec détermination.

— Non, je l'interromps. C'est moi la Lunatique prétendument surpuissante. Suivez-moi.

En rassemblant tout mon courage, je m'assois par terre et me laisse glisser dans le trou, comme si j'étais sur un toboggan. Je suis bien contente de ne pas avoir une robe car la surface est loin d'être lisse et je sens les frottements des bouts de roche à travers mon pantalon. J'atterris brutalement sur le sol et je me retrouve dans l'obscurité totale.

— Il me faudrait une torche ! je crie à travers le tunnel-toboggan.

Une torche me tombe alors sur la tête ce qui me fait pousser un grognement.

— Désolé ! lance la voix malicieuse de Wren où l'on comprend bien qu'il est loin de s'excuser.

J'attrape la lampe et j'éclaire la grotte tout en plissant les yeux. Ce que je vois alors me fait tant hurler que tous les Irlandais aux alentours doivent m'entendre.

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