Chapitre 13
Cela fait deux jours que je me suis enfermée dans ma chambre. Deux jours sans parler ni ouvrir à personne. Deux jours à me poser des centaines de milliers de questions sans apercevoir l'ombre d'une réponse. Deux jours que je me dis que ma vie n'a plus aucun sens. Qu'elle n'a plus raison d'être. Si je fais partie d'une espèce éteinte, il me sera impossible de revenir parmi les humains. Le Peuple des Astres voudra me garder et m'analyser pour comprendre pourquoi je suis une Lunatique.
Juste avant que je m'enferme, le professeur Carlton m'a dit que les Lunatiques ont disparu il y a des milliers d'années. Qu'ils n'étaient même plus considérés comme appartenant au Peuple des Astres tant on les pensait éteints et disparus. Il voulait m'emmener avec lui à un soi-disant centre où l'on pourrait m'apprendre davantage de choses sur ce que je suis mais j'ai refusé. Devant ma détresse, Alec a convaincu le professeur Carlton de me laisser tranquille et il est finalement parti en promettant de ne rien dire à personne.
Alec s'est une nouvelle fois excusé et j'ai encore explosé d'une violente colère. Je lui ai dit que j'en avais marre de ses excuses et qu'il n'avait pas à s'excuser. Que si j'étais devenue ce que je suis, c'était parce que j'avais passé l'été à faire n'importe quoi avec un gars dont je ne savais rien. Que si j'avais vraiment voulu garder ma petite vie tranquille de fille sage, je n'aurais eu qu'à rester chez moi à Los Angeles au lieu de partir à Miami et d'embrasser le premier venu. J'ai ensuite couru jusqu'à ma chambre et j'ai fermé la porte à double tour. Karlie et Alec se sont succédé à ma porte les deux jours qui ont suivi mais je n'ai pas répondu une seule fois.
Je n'ai même pas faim. Je bois l'eau du robinet de ma salle de bain et à chaque fois qu'un rayon de lumière pénètre dans ma chambre, je me sens revigorée. Je regarde les gens qui viennent et repartent de la maison Nightsun depuis ma fenêtre, en prenant bien soin de me cacher derrière les rideaux.
Alec ne fait qu'à partir je ne sais où et revenir à chaque fois avec des tonnes de bouquins. Karlie passe tous les soirs et jette toujours un oeil à ma fenêtre, sans parvenir à me voir. Wren n'est toujours pas revenu et il n'a pas cherché à me rappeler depuis la dernière fois où il m'a demandé mon nom. Je me demande vraiment où est-ce qu'il est passé... Carlton est aussi revenu une fois, hier, mais ne s'est pas éternisé.
Tout cela me donne encore moins envie de quitter ma chambre où le calme règne et où je peux oublier ma nouvelle condition. Ici, je suis humaine. Je n'utilise pas mes pouvoirs et personne ne me rappelle que j'en ai.
Pile au moment où j'allais me résoudre à rester ici pour le restant de mes jours, je vois par ma fenêtre la voiture de Wren remonter l'allée menant à la villa. Il ne prend même pas la peine de se garer dans un coin et s'arrête en plein milieu de la route. Il descend de sa voiture avec la dégaine d'un acteur qui tourne son prochain film pour les Oscars et ouvre ensuite la portière arrière.
Je crois soudain halluciner à cause du manque de nourriture en voyant en sortir Phoebe et Alexia ! J'ouvre grand les yeux pour vérifier que je ne rêve pas. C'est tout simplement impossible qu'elles soient là. Pourtant pas de doute, c'est bien Phoebe avec sa chevelure sombre et Alexia avec ses cheveux bouclés blond foncé. Elles regardent partout autour d'elles avec de grands sourires comme des gamines à Disneyland. Comment Wren a réussi à les trouver et à les ramener ici ?!
Cette fois, je voudrais bien ne pas être dans un rêve.
Je m'élance jusqu'à ma porte de chambre et je défais le verrou en deux secondes. Je me précipite dans les couloirs à toute allure, cette fois en sachant parfaitement bien mon chemin. Je dévale les escaliers si vite que je fais un bruit d'hippopotame en tapant mes pieds sur les marches. Pile au moment où j'arrive en bas des escaliers, Wren ouvre la porte d'entrée et les filles pénètrent dans le hall.
— Phoebe ! Alexia ! je crie en me jetant à leur cou.
— Luna ! hurlent-elles à l'unisson.
Je les sers dans mes bras un long moment, trop heureuse d'avoir enfin des personnes que je connais vraiment à mes côtés.
— Vous m'avez tellement manqué ! je murmure contre elles, à deux doigts de fondre en larmes.
Je sais que ça fait juste une semaine que je ne les ai pas vues mais c'est comme si ça faisait un an. Je ne pensais même plus les revoir un jour. Si seulement mes parents pouvaient également être là... Sans réfléchir, je serre aussi Wren dans mes bras.
— Merci de les avoir amenées ici, je lui dis tout bas.
J'en oublie les prétendus avertissements d'Alec et Karlie sur la monstruosité de Wren. Il a mené mes deux meilleures amies jusqu'à moi et c'est tout ce qui compte.
— Elles croient que tu es juste en séjour chez nous, sans rien savoir de la magie, il me murmure à l'oreille. Un de mes amis Lumineux a manipulé leurs pensées pour qu'elles ne posent pas de questions et je leur ferais tout oublier de ce qu'elles auront vu ici quand elles repartiront dans une semaine.
Je me détache de Wren au moment même où Alec débarque dans l'entrée.
— Qu'est-ce que tu as fait, Wren ? demande-t-il affolé en voyant les filles ici.
— Je fais ce que tu n'as pas réussi à faire petit frère : notre chère princesse charmante n'a pas le moral, donc quoi de mieux que de lui amener ses meilleures amies ici ?
Alec le regarde comme s'il avait envie de l'étriper.
— Qu'est-ce que tu mijotes ? Il ne t'arrive jamais de faire quelque chose rien que pour te montrer gentil. Tu as forcément un truc derrière la tête...
— Pourquoi ça t'étonne autant que je puisse être gentil ? s'exclame Wren en levant les yeux au ciel. Je me suis juste imaginé dans la peau d'un humain auquel on annonce qu'il appartient à une espèce éteinte et je me suis dit que ça pourrait être cool de faire quelque chose pour cette princesse charmante.
Alec n'a toujours pas l'air convaincu mais je ne m'en préoccupe pas. Les filles sont là, c'est le principal. Je ne pourrais pas leur parler de mon histoire de Lunatique ni de pourquoi je suis vraiment là mais ce sera justement l'occasion d'être à nouveau quelqu'un de normal.
— Je n'en crois pas mes yeux ! s'exclame Phoebe en détaillant le hall d'entrée. Luna, tu ne pars pas en vacances chez n'importe qui !
Je pars d'un rire insouciant mais Alec se sent obligé de faire régner la voix de la raison :
— Wren, tu ne peux pas arracher ces deux filles à leurs familles ! J'imagine que tu as demandé à ton cher ami Lumineux de t'accompagner mais comment as-tu osé faire une chose pareille ? Comment as-tu pu ramener deux pauvres humaines ici ?!
— Je ne vois pas où est le problème, rétorque Wren. Elles oublieront tout et...
— Tu sais très bien qu'elles vont au lycée, qu'elles ont des parents ! l'interrompt Alec en levant les bras. Nous ne pouvons pas nous permettre de bouleverser leur existence.
— Parce que tu n'as pas fait la même chose avec Luna, peut-être ? réplique son frère. Ces deux jolies demoiselles ne garderont aucun souvenir de leurs quelques jours passés ici et les esprits de leur entourage ont été manipulés. Il n'y a aucun danger.
Alexia et Phoebe suivent la dispute sans sembler en saisir un traitre mot, mais ne posent aucune question. Elles se contentent d'admirer les lieux et de lancer des remarques anodines sur la décoration. Alec a sûrement raison, elles ne devraient pas être ici. Mais dans mon égoïsme je ne peux m'empêcher d'être heureuse qu'elles soient avec moi.
— Venez, je vais vous montrer ma chambre, je fais aux filles pour les éloigner d'Alec et Wren.
Elles me suivent telles des robots, et je me dis alors que ce doit être ce qu'elles sont, en quelque sorte. Elles ne peuvent pas être vraiment elles et malgré que ce soit sans doute cruel, je suis incroyablement reconnaissante à Wren d'avoir amené un peu de calme dans mes tourments.
***
— Comment tu as fait pour les retrouver ? je demande à Wren pendant le repas du soir.
J'ai presque l'impression d'être chez moi, là avec mes deux amies autour de moi. Sauf que ma maison n'a pas de grands lustres en cristal accrochés au plafond et que mes parents et moi ne dînons pas dans une salle immense... De plus, nous n'avons jamais touché à des couverts en argent...
— Rien de plus facile. J'ai juste eu à retrouver tes parents puis à leur demander où vivaient tes deux meilleures amies. J'ai ensuite fait oublier à tes parents ma venue puis je suis parti chercher Phoebe. Elles étaient toutes les deux chez elle. Je n'ai pas eu trop de mal à les convaincre de me suivre... Dès qu'elles m'ont vu, elles ont été comme hypnotisées par ma beauté, se vante-t-il.
Karlie n'est pas là ce soir et Alec n'a pas ouvert la bouche plus de trois fois depuis l'arrivée des filles.
— Tu m'en diras tant, grommelle ce dernier.
Il refuse de faire confiance à Wren mais pour ma part, je le trouve on ne peut plus normal. Je me suis peut-être trop fiée aux préjugés... OK, il adore se vanter et il est particulièrement arrogant mais je ne dirais pas qu'il est véritablement méchant.
Du moins, c'est ce que je pensais avant qu'Alec ne fasse tomber son verre, m'arrachant un sursaut. Toutes les têtes se tournent vers lui et mes yeux s'écarquillent devant son air pétrifié.
— Wren, pourquoi Alexia a-t-elle une marque de morsure dans le cou ?
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