Chapitre 6

Carl est déjà bourré. Son look d'intello surdoué avec ses lunettes plaît bien à Ivy. Cela change du gros dur et stupide qui me sert de frère. Je crois qu'elle sera bien mieux avec Carl. Son bras est enlacé autour des épaules d'Ivy, soit pour la réchauffer ou pour prendre appui sur elle. Je dois dire que ses phrases ne sont plus très cohérentes et sa langue a du mal à suivre ses idées. Il est assez comique à voir sous l'effet de l'alcool. Le plus important, c'est que ma meilleure amie semble heureuse en ce moment et rit à toutes ses blagues. Kelyne revient d'aller me chercher un verre de bière en fût dans le baril prévu à cet effet. Tout le monde a des verres en plastique rouge et nombre d'entre eux se retrouveront partout au sol. Un feu est allumé et, un peu plus loin, quelques-uns se balancent sur une corde à Tarzan en se laissant tomber dans la rivière. Ç'a l'air assez marrant, quoiqu'avec quelques bières en trop, je ne suis pas certaine que ça fasse un bon mélange avec la baignade. J'en suis à mon troisième verre et Kelyne me donne mon quatrième.

— Merci.

— Pas de quoi, dit-elle entre deux gorgées.

Elle peut mieux supporter l'alcool qu'Ivy et moi puisqu'elle en boit parfois lors de partys alors que nous, c'est que la deuxième fois qu'on a l'occasion de boire. Certaines voitures sont garées directement sur le secteur. Un groupe de terminale a profité de la fête pour venir festoyer avec nous. Ils ont reculé leur pick-up près de la rivière et positionné des chaises de camping dans leur camion pour s'asseoir là. D'autres ont déjà installé leur tente pour la nuit.

— Hayley ! siffle Adrian en posant son bras autour de mon cou pour me faire chanceler.

— Merde ! Lâche-moi !

Il est déjà bourré. Trop. Ses potes de l'équipe de crosse rigolent près de lui et mon frère tente de me faire danser sous la musique qu'émet le stéréo d'une voiture.

— Arrête ! tenté-je de le repousser.

Son dos heurte la voiture et il continue de rigoler. Je ne souhaite à personne d'avoir un frère aussi barge que le mien !

— Je crois que tu as trop bu, tonné-je en lui enlevant son verre des mains.

— Hé ! Ne touche pas à ça, toi !

Il tente de le reprendre alors que je le pousse une seconde fois. Il se met à tituber à reculons et tombe sur l'un de ses acolytes.

— C'est ce que j'essaie de te dire. T'es trop soûl !

Je balance son verre un peu plus loin et en me retournant, Kelyne a déjà disparu dans les bras de Damien. Je fais la moue quelques secondes avant d'aller remplir ma bière qui s'est vidée par la faute de mon frère. Il ne met pas une minute pour se faire entourer de filles, non... plutôt des admiratrices d'« Adrian Wheeler ». Je fais le tour du terrain en regardant les gens déconner, boire et rigoler entre eux. Max, un parfait imbécile qui ne m'a jamais parlé, vient vers moi.

— Hayley, comment vas-tu ? Tu t'amuses ?

— J'essaie.

— Où est Ivy ?

— Avec Carl. Ils sont beaux ensemble. Je vais leur laisser leur moment.

— Tu veux que je te tienne compagnie alors ? Et où est ton petit copain ?

J'évite sa question et Max me tend son coude pour que je m'accroche à lui et le suive. Max Duncan qui me parle ! On aura tout vu ! Nous marchons et rapidement, je termine mon verre. Je me sens triste. Comme je sais que je ne reverrai pas Riley avant deux semaines, je commence à sentir que je vais vraiment m'ennuyer de lui. J'aurais aimé le voir ici ce soir. J'aurais aimé l'embrasser, mais les choses ne se passent pas toujours comme on le voudrait. Max arrive vers son véhicule, une Chevrolet verte stationnée entre les arbres, où les roues semblent s'être enfoncées dans la boue. Max met les clefs dans le contact et enfonce le CD de Kongos. S'appuyant contre le véhicule, il m'agrippe par le bras et, contre toute attente, m'enlace !

— Hé ! Oh ! J'ai un copain, tu te souviens ? dis-je en reculant.

Il rattrape mes poignets et entoure sa taille de mes bras.

— Max... grogné-je. Arrête.

— Juste un baiser, et je te laisse partir, dit-il en relevant mon menton pour que ses lèvres touchent les miennes. Beurk !

Je tourne mon visage et son baiser s'échoue sur le coin de ma bouche. Rebeurk ! Son odeur empeste la tequila et je ne sais quoi d'autre. Comme nous sommes un peu éloignés du reste du troupeau, je tente d'élever le ton pour qu'il prenne peur et décide de me laisser partir.

— C'est bon ! T'as eu ton baiser, laisse-moi maintenant !

Je recule, mais il tire sur mon chemisier et je m'écroule au sol. La manche de ma blouse s'est déchirée dans la couture du bras et une marée de jurons sort de ma bouche. Mais en une nanoseconde, Max se jette sur moi ! Il m'enfourche avec ses jambes et serre mes hanches et mes cuisses ! Instinctivement, je me mets à le frapper au visage et au torse, mais sans succès. Il agrippe mes cheveux qui me font grimacer de douleur et je cesse de le frapper aussitôt.

— Max ! Qu'est-ce qui te prend ? Tu me fais mal !

— Je ne t'ai pas fait mal, tu es tombée, allez, juste un baiser, murmure-t-il, ses lèvres contre mon oreille.

Je sais que Max Duncan est un abruti et qu'il fornique avec tout ce qui bouge, mais de là à réagir ainsi, c'est à n'y rien comprendre !

— Riley n'est pas là, alors s'il te plaît, un baiser, soupire-t-il sur mon visage.

Je tente de me déprendre avec mes jambes, mais il serre beaucoup trop fort, assez pour que je sente mes genoux s'enfoncer l'un dans l'autre.

Soudain, une corde vient se nouer autour du cou de Max, le décollant de sur moi aussi rapidement que la foudre. Il est projeté au sol, et la corde autour de son cou tire son corps loin de moi. Il se débat avec ses jambes dans la terre et ses mains cherchent à défaire l'étau pour respirer. L'individu relâche la corde et se penche devant lui. Un solide coup de poing vient frapper la mâchoire de Max et sa tête s'écroule. L'individu laisse tomber la corde au sol et d'un pas rapide, tente de se faufiler entre les arbres pour se sauver. Sous le choc, je bats des paupières rapidement, cherchant à ne rien manquer. Je me relève d'un bond et suis l'individu.

— Hé !

Je retente, cette fois, beaucoup plus fort.

— Hé !!!

L'homme porte un blouson de cuir noir et curieusement, je reconnais cette posture unique, la forme de ses épaules et son cou.

— Hé toi ! Attends !

L'homme continue de disparaître entre les arbres, et plus il s'enfonce, plus j'ai peur de me perdre.

— C'est quoi ton nom ? crié-je dans l'obscurité. Laisse-moi au moins te remercier !

J'en déduis aussitôt que c'est Isaac. Et s'il me surveillait encore ? Un nœud se forme dans mon ventre et la peur s'engouffre en moi une nouvelle fois. Pourquoi aurais-je peur s'il m'a aidée ? Ma raison refait surface, venant gronder ma mauvaise conscience. Hayley ! Et si tout était prévu ? Tu vois, il cherche à t'enfoncer dans les bois. Pourquoi penses-tu ?

Isaac a disparu. Je me mets à trembler et j'arrête complètement de marcher. Impossible, je n'irai pas plus loin ! En me retournant pour faire demi-tour, je fonce sur quelqu'un ! Face contre son torse, je lève les yeux pour le voir...

C'est Isaac...

Je sens mon cœur faire un saut périlleux avant de détecter mon pouls qui s'accélère. Je sens littéralement mes jambes qui cherchent à flancher. Sa proximité c'est... indescriptible... il me fait peur, terriblement peur, mais il me plaît, oui... oh oui, il est... il est...

Je sursaute au moment où il avance d'un pas, et brusquement, je recule de deux. Il avance encore et je recule en fixant ses yeux cachés dans l'obscurité. Je ne peux pas savoir quelle expression arbore son visage. Mon dos se plaque contre un arbre et Isaac se pose à quelques pouces de mon visage. J'ai une idée floue d'à quoi peut ressembler mon visage en ce moment : crispé et effrayé. Je sens même cette veine qui gonfle sur mon front quand je me retiens de respirer. J'échappe un gémissement terrorisé quand je vois ses doigts s'approcher de mon visage. Il enlève une mèche de cheveux prise entre mes lèvres.

— Merci, dis-je enfin. Merci pour ce que tu as fait.

Le silence plane entre nous. J'avale ma salive avec difficulté et la seule vue que j'ai, c'est celle de son torse qui inspire et expire juste sous mes yeux. Je peux sentir son souffle sur mon visage et la seule chose à laquelle je pense, c'est : que va-t-il faire ? Est-ce que je peux partir ? Si je bouge, va-t-il faire la même chose que Max ? Je n'aime pas ça, je n'aime vraiment pas... et ça se lit sur mon visage, car je sens que des larmes montent et viennent brouiller ma vision.

— Hé... lâche-t-il doucement en cherchant à plonger ses yeux dans les miens. Je ne te ferai aucun mal.

Je ne sais pas pourquoi ces mots ne me soulagent pas, mais ils le devraient pourtant.

— Je peux partir ? bredouillé-je.

Isaac s'écarte pour me laisser passer. Mais je reste butée sur place. Mon cerveau n'arrive pas à commander mon corps. Soit je suis terrorisée, soit je n'ai pas vraiment envie de partir. Mais pourquoi mes pensées balancent toujours des deux côtés envers lui ?

Je regarde la liberté devant moi, et du coin de l'œil, j'observe Isaac. Il examine au loin les gens qui s'amusent et qui n'ont aucune idée de sa présence. Il a une magnifique mâchoire carrée. Je me rappelle que ses cheveux étaient d'un blond magnifique, mais sous les lueurs de la nuit, ils sont d'un brun vénitien et cela rend son visage plus sévère. J'ai déjà dit qu'il était incroyablement attirant ? Il me dépasse d'une tête et demie et j'arrive à voir sa nuque sous son manteau de cuir, où son tatouage déborde discrètement. Isaac se retourne vers moi.

— Fais attention, Hayley, dit-il d'un ton plus brutal qu'il ne l'aurait sans doute voulu.

Il connaît mon nom ? Isaac fait demi-tour et sans réfléchir, j'attrape son bras au tournant.

— Attends ! Je... comment connais-tu mon nom ?

Dans la lueur de la lune, j'arrive à voir qu'il hausse les sourcils et qu'un demi-sourire se dessine sur ses lèvres. Oh mon Dieu ! Pas possible d'être irrésistible comme ça !

— Hayley Wheeler, reprend-il, en affichant ses dents blanches.

— Allez, dis-moi, comment tu connais mon nom ? supplié-je d'une petite voix.

— C'était écrit sur ta feuille d'inventaire sur l'étagère qui était près de toi.

Baissant la tête, je réprime ma stupeur. Il a des yeux de lynx ou quoi ?

— Et vas-tu me dire en quel honneur tu m'as marché dessus ?

— Je n'ai marché sur personne. Je t'ai enjambée.

Gênée par Isaac qui se tient juste devant moi, mes joues se mettent à brûler et je suis contente que la noirceur l'empêche de les voir. Par contre, je me rends compte que je me mordille un peu trop la lèvre.

— Pourquoi ne viens-tu pas prendre un verre ? l'invité-je.

— Je ne peux pas, dit-il sèchement.

— Alors pourquoi es-tu ici ?

— Je reste juste là. C'est chez moi ici, dit-il en me pointant un petit bâtiment qui ressemble à une maison mobile plus loin.

Les étoiles scintillent au-dessus de sa maison.

— Alors, techniquement, on est sur ton territoire ?

Il hoche brièvement la tête.

Un nouveau silence s'installe. Il semble durer une éternité. Pense, Hayley ! Qu'est-ce que je pourrais bien lui demander ? Vite avant de le laisser filer !

— Tu... tu aimerais que j'aille te chercher une bière alors ? On pourrait simplement marcher. Tu n'es pas obligé de te joindre à nous. Moi je peux me joindre à toi.

J'ai l'impression que ma proposition est parfaite, seulement, mon visage qui sourit comme une tarée n'avantage pas ma demande. J'en déduis qu'il est d'accord puisqu'il me laisse passer pour que je retourne à la beuverie.

— Parfait ! Je vais te chercher un verre et je reviens, dis-je.

Quand j'arrive aux barils, je remplis deux nouveaux verres et j'observe rapidement Kelyne qui est dans les bras de Damien dans une couverture. Quant à Ivy, elle rigole avec Carl et ses amis, et mon frère est avec eux. Personne pour me voir filer en douce et personne ne me cherche. Sur le chemin pour rejoindre Isaac, je remarque que Max n'est plus au sol, mais avec un ami plus loin où il appuie un verre de bière sur sa mâchoire. Je ne le vois plus de la même façon. Je sais que Max est du genre gigolo et qu'il aime balader ses mains sur les filles du lycée, mais de là à sauter sur moi, il est allé trop loin. C'est définitif, je ne m'approche plus de lui.

En me rendant où j'ai laissé Isaac, je remarque qu'il n'est plus là. Une bière dans chaque main, je tourne sur moi-même pour voir où il peut être. Je m'arrête de chercher en soupirant ; évidemment, il a filé... La question est pourquoi ? J'observe au loin l'endroit où il reste, et je songe à comment je pourrais bien approcher ce garçon ? C'est certain que je ne vais pas chez lui voir s'il y est. Isaac me plaît, mais je ne suis pas assez débile pour me rendre chez lui.

— Hayley ? surgit la voix d'Ivy dans mon dos.

— Oui !

Je me retourne et lui tends une bière.

— Qu'est-ce que tu fais là ?

— Oh... tu sais... je regardais les étoiles.

— Wow ! C'est vrai qu'elles sont belles ce soir.

— Oui...

Je baisse les yeux et la seule chose qui va hanter mes pensées à présent est le sourire de ce garçon qui fuit, mais qui semble pourtant me suivre.

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