Chapitre 10 ( fin de l'extrait )
J'ai raconté à Riley ce qui s'était passé avec Max à la beuverie et le lendemain quand il est passé à la maison. Il était tellement soulagé de savoir qu'Adrian était arrivé à la maison pour m'aider. La seule partie qu'il n'a pas trop saisie, c'est pourquoi il cherchait Isaac chez moi. J'ai été sauvée par son père qui le harcelait pour venir le rejoindre à la piscine, alors j'ai pu éviter de lui dire pourquoi Max cherchait Isaac, et ce, chez moi. Par contre, j'avoue qu'en ce moment, il doit vraiment avoir hâte de me reparler pour mettre ça au clair. C'est fou comment un petit détail oublié peut engendrer toute une cascade de problèmes. Je vais vraiment devoir lui avouer que j'ai vu Isaac plus d'une fois.
En route pour le centre commercial avec Kelyne au volant et Ivy assise à l'arrière, je regarde par la vitre le soleil à son zénith. La chaleur est presque insupportable, mais la brise est agréable. J'attends le bon moment avant d'ouvrir la bouche et de gronder Ivy. Chaque fois que je souhaite aborder le sujet, soit Kelyne lève le son de la musique, parce que c'est son morceau, soit elles entament déjà une discussion. Je décide de me lancer quand elles marquent une pause et je coupe leur sujet bien assez raide :
— Hé Ivy ! C'est hors sujet, mais paraît-il que tu as passé une excellente soirée avec mon frère hier ? Vous vous êtes remis ensemble, alors ?
Un silence plane. Kelyne, derrière le volant, tourne la tête vers moi une fraction de seconde, puis regarde dans le rétro pour jeter un œil furtif à Ivy.
— Il te l'a dit ?
Je hausse les épaules.
— Écoute, ne dis rien à Carl. Adrian m'a invitée à manger une glace et voir un film.
— Ivy, franchement, jamais je n'irais dire quoi que ce soit à Carl. Tu fais ce que tu veux, là n'est pas la question. Je sais que tu ne refuserais jamais une demande d'Adrian. Ma question voulait plutôt en venir au fait que tu ne m'as pas dit que tu avais tout déballé à Riley quand il a appelé mon frère.
Je me rends compte que j'avais presque oublié la présence de Kelyne. Elle n'en sait pas autant qu'Ivy sur l'attirance que j'ai pour Isaac. Mais rendu là... encore quelques jours et tout le monde le saura.
— J'ai rien dit, Hayley. Je te jure. Riley paniquait quand il parlait à Adrian. Je l'entendais crier au téléphone. J'ai rien dit de ce que tu m'as dit. Adrian et moi avons juste avoué qu'on t'avait entrevue avec Isaac à la beuverie. Il nous a demandé de te garder à l'œil parce qu'il craignait pour toi.
— Qu'est-ce que tu lui as dit qu'elle n'a pas révélé, demande Kelyne, maintenant curieuse.
— Rien.
Je lui réponds cela si brusquement qu'elle en déduit tout le contraire.
— Enfin... je t'expliquerai. Mais pas maintenant. Toute cette histoire pour un rien du tout, ça me fatigue, sérieusement.
Kelyne hoche la tête et gare la voiture dans le stationnement du centre commercial. J'aurais l'air de quoi d'avouer qu'Isaac m'attire, mais que je m'en vais faire les boutiques pour acheter un présent à Riley ?
On tourne en boucle plusieurs fois, en partie parce qu'Ivy a vu une robe et à chaque fois qu'elle passe devant la vitrine, elle nous fait signe qu'elle ne l'achètera pas, mais quand on s'en éloigne, elle regrette ses paroles. Kelyne a trouvé un ensemble avec un chapeau de cowboy pour le festival West Coverie que la mère de Riley prépare à leur ranch. La nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre, et étrangement, j'ai été la dernière invitée. Ce n'est pas trop mon truc ces festivals, mais comme chaque année, je vais faire l'effort de sourire et de m'amuser. Je repense constamment à ce que Riley m'a dit à propos d'Isaac ; son enfance, ce qu'il aurait fait. C'est étrange puisque contrairement à toute cette ville, j'ai le sentiment de le comprendre. Son regard dans le mien, je décelais plutôt de la tendresse... OK, oui, il est arrogant et oui, il semble voyou. Pourtant au fond, j'ai l'impression que c'est soit une façade, ou encore qu'il n'a rien appris d'autre. Comment peut-on en vouloir à un enfant qui a grandi ainsi ? Si personne ne cherche à lui offrir de l'amitié ou un peu de socialisation, comment peut-on s'attendre à ce qu'il agisse de bon cœur ? Quoi qu'il fasse, il est déjà étiqueté « mauvais, à éviter ». Les gens sont parfois méchants sans savoir ce qui se passe réellement. Les gens adorent suivre ce que les autres racontent. Je me surprends à m'intéresser beaucoup trop à lui.
— Hayley... Hayley ?
Une main brandie devant mon visage s'agite et je recule.
— Ouf ! Elle est parmi nous ! s'exclame Ivy.
— Désolée, dis-je.
— Tu étais loin, ma belle. À quoi pensais-tu ?
— Rien...
Ivy plisse les paupières et me lance un regard interrogatif. Elle lit dans mes yeux qu'il vaut mieux ne rien ajouter.
— Bon, fait Kelyne en tapant des mains. À quoi penses-tu alors pour le cadeau de ton prince charmant ?
— Je ne sais pas trop. On donne quoi habituellement à une personne qui est diplômée ?
— Humm... laisse-moi deviner. Un strip-tease !
Je donne une tape sur son épaule, et Kelyne rigole. Je rougis et ris avec elle et quand je croise le regard d'Ivy, je rembobine toute émotion.
— Quoi ?
Elle semble jubiler intérieurement. Sa bouche est entrouverte et elle fixe le vide.
— Sérieux, ça serait trop top ! dit-elle. Achète-toi un truc sexy !
Je fronce les sourcils.
— Bah quoi ? Vous ne l'avez jamais fait, il serait temps non ?
En fait, elle n'a pas tort. Riley m'a promis que ma première fois se passerait à son retour. Il est vrai que mes vêtements font un peu pitié et à part me présenter en pyjama pour notre première fois, je ne vois pas ce que j'ai d'autre.
— Tu as raison.
Je me pince les lèvres et le rouge me monte aux joues quand mes deux amies se plaquent l'épaule l'une contre l'autre pour se planter devant moi.
— Je rêve !
Toutes deux s'exclament :
— Tu vas le faire alors ?
— C'était déjà prévu. À son retour de Toronto.
Kelyne plaque une main sur sa bouche pour se retenir de crier de joie, et Ivy me saute à la gorge en sautillant comme une gamine qui apprend qu'elle ira à Disneyland.
— Oh ! Putain ! Et tu ne nous as rien dit ! grogne Ivy.
— Riley aime me faire attendre, alors je ne croyais pas vraiment qu'il serait sérieux en revenant. Mais si j'ai un truc sexy à me mettre, peut-être qu'il succombera.
— Il était temps ! Alléluia ! jubile Kelyne.
Elle, pour qui le sexe n'a plus de secrets depuis un bon moment déjà, avait hâte qu'une autre d'entre nous se joigne au club des femmes.
— Alors ? On l'achète ce truc sexy ?
En disant cela, je pivote sur mes pieds et me dirige vers une boutique de lingerie. J'ai juste envie que cette journée prenne fin, car je sens que ces filles ne vont plus me lâcher. Et quand Riley sera de retour, elles vont m'appeler sans arrêt pour avoir tous les détails. Surtout sur... enfin... son membre. Je ne l'ai jamais vu nu et il ne m'a jamais vue nue. Alors tout pour moi sera une première. J'ai toujours été pudique, et même mes pensées me font rougir.
Une fois la soirée arrivée, Kelyne me dépose chez moi. Nous sommes allées manger sur une terrasse où l'on a pu bavarder. Finalement, être avec elles me fait du bien. C'est dans ces moments-là que je regarde Ivy et me rends compte à quel point elle est importante dans ma vie. Elle a été là pour mon deuil, et pour chaque moment de peine ou de bonheur. Kelyne complète bien notre cercle depuis son arrivée à Princeton. Elle ajoute du piquant, de la nouveauté et on se décoince de plus en plus. Elle nous apprend à profiter de la vie et à devenir des femmes fières et confiantes.
Je souhaite monter à l'étage, mais Cate m'arrête net en me barrant le passage des marches.
— Humm, quelque chose me dit que tu veux me gronder.
Elle fronce les sourcils pour se donner un air mauvais, mais c'est raté, elle rit.
— Jeune fille, tu es rentrée un peu tard.
— Désolée.
— As-tu trouvé un cadeau ?
Je rougis de plus belle.
— Il se pourrait bien que oui.
— C'est ça ?
Elle pointe le sac que je tiens dans ma main et cherche à me l'enlever. Mes réflexes me sauvent la mise et je pivote brusquement.
— Non ! Pas question ! C'est... personnel.
— Oh...
Elle se pince les lèvres et me contourne pour aller au séjour.
— Alors, je ne veux pas savoir ! dit-elle en levant une main pour clore la discussion.
Mais avant même que je pose un pied sur la première marche, Cate fait demi-tour et fonce vers moi. Ses poings sont sur ses hanches et elle plisse le front. Là, elle est sérieuse.
— Juste une chose. Quoi que je fasse, tu vas finir un jour par le faire avec lui. Alors, dis-moi que tu te protégeras.
— Oh ! Heu... oui.
Elle lève les mains dans les airs.
— OK ! C'est bon !
Elle retourne au séjour, et brusquement, elle revient à nouveau vers moi.
— Mais quand même ! Tu te protèges si cela vient à arriver ! Et si tu veux en parler...
— Ça va !
Cette fois, c'est moi qui quitte en grimpant les marches et en lui faisant signe de s'arrêter là pour ce soir.
Je balance mon sac sur mon lit et allume la petite télévision. Je retire mes Converse et me laisse tomber sur le lit. Je contemple mon plafond blanc et laisse mes pensées s'engouffrer en moi comme chaque soir. Tous les soirs, j'observe mon plafond et je songe à tout ce que j'aurais aimé dire à ma mère, tout ce que j'aurais aimé faire avec mon père. Ça me bloque dans la vie. Il y a tant de choses que j'aimerais pouvoir faire, mais je me refuse de les vivre si mes parents ne sont pas là, avec moi.
Un bruit retentit derrière la porte vitrée qui mène au balcon de ma chambre. Je sais qu'on annonçait du mauvais temps pour ce soir, alors je pense d'abord que ce sont les branches de l'arbre qui cognent contre la vitre, mais le bruit ressemble étrangement à des cailloux. Je me lève subitement et ouvre la porte. Une pluie fine tombe délicatement alors qu'un vent s'élève. Je regarde tout en bas, vers les rosiers et j'aperçois une silhouette noire. Je plisse les paupières et mon cœur me souffle que ça ne peut être qu'une seule personne à une heure pareille. Mais ma raison me dicte qu'il ne sait pas où je reste et qu'il serait ridicule de venir me voir. Je risque le tout pour le tout, quitte à avoir l'air ridicule et bafouille un nom :
— Isaac ?
— Laisse-moi monter !
Ai-je bien entendu ? Non. J'hallucine. Peut-être que les tacos étaient trop épicés, mais il est impossible qu'Isaac soit là. Je recule de quelques pas et referme la porte. Je glisse le rideau devant les carreaux de la vitre, sans aucune raison, puisqu'il ne peut pas me voir. Une chaleur me monte au visage et je sens mon cœur se mettre à pomper plus rapidement et douloureusement. Il cogne littéralement dans ma poitrine et mes mains se mettent à trembler. Putain ! Il est vraiment ici ! Je regarde ma chambre rapidement. Je catapulte un boxer dans mon walk-in et je fourre mon journal intime sous mon lit. J'analyse rapidement si je n'oublie pas quelque chose sur mes bureaux et peu importe, je ramasse tout d'une main et engloutis le tout dans un de mes tiroirs. Je tremble, littéralement. Il ne va tout de même pas monter ? Si, il le fera, contredit ma conscience. Dois-je appeler Cate ? Adrian ? Je fais quoi, moi ? Il cogne à ma porte de balcon et je sursaute en poussant un cri. Mon cœur bat si fort que s'il continue, il deviendra visible sur ma poitrine. Je ne sais pas pourquoi je me soucie de mon physique, mais je me regarde dans la glace et machinalement, je replace mon soutien-gorge et mon linge. J'avance de deux pas, décidée à lui ouvrir, mais je recule aussitôt pour me regarder une seconde fois dans le miroir. Je retire mon élastique et laisse tomber mes cheveux sur mes épaules. J'y passe ma main pour leur donner un air décontracté, mais ils ont plus l'air ébouriffés et effrayants. Il cogne une seconde fois, et je sursaute une seconde fois.
J'accours à la porte. C'est étrange, je ne contrôle plus mes membres ; ils semblent faire ce qui leur plaît et j'ai l'impression de perdre autorité sur mon mental aussi. Ma raison se cache tout au fond de moi et se contente d'observer ce qui se déroule devant mes yeux.
J'ouvre la porte...
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