BONUS : Chance Liquide

Décembre 1994

Comme la plupart des adolescents de seize ans Fred bavait sur une fille. Mais contrairement à la plupart des adolescents de seize ans, il ne se languissait pas d'elle durant des mois, la guettant comme un phare au loin sans oser s'approcher. 

Il avait été très direct : un matin, il s'était levé, avait enfilé son uniforme à peine plus sagement que d'habitude, s'était rendu dans la salle commune des Gryffondor et lui avait demandé de l'accompagner au bal de Noël - la semaine suivante. Elle avait accepté. Depuis iels se parlaient peu - occupé∙es par leurs popularité respective - mais trouvaient toujours un moment pour échanger une blague ou un clin d'oeil au cours d'une journée. 

Lee prit sur lui pour ne pas les trouver pathétiques. Il n'avait jamais contesté l'attitude de son meilleur ami et il n'avait aucune intention de commencer aujourd'hui. Non pas qu'ils soient toujours d'accord, seulement, leurs disputes ne concernaient jamais les choses importantes. Lee n'avait pas envie de causer un premier drame s'il reprochait ses amours à Fred. Ce n'était pas ses affaires, après tout. 

Angelina, cependant, ne partageait pas cette façon de voir les choses. Les amours des autres, disait-elle, étaient les affaires de tout le monde.

Elle arriva à la table du petit-déjeuner, le dix-huit décembre, et s'affala sur l'un des bancs de bois de la Grande Salle en déclarant :

« Faut qu'on te trouve une personne avec qui aller au bal, mec. 

Illustrant son propos, elle envoyât un baiser imaginaire à Fred qui se tenait en face d'elle et qui plaça aussitôt ses deux mains sur son coeur, mimant un sort transperçant son torse.

- J'adore que tu pré-suppose que j'ai personne. 

- Tu ne m'as parlé de personne. 

Comme s'il lui disait tout ! Fred se pencha vers George à ce moment là. Lui et Angelina étaient visiblement décidé∙es à jouer les Cupidon. 

- Toi non plus, tu ne m'as parlé de personne, glissa Fred à son frère. En même temps, vu ta gueule...

- On a la même gueule, connard. »

De l'extérieur, c'est ce qu'on disait, oui. Cependant en les côtoyant quotidiennement, il était plus rare qu'on ne les confondent. Ils n'avaient pas parfaitement les mêmes traits, pas exactement le même comportement, ni tout à fait le même ton dans la voix. Lee ne se trompait jamais, par exemple, et Angelina non plus tant elle devait avoir observé Fred.

Ce dernier s'amusa du comportement de son frère. Il attendit une réponse plus construite. Rien ne vint. George avala un morceau de son repas. Il sentit d'avance que c'était une de ses conversations qui n'allait pas lui plaire. C'était bête, car Fred était l'une de ces personnes préférées et qu'il était rare qu'il ne se sente gêné face à lui... pourtant il sentit que ce n'était pas loin d'arriver. 

« Allez, quoi ! Tu ne m'as jamais parler d'une seule personne qui te plaisait. On est frères quand même, j'ai le droit de savoir ! 

- Le fait que tu soit mon frère est justement la raison pour laquelle tu n'as pas à savoir

George n'avait pas assez dormit, il regretta de ne pas avoir séché le cours de potion pour faire la grasse-mâtiné. Il n'avait aucune envie de répondre aux nouveaux délires de son frère et de la copine de celui-ci dès huit heures du matin. 

- Lee ? questionna alors Fred, se tournant vers leurs celui-ci. Lee maudit intérieurement son ami et son envie de potin. Il aurait préféré se concentrer sur la conversation de Katie et Alicia, à sa gauche, concernant le prochain match de Quidditch. 

- Mm ? 

- George à une personne en vue ? 

- Pas à moi de te le dire, mec. répondit Lee en haussant les épaules, qui ne donnerait de toute façon par la réponse s'il l'avait. 

- Vous êtes pas drôle, sérieux ! Les gars ! On essaye juste de faire en sorte vous ne vous retrouviez pas seuls au bal de Noël !

- Je serai toujours moins seul que Rusard et que toi, quand Angelina t'aura posé un niffleur. s'agaça George.

- Tu rigoles ? Personne ne me posera de niffleur, je suis le gars que tout le monde s'arrache : drôle, intelligent, beau...

- Et tellement modeste ! ironisa Lee.

- "Intelligent", ça reste à prouver.

- Oh, la ferme. T'es juste jaloux. »

Angélina et Fred eurent la tête ailleurs un moment, discutant d'autre chose, picorant dans leurs assiettes. Iels allaient bien ensemble, aucun doute qu'iels seraient inséparables et mais surtout épuisant∙es. 

« Je vais au bal avec Lee. déclara George.

- Hein ? » sursauta le concerné. Il comprit que c'était une proposition indirecte en croisant le regard de George, qui s'attendait à une réponse. « Ha oui, c'est vrai. »

Les deux autres haussèrent les sourcils, se regardant puis regardant leurs frères et amis tour à tour.

« Je ne serai pas seul. » conclu Lee à destination de la jeune fille. 

.

Le grand jour, Fred apparut stressé. George ne se priva pas pour le taquiner toute la journée à ce sujet, amusé de voir comment ça fonctionnait bien. 

« Il y a un trou dans ta veste, non ? 

- HEIN ? Arrête de me faire ça ! C'est pas drôle !

- Ça pourra jamais être pire que la serpillère de Ron. »

À croire que leurs parents avaient fait passer tout le budget dans la robe de Ginny. Eux, ne s'en sortait pas trop mal, car ils avaient acheté eux-mêmes leurs tenues de soirée - à vrai dire, ils les avaient empruntées et devaient les rendre le lendemain... mais un sort pour recoller l'étiquette et c'était du ni vu, ni connu ! Ils auraient volontiers filé la combine à Ron, mais ils seraient passés à coté d'un trop grand bonheur sadique. 

Bonheur qui se confirma quand il découvrirent leurs petit frère et sa robe de bal au bras d'une Padma Patil peu alaise. 

« Preuve qu'il faut pas forcer les gens à avoir un∙e cavalier∙e. Souligna George en désignant le duo d'un coup de tête. Ils vont tout les deux passer une soirée mortelle par pression sociale. 

- En même temps si Ron avait été moins con il aurait emprunté un costume et invité Hermione.  

- Ou il aurait appris à connaitre Padma et aurait passé une bonne soirée avec elle.

- Mais Ron est con, pauvre Padma.

- Il est très con. 

- C'est le niffleur qui se fout du boursouflet. » plaisanta une voix derrière eux, qui s'avéra appartenir à Angelina. 

Les jumeaux se retournèrent. 

- Tu es magnifique. déclara Fred en tendant le bras à sa cavalière. 

Elle le saisit, ravie, mais contra :

- Je suis toujours magnifique. » 

Un instant plus tard, George vit Lee descendre l'escalier pour le rejoindre, les mains dans les poches. Il le trouva magnifique aussi, mais ne le lui dit pas. 

« Salut !

- Salut. 

- Vous avez prévu de ruiner la soirée de quelqu'un∙e ? 

Le roux secoua la tête, faussement peiné. 

- Fred a refusé la chance liquide dans les verres. 

- Tant mieux, j'étais pas fan de verser des trucs dans les verres des gens. Mais ça aurait été marrant à regarder. »

La porte en bois de la Grande Salle s'ouvrit. On y découvrit un décor blanc et scintillant comme neige. Très propice à la fête de Noël. Un gigantesque sapin décoré trônait dans un coin, une piste de danse avait été dégagée entourée de tables rondes nappées de blanc.

.

La première heure de la soirée avait vite défilée, la musique sage des traditions ne tarderait pas à être remplacée par une musique plus moderne. 

« Avec de la chance liquide, iel serait allé∙e danser. 

Lee désignait du menton une personne en robe couleur sapin qui agitait ses pieds au rythme de la musique mais restait figé∙e sur sa chaise, seul∙e, sans avoir le courage de rejoindre les autres. 

Ça faisait un moment que George et lui avaient arrêté de trainer sur la piste pour se mettre à l'écart et jouer à ce jeux.

- Elle, elle se serait habillée autrement. analysa George en réponse tout en pointant du doigt une  fillette très mal alaise dans sa robe trop serrée. 

- Sa mère lui a refilé la robe qu'elle portait à son âge, mais elle ne rentre pas dedans et elle la trouve vieillotte. Elle ne sait pas dire non. Elle ose pas se plaindre, du coup elle subit. Elle aurait put passer une merveilleuse soirée. C'est fou, les occasions que l'on perd. 

- Tu la connais ?

- Non, j'invente ! » rit Lee. 

Leurs regards rencontrent Angelina, qui fait tourner sa robe, et Fred qui ne lâche pas sa copine des yeux. Ils étincellent tout les deux, leurs alchimie fait croire qu'ils savaient danser, en réalité leurs corps savent simplement s'accorder. 

« Tu aurai aimé y aller avec quelqu'un∙e d'autre ? demande George, plus sombre. Conscient qu'il a peut-être privé son meilleur ami d'une soirée importante. 

- Oh, s'il te plait. On sait tout les deux pourquoi c'est à moi que t'as proposé et pourquoi j'ai accepté. Il y a que toi qui m'intéresse, je m'en cache pas. Mais ce serait cool que t'assumes et que tu joue pas avec moi. M'utiliser, c'est pas cool, mec.  »

Un courant d'air froid balaye le coeur de George. Celle-là, il reconnait qu'il l'a méritée. 

Ils ne parlent plus de ça, mais ils n'ont pas oublié : la fête qui célébrait un événement quelconque, en cinquième année, où ils s'étaient embrassés pendant un de ces jeux débiles. Faute à l'alcool et filtres d'amour, disait-on. Lee avait essayé de se rapprocher d'avantage de son ami par la suite. George avait refusé, pas parce qu'il était insensible à son charme, mais parce "qu'avec Fred ce serait bizarre" et qu'il n'avait pas envie de "gâcher leurs amitié." 

« On a enfermé un prof dans un placard toute une nuit, faillit tuer Miss Teigne, trainé dans la forêt interdite ensemble, volé des centaines de trucs à Rogue et on a partagé des années de retenue au total. Notre amitié peut survivre à ça, George. Et puis regarde Fred ! Il vas être avec Angelina plus souvent maintenant. Les choses changent. Et dans la vie faux accepter le changement et profiter un maximum. Carpe Diem !

- Hein ?

- Rhoo, laisse tomber. »

Il y eu un silence inconfortable durant lequel George chercha un moyen de se rattraper. 

Pourquoi est-ce que, d'un seul coup, il manquait de courage de cette façon ? C'était un Gryffondor ! Et il ne se soucia pas des conséquences de ses actes. Vivre chaque jours comme le dernier c'était ce qu'il avait toujours fait et ce qu'il continuerait à faire... mais cette fois cela concernait Fred et Lee, deux personnes qu'il aimait énormément. Et dont il avait la désagréable impression de devoir choisir entre les deux.

« Tu ferais quoi, toi, avec de la chance liquide ? dit-il, moins sûr de lui qu'à l'habituel. 

- Pas besoin de chance liquide pour accomplir ce que je veux. Tu ferais quoi, toi ? 

George marqua un temps de réflexion. 

- Je suppose que je te dirai que je suis désolé, que je m'en fou de gâcher notre amitié et que je te demanderai de sortir avec moi sans me soucier de ce qui se passera après. 

- Très bon choix. » sourit Lee.

Il y eu un nouveau temps calme, bien moins stressant que le précédent. Ils se regardèrent les yeux dans les yeux, sans se détourner, sans que la joie ne quitte le coin de leurs lèvres. 

Ils se seraient presque embrassés, si Fred n'avait pas choisit ce moment là pour s'assoir avec eux et prendre une pose. Leurs frustration fut peu discrète. 

« Oups, j'interromps un truc on dirait. 

- Oui, c'est le cas ! » s'exaspéra George. 

Fred ignora royalement son jumeaux et passa ces bras autour des épaules de Lee - qui leva les yeux au ciel - comme pour le mettre dans une confidence :

« Je vois très bien ce qui ce passe ici, du coup je te demande de prendre soin de mon petit frère...

- Le plus grand, c'est celui qui sort en dernier ! 

- ... de ne pas faire de connerie, d'être indulgent avec lui, parce qu'il est très bête, mais il a de rares qualités. Par exemple il cuisine très bien, qui l'aurait cru ! Il a fait ce bonbon, d'ailleurs. Prends le, c'est pleins de vitamine. 

Fred tandis le bonbon en question à Lee, qui le prit en fronçant les sourcils, le mangea sous la pression et fut soulagé de ne rien ressentir de spécial (il lui était déjà arrivé de servir de cobaye aux jumeaux et de jeter des paillettes à la place de ses sorts pendant une semaine).

- Eu... merci. » En disant ça, des bulles de savon transparentes s'échappèrent de sa bouche. « Oh, trop cool !

Il souffla dans la direction de Fred et lui fit exploser des bulles de savon au visage.

- Hé !

- Ça part à l'eau, chuchota George à Lee, il suffit d'aller te rincer la bouche. 

Ils se levèrent pour gagner le couloir, moins fréquenté et moins bruyant, à quelque mètres d'une fontaine.

- Je fais des bulles en parlant ! Ce serait dommage de ne pas en profiter !

- Tu comptes faire quoi de cet incroyable pouvoir ? » taquina le roux. 

Lee se pencha vers son ami, et posa ses lèvres sur les siennes, accomplissant son action interrompue plus tôt. George se laissa emporter. Ça avait déjà été fort, l'année précédente et toutes les autres fois où il s'était retrouvé dans une situation similaire avec Lee. Cette fois-ci ne faisait pas exception à la règle. Sans surprise, le baiser avait un gout de bulle. Ils sourirent en se séparant. 

« Faut absolument que je raconte ça à Fred ! s'écria George, rejoins moi dans la salle de bal ! »

Lee s'en amusa et regarda l'autre s'éloigner, et entrer de nouveau dans la Grande Salle, plus léger que lorsqu'il en était sortit. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top