4 : vacances
Il avait naïvement cru que la sensation suffocante de solitude s'arrêterait devant les portes du manoir familial.
Dobby, l'elfe de maison, était allé le chercher à la gare et l'avait ramené chez lui en transplannage assisté tout en portant la lourde malle, trois fois plus grosse que lui. Drago n'avait pas songé un seul instant à l'aider, ni même à saluer l'elfe. Il l'avait seulement suivi en silence.
Le manoir n'avait pas changé -pourquoi aurait-il plus changé en un mois de cours qu'en onze ans ?- mais pourtant les sentiments qui envahirent Drago lorsqu'il posa les pieds dans la cour pavée, devant le portail de fer noir, étaient tout à fait différents de toutes les autres fois où il avait effectué ce même mouvement. Ce jour là, il eut l'impression de se trouver dans un endroit étranger. L'impression qu'il n'avait pas le droit d'être là.
Ce fut Dobby qui le sortit d'une petite paralysie durant laquelle il s'était figé en faisant grincer le portail.
Le garçon traversa la cour, attendit que l'elfe lui ouvre la porte et se rendit naturellement au salon où il savait qu'il trouverait ses deux parents.
Le salon, comme tout le reste de la maison, était un endroit luxueux mais assez sombre à cause de la fâcheuse habitude qu'avaient Narcissa et Lucius Malfoy à faire fermer les volets même en plein jour -probablement la vieille trace d'un héritage vampirique-.
Narcissa, les cheveux bruns mais deux mèches blondes nouées en demie-queue, assise sur un fauteuil de cuir et ses longues jambes croisées sous sa robe verte, lisait avec attention un livre dont Drago ne put voir le titre. Il supposa qu'il s'agissait de l'un de ses livres de poésie sorcière que lisaient les femmes. Il trouvait les femmes ridicules quand elles lisaient ce genre de choses futiles. En fait, il trouvait les femmes ridicules tout le temps, mais quand il s'agissait d'un ouvrage que lisait sa mère, le ridicule était aussitôt tué par du respect. Sa mère était une femme intelligente, contrairement aux autres. Elle leva la tête vers lui et lui fit un sourire -un sourire sans les yeux- puis un "bonjour".
Le message était passé. La tâche de la leçon de morale reviendrait au Père.
Ce dernier, justement, leva la tête mais ne se pressa pas pour autant de rédiger plus vite le parchemin qui était posé face à lui, sur le bureau de bois vernis. Il écrivait à la lueur d'une bougie, volets clos, le visage fermé et une longue plume noire et verte dansant entre ses phalanges.
Il posa la plume dans un endroit prévu à cet effet. Se leva avec lenteur. Drago recula de quelques pas sans s'en rendre compte et il entendit la démarche caractéristique de Dobby qui s'évadait dans l'escalier.
« Drago.
- Père.»
Il avait oublié, depuis le temps.
Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas été considéré comme un enfant problématique. Il n'avait plus fait de bêtises depuis petit, son père ne l'avait donc plus grondé depuis petit.
En général, ce dernier le couvrait même de cadeaux, cédant au moindre de ses caprices. Ils se parlaient rarement, se fâchaient rarement, Drago veillait à ne rien faire qui puisse décevoir son père -il n'en avait pas envie, de toutes façons-... Et cette fois il se sentit revenir à l'époque de son enfance, il se souvint des regards glaciaux que son père était capable de jeter et d'à quel point il détestait quand cet homme qu'il adulait le faisait se sentir comme un moins que rien.
Il était allé à Gryffondor. Il avait finit par oublier ce petit détail. Il était allé à Gryffondor, et donc, il serait désormais à jamais rejeté des siens, les Serpentard. Aussi bien à Poudlard que dans sa propre famille... il avait été si naïf de penser que ses vacances ressembleraient à des vacances.
« Monte dans ta chambre.» ordonna Lucius Malfoy.
Drago s'empressa de monter les escaliers et ferma la porte de sa chambre, s'adossant à elle, les cuisses contre le torse. Même la chambre lui semblait étrangère. Il ne l'avait pas sentie passer, mais il était entré dans une troisième ère : après l'ère de son enfance, puis l'ère de ses belles années de fils adoré, il entrait dans l'ère de l'adolescence où la seule personne qu'il estimait encore le repoussait.
Bien sûr. Bien sûr que son père le repoussait ! Il était allé à Gryffondor ! La maison des sangs-de-bourbe et des traîtres à leurs sangs ! Il se dégoutait lui même à chaque fois qu'il y pensait, alors bien sur qu'il dégoutait également son père. Ainsi que sa mère.
La solitude devint encore plus grande, si c'était possible. Il chercha vainement dans son esprit une personne sur laquelle il pouvait encore s'appuyer et découvrit avec horreur qu'il n'en avait plus aucune. Pas d'ami∙es. Pas vraiment de parents. Par sa faute, il n'avait plus de parents ! Pourquoi était-il allé dans cette prison rouge et or stupide !? Il devait y avoir quelque chose qui clochait chez lui. Quelque chose qu'il avait pas encore cerné. Il avait du mal écouter l'éducation de son père à un moment donné... Mais il n'arrivait pas à savoir quand. Il avait pourtant le souvenir d'avoir toujours pensé comme on lui disait de penser et agit comme on lui disait d'agir.
.
« Il n'agit pas comme elleux, pourtant. réfléchit la voix de Narcissa au travers de la porte. Dans le creux de la serrure, Drago pouvait la voir se mordre les lèvres et froncer les sourcils.
- Pas encore, mais ce n'est qu'une question de temps ! s'écria Lucius que l'adolescent ne voyait pas mais qu'il pouvait imaginer serrer les poings et rougir de colère. Lorsqu'on est jeté∙e dans une potion de mort, on peut bien se débattre, elle finit par nous dévorer ! Il sera bientôt perverti par ces Sang-de-Bourbe. Il ne pourra pas rester seul, sans ami∙es ! Et aucun∙e Serpentard ne viendra vers lui alors il ira vers les autres et ce sera la fin ! Exactement comme avec ton cousin et ce stupide Pott-
- Lucius ! Je ne veux pas entendre parler de Sirius dans ma maison.» coupa sèchement Narcissa.
Drago ne connaissait aucun "Sirius", il supposa qu'il s'agissait de l'une des tâches sombres qui gisaient sur l'arbre généalogique du petit salon, au deuxième étage.
Il reconnu le bruit des chaussures de ses parents claquer contre le carrelage et s'empressa de s'éclipser loin de cette porte pour que personne ne le surprenne en train d'écouter aux portes.
De nouveau dans sa chambre vide pour le dixième jour des vacances, il tourna en rond :
Son père ne croyait pas en lui.
Il le pensait capable de trahir sa famille par pur manque d'amitié ?! Mais qui avait besoin de l'amitié ? S'il devait rester seul pour toujours pour ne pas plonger dans la décadence de la vie des Gryffondor, il le ferait ! Il resterait seul, il était fort, il y arriverait, ça n'avait aucune importance. De toute façon à l'école l'important était de travailler, pas de tisser de stupides amitiés ! On le pensait incapable de rester seul ? Et bien non, il le ferait. Il se le jura. Et son père se trouverait stupide ne n'avoir pas cru en lui, et sa mère aussi.
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