10 : miroir, miroir
Était-il vraiment possible de détester Harry Potter encore plus qu'à l'heure actuelle ? Drago pensait que plus ce garçon existait plus il l'insupportait et pourtant il n'avait jamais autant haï quelqu'un. Cette fois-ci, le garçon à la cicatrice avait trouvé le moyen de faire parler de lui dès la première heure de cours en se rendant à l'école dans un engin moldu volant -car le train devait être un moyen de transport trop peu tape-à-l'oeil pour lui.-
Lui et Weasley n'avaient même pas été renvoyés...
Mais Drago devait s'avouer qu'en réalité il trouverait la vie bien fade s'il n'avait pas quelqu'un à détester. Harry Potter lui manquerait peut-être s'il était renvoyé, en fin de compte. Et puis, si le Directeur l'avait fait, les élèves ou autres professeur∙es se seraient chargé∙es de le faire rester. On ne renvoie pas un sauveur du monde sorcier avec quelques mots, son souvenir reste pour toujours gravé dans les têtes et dans les coeurs.
Drago avait ressentit une curieuse complicité avec Potter pendant une fraction de seconde dans la librairie, certes, mais elle avait été écrasée par tout ce qui avait suivi. Ils l'avaient même tout les deux oubliée, du moins en apparence, car ils se regardaient de nouveau comme avant.
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Peut-être Harry Potter n'était-il pas la personne la plus antipathique du monde ? Réalisa Drago le lendemain, lors du premier cours de Défense contre les Forces du mal. Déjà parce que Granger -elle aussi avide d'attirer l'attention- avait donné une définition parfaite, avec une voix irritante, de ce qu'était un merrow. Mais aussi parce que ce qui ressemblait à un intrus avait débarqué dans la salle.
En effet, fier avec une bonne tête à claque, le professeur Lockhart se pavanait entre les rangées comme en se délectant de son rôle de Maitre de Classe. La veille, quand l'homme s'était présenté à la table des professeur∙es, Drago avait cru à une blague, se disant que -même s'il détestait Dumbledore- le vieux sage n'était tout de même pas inconscient au point de confier l'éducation de ses élèves à un charlatan probablement tout juste capable de faire voler une plume.
Drago se souvint à peine du sujet qu'iels traitèrent tant il était curieusement plus intéressé par la façon stupide qu'avait le professeur de faire chacun de ses gestes.
« Ne faites pas ainsi, jeune homme, si vous ne voulez pas ressembler à un troll ! J'en ai combattu un, un jour, qui avait tant de blessures sur le visage qu'on ne distinguait même plus sa peau !» Il avait parlé d'une voix haut-perchée en passant une main dans ses cheveux courts.
« S'il est pas bouffé par un troll il sera bouffé de ridicule, ce con.» pensa à voix haute Drago, derrière le dos de Lockhart. Il avait cependant dû parler plus fort que prévu car l'intégralité de la classe se tourna vers lui. Les filles majoritairement outrées et les garçons majoritairement amusés. Pour une fois, les Gryffondor et les Serpentards se trouvaient un terrain d'entente.
Lockhart ne l'entendit cependant pas, fanfaronnant dos à Drago comme sous le feu d'un projecteur, se ventant à la moindre occasion tout en déambulant entre les rangés de pupitres en bois vernis.
Qu'il soit un imposteur ou non, cet homme n'était définitivement pas fait pour l'enseignement, il n'était intéressé que par l'idée de briller aux yeux des elfes de maisons comme aux yeux des phénix. Il devait avoir eu de belles carences affectives pour ordonner tant de reconnaissance.
Drago ne travailla même pas, se disant qu'avec sa solitude, il aurait tout le temps de rattraper ce cours plus tard, dans un recoin vide de la bibliothèque. À la place il griffonna une caricature de Lockhart sur une feuille volante, la tête appuyé contre l'une de ses joues.
Il échangea même un soupir de lassitude avec Seamus.
Comment qui que ce soit pouvait aimer cet homme ?
La plupart des filles, pourtant, avaient l'air d'être aveugle. Elles rougissaient quand il leurs parlaient, bayaient quand elles devaient lui parler... Ce qui ne faisait que conforter Drago que les filles étaient décidément des créatures totalement stupides et ridicules qu'il ne pourrait jamais comprendre... (de toute évidence, il ne faisait pas parti des personnes qui cherchaient à comprendre les autres.)
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Le soir, il enveloppa son visage de ses deux mains en s'écroulant sur son lit. Les autres garçons avaient vaqué à leurs occupations, comme toujours, Drago indifférent à eux et eux indifférents à lui.
« Une année avec ce crétin.» maronna-t-il cependant, pour lui même.
Il avait à coté de lui, les piles de grimoires et de parchemins qu'il avait parcouru dans l'idée de trouver une alternative aux véritables cours de défense contre les forces du mal. Sans succès.
En ôtant ses doigts de ses yeux, il capta un regard de Potter. Un mauvais regard. Il fronça les sourcils :
« Quoi, Potty ? Tu vas me dire que j'ai tord ? Tu l'aimes toi, cet imbécile de Lockhart ? Ça étonne pas, vous êtes pareils, tout les deux. Des vantards, prétentieux, qui aiment attirer l'attention et voler tout aux autres en prétendant tout leurs apporter.
Harry quitta ses yeux verts devenus noirs pour afficher une expression surprise. Dans les coins de son champs de vision, Drago vit également les autres se concentrer sur eux. Surpris, ou redoutant une dispute.
- C'est vraiment l'image que tu as de moi ? demanda Harry. Son visage criait qu'il ne comprenait pas, que cette image était à mille lieux d'être la sienne, mais Drago décida de ne pas se laisser avoir par un trop bon jeux d'acteur.
Oui, Harry Potter était plus détestable que Gilderoy Lockhart car Harry Potter avait l'intelligence de faire semblant d'être modeste, ce qui était encore pire.
- C'est ce que tu es. affirma sèchement le blond.
- Tu devrais te regarder dans le miroir, un de ses jours.»
Sur le coup, Drago fit mine de n'avoir rien entendu. Il marmonna un "pathétique !", Potter n'était même pas fichu de lancer une répartie plus cinglante qu'un "toi même". C'était pathétique, vraiment pathétique... Et Drago avait eu envie de mieux, d'un véritable coup de poing dans le coeur. C'était ce à quoi le garçon à la cicatrice l'avait habitué : un combat fluide avec des mots, dont chacun des mouvements ressemblaient à une danse longue et puissante, aucun des adversaires ne tombant jamais à terre. Ça, c'était puéril et décevant.
Il n'avait pas ce frisson de bonheur, cette catharsis, cet exutoire habituel. Pourquoi la bataille contre Potter avait-elle été si peut palpitante cette fois-ci ? Son coeur ne battait pas plus vite, un sourire apaisé n'étirait pas ses joues...
Mais le soir, devant le miroir, il comprit que cette phrase l'avait blessée de l'intérieur tout en ne laissant aucune cicatrices : il se regarda dans le verre glacé et se considéra. Pour la première fois depuis longtemps il tenta de se regarder autrement. Comment se verrait-il s'il ne s'aimait pas ?
Il se brisa le coeur. Pour la première fois, sa fierté devenait de l'égocentrisme et de l'égoïsme, son air hautain le rendait plus minable que respectable, et son isolement devenait une solitude pensante. Il n'était plus un roi inaccessible, mais un pestiféré dont personne ne voulait.
Il ne valait vraiment pas mieux que Lockhart.
N'importe quoi.
Il n'allait tout de même pas commencer à écouter Potter !? Il valait mille fois mieux que Lockhart même dans le pire de son état ! Jamais il ne pourrait lui ressembler, même s'il le voulait. C'était Potter l'égocentrique, égoïste, minable pestiféré ! Et tout le monde l'aimait parce que... Le commun des mortels n'érigeait jamais les bonnes personnes comme des génies de leurs vivants, c'était bien connu.
Il détestait de nouveau Potter. Assez sournois pour avoir réussit à le faire douter de lui-même pendant une seconde. On ne l'y reprendrait plus. Il serait encore plus fort, encore pire. Le prochain coup, fera mal et résonnerait dans la gueule du survivant pendant des décennies.
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