2.

Je le savais. Je n'aurais pas dû venir.

Léonard est le garçon le plus égocentrique du monde. Et ennuyeux, avec ça.

« Et là, j'ai gagné le championnat de... »

Je hoche la tête, comme si je m'intéressais réellement à ses paroles, et jette un coup d'œil furtif à mon portable. Encore deux minutes, et je suis délivrée de cet enfer.

« Donc on m'a remis la coupe, et j'ai... »

Je me dévisse le cou à la recherche de Coralie, et la repère enfin. Elle se déhanche -le mot est faible- aux côtés d'Hubert -qui n'est pas très à l'aise-, avec une bouteille de vodka, complètement ivre.

D'autres invités l'observent, choqués. Ils ne doivent pas avoir la même conception de « soirée » que Coralie.

Génial.

J'ai besoin de toi, Iris, je ne peux pas y aller sans toi... Bien sûr.

Qu'est ce qui m'a pris de l'écouter ?

« Si tu veux, on pourra aller faire un tour dans le jet privé de mon père, je... »

Vingt-trois heures cinquante-neuf.

Encore quelques secondes, pendant lesquelles j'inspecte avec application le visage de Léonard. Il a une grande mâchoire carrée, des yeux vifs, un nez busqué, un air princier que je déteste. Non, en fait, c'est lui tout entier que je déteste.

Minuit.

« Tu vas voir, c'est fascinant, je te montrerai les...

- Ça m'a l'air passionnant, Léonard, mais je dois y aller. On se revoit plus tard ! »

Sans attendre de réponse de sa part, je me dirige à grands pas vers la sortie.

« Attends, je vais te donner mon numéro de téléphone !

- Je le demanderai à Coralie, ne t'inquiète pas ! »

Je n'ai pas l'intention de demander son numéro à Coralie et je n'ai pas l'intention de le revoir, mais ça, il ne le sait pas.

Dehors, le vent est glacé.

Je m'éloigne de la maison de Léonard, empruntant la rue menant au campus. La musique se fait de moins en moins forte, jusqu'à ce que tout soit complètement silencieux. Obscur.

La peur s'installe en moi, lentement.

Je n'aime pas le noir, je n'aime pas la nuit, aussi puéril que cela puisse paraître.

Je trouve refuge sous un lampadaire. La lumière qu'il diffuse est pâle, mais rassurante. J'ouvre mon sac. Il suffit juste que je trouve mon porte bonheur, et je me sentirais mieux. C'est une peluche panda, assez petite pour entrer dans une poche. Ma mère me l'a offerte quand j'avais cinq ans, et je ne l'ai jamais quittée.

Je cherche. Rien. Affolée, je plonge de nouveau la main dans mon sac. Où est-elle ?

« Tu cherches ta peluche, Pandagirl ? »

Je sursaute, pivote, tentant d'associer la voix à un visage.

Un garçon est adossé au mur, et fume tranquillement une cigarette. Il fait trop sombre, je n'arrive pas à discerner ses traits.

Instinctivement, je recule.

« Pandagirl ? Je répète, comme une abrutie.

- Tu as une peluche panda, et je ne connais pas ton prénom. D'où le Pandagirl.

- Comment avez-vous pu...

- La récupérer ? Facile. Elle est tombée de ton sac chez Léonard. Quand tu essayais désespérément de le fuir. »

Je me tais, muette et stupide.

Le bout rougeoyant de la cigarette oscille.

« T'en veux une ?

- Non. »

Dans l'obscurité, je devine un sourire.

« Et pourquoi tu quittes la soirée aussi tôt, Pandagirl ?

- Je dois retourner chez moi.

- Ça ne répond pas à ma question.

- Si. Question : Pourquoi je quitte la soirée, Réponse : Parce que je dois retourner chez moi.

- Pas cette question-là.

- Alors, laquelle ?

- Question : Tu cherches ta peluche, Pandagirl ?

- Réponse : Oui. Est-ce que vous pourriez me la rendre ? »

Je pose les poings sur mes hanches, dans l'espoir de paraître un peu plus sûre de moi. Je ne peux pas partir sans la peluche, c'est inenvisageable. Pourtant, même si je n'en laisse rien paraître, je me sens mal à l'aise. Et ne pas distinguer son visage n'arrange pas la situation.

« Tu es une amie de Léonard ? »

Génial. Il esquive ma question par une autre question.

Ce garçon a un gros problème de communication.

« Non. Je suis une amie de la petite amie de son cousin, Coralie.

- La blonde complètement pétée qui danse avec sa vodka ?

- Oui. »

Il rit. Son rire est agréable à entendre. Un rire franc, éraillé.

« Pourquoi est-ce que vous riez ?

- Oh, pitié, Pandagirl, arrête de me vouvoyer. Je ne suis pas vieux ! »

Prise d'un élan de courage, je lance :

« Ça, je n'en sais rien. Tu ne te montres même pas. Tu pourrais parfaitement être un vieux croûton pervers et mal intentionné.

- On ne t'a jamais appris que les vieux croûtons pervers et mal intentionnés ne cherchent pas vraiment à discuter de manière aussi platonique avec leur proie ? Je suis une personne civilisée, moi.

- On m'a appris que les personnes civilisées ne se cachent pas, se présentent, et ne volent pas les affaires des autres. »

Avec une lenteur extrême, il décolle son dos du mur, écrase sa cigarette sous son pied, et s'avance.

Je retiens mon souffle.

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Et voilà, fin du deuxième chapitre ! A votre avis, à quoi ressemble Mr. Inconnu ?

J'espère que ce chapitre vous aura plu !

Bisous

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