q u a t r e
q u a t r e / tes mèches chocolat
✶.⓸.✶
Je pense qu'après cette après-midi à côté du bassin, je t'ai définitivement considérée comme mon amie.
Toi, je n'avais aucune idée de ce que tu pensais de moi. Alors j'ai voulu te revoir une nouvelle fois sans tes amis du club de théâtre. Et à peine deux semaines plus tard - je t'ai donc envoyé un message.
"Hey, Juliette ! Est-ce que tu es libre ajourdui ? Comme ça, moi aussi, je pourrai te faire une petite visite d'où j'habite."
"*ajd'hui."
"oups, *aujourd'hui. Voilà."
Je me suis sentie stupide de ne pas m'être relue avant de t'envoyer un message. Toi, tu ne faisais jamais de fautes - mais je me sentais tout de même moins gênée que le premier jour où je t'ai parlé. Tu as répondu quelques minutes plus tard :
"Salut. Oui, je suis là, texte moi l'adresse."
J'ai souri. Puis je t'ai envoyé la localisation de mon village et j'ai relu nos précédentes conversations messenger pour patienter, le temps que tu arrives. Depuis que je te connaissais, tu m'avais envoyé deux smileys. Mais c'était déjà ça : tu ne semblais pas les aimer, alors ça voulait dire que tu faisais un effort. Pour moi.
Nous avions discuté un peu de tout. De musique, de sport (c'est là que tu avais découvert ma passion pour le patinage artistique), de toi, de moi, des films qui passent en ce moment au cinéma (nous avions eu plusieurs débats - mais je respecte quand même tes goûts un peu étranges). Des sujets futiles. Et des sujets un peu plus importants, parfois philosophiques.
C'était toujours intéressant de parler avec toi. Certes, des fois il fallait que je m'accroche un peu pour ne pas croire que tu me détestais... mais pourquoi est-ce que tu étais toujours si froide ? Aucun smiley, un point à la fin de chaque phrase. Peut-être que tu étais maniaque à propos de la construction d'une phrase - une majuscule et un point - et c'est tout. Je l'espérais.
J'étais partie à toute vitesse m'habiller lorsque j'avais remarqué que je portais toujours mon pyjama. Et puis, peu après, tu arrivais devant chez moi en observant tout autour de toi. Je t'ai accueillie avec un sourire et je t'ai servie la limonade que j'avais concoctée spécialement pour cette après-midi en ta compagnie.
— Alors, tu me fais visiter ?, as-tu ensuite demandé.
J'ai acquiescé puis t'ai guidée à l'extérieur. Tu étais en short. Un short à taille haute, évidemment. Le blé devait de chatouiller les mollets quand nous avons traversé le champ. Moi, j'étais en robe, mais j'étais habituée à la campagne.
Et puis j'ai simplement souri et répété d'un air espiègle les mots que tu avais prononcés ce jour-là, dans le jardin botanique.
— Mon endroit préféré.
Je me suis décalée pour l'effet théâtral. Mais c'était inutile : la vieille grange abandonnée était imposante et tu n'avais aucun mal à la voir derrière moi. J'ai guetté ta réaction. Certes, ce n'était pas aussi joli que ton bassin arc-en-ciel. Mais c'était ce que j'avais.
Tu as esquissé un sourire.
L'un des plus grands que tu n'avais encore fait. Même lorsque Isaac lançait une blague, une bonne, tu ne lâchais à peine qu'un petit rire. Je ne sais pas pourquoi, mais à ce moment, voir ce sourire - j'avais un drôle de sensation dans le ventre.
— Viens !
J'ai monté deux à deux les marches de l'escalier à moitié effondré. Il était toujours debout depuis que j'étais toute petite - ce n'était pas aujourd'hui qu'il risquait de s'écraser au sol. Ensuite, j'ai grimpé sur le rebord de la fenêtre et je suis montée sur le toit. Puis je t'ai tendue la main pour t'aider à y accéder à ton tour. Tu l'as prise.
On s'est installée, les jambes dans le vide et la tête dans les nuages.
— C'est plutôt cool, ici.
Je t'ai lancé un regard. Tu as tourné la tête vers moi.
— J'aime bien prendre de la hauteur.
—Sur les choses, ou sur le monde ?
Ton demi-sourire ne quittait pas ton joli visage. Tes mèches chocolat voletaient avec le vent. Sur ce moment, je l'avoue, je me suis perdue dans tes iris. Mes pensées ne se sont pas alignées assez correctement pour que je te fournisse une réponse. Tu t'es rapprochée - tu étais déjà proche, mais tu t'es glissée vers moi de quelques centimètres.
C'était la première fois que tu faisais ça. Te rapprocher, figurativement en même temps que littéralement. C'était surement la première fois aussi que tu montrais le moindre signe d'intérêt que je puisse tenter d'interpréter.
— Tu as de jolis yeux.
Tandis que je te fixais toujours, figée, tu ne t'es pas départie de ton sourire. Tu as repris :
— Ils changent de couleurs selon les jours.
Je n'ai plus hésité, le cœur débordant d'un sentiment que je n'avais jamais ressenti auparavant, j'ai compris que c'est peut-être un peu plus qu'une amitié que je voulais, et je me suis rapprochée moi aussi.
Je t'ai embrassée.
Notre baiser n'a duré que quelques secondes avec que tu sembles reprendre tes esprits et te recule. Tu as ouvert la bouche, tu l'as refermée, tu as répété ce petit manège une nouvelle fois ; et enfin, tu t'es levée et tu as laissé échapper d'une voix à peine assez forte pour que je puisse l'entendre :
— Ella... on est juste amies, okay ? Je dois... je dois y aller. A plus.
Mais ton expression contrastait vivement avec tes paroles. N'avais-tu pas semblé apprécier ce moment avec moi ? Pendant un instant, j'avais été persuadée que tu le voulais aussi, ce baiser. Était-ce moi qui avais mal interprété les signes ? Ou peut-être, c'était parce que j'étais une fille, et toi aussi ? Pourtant, tu n'avais jamais semblé avec de problème avec ça. Je t'avais écouté lorsque tu parlais avec tes amis du club de théâtre.
Alors, était-ce moi ?
Je me suis levée à mon tour mais tu dévalais déjà les escaliers. Ton sac sur une épaule, tu es partie à travers le champ. J'ai crié ton prénom. Deux fois. Tu ne t'es pas retournée.
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