Chapitre 2. Le Blocus [Partie 1]
- Bon, les terrestres, je crois que nous pouvons conclure ce contrat. Mais avant, dernière précision : je refuse de vous prendre, vous et vos hommes, à bord de l'Eperon. La fille de la Cité sera la seule à m'accompagner.
- Dans ce cas, je ne prends aucun homme avec moi, objecta immédiatement Kratein en se serrant le poing.
En réponse, Nadjka afficha l'air aimable d'une porte de prison.
- Non.
- Si je rajoute une cargaison de bois dès l'arrivée à Port Salut ? J'avais cru entendre que vous souhaitiez étendre votre flotte.
La cheffe des Néphélée réfléchit quelques instants. Visiblement, la proposition du garde du corps avait fait mouche.
- Que du chêne de haies vives, du pin pour la mâture, mille troncs non négociable et je marche.
Kratein hocha la tête, extrêmement contrarié, mais cela ne l'empêcha pas de serrer la main de la vigoureuse blonde afin de sceller le contrat.
Voilà, où les discussions de la soirée en étaient. Depuis quelques heures déjà, Iphigénie surveillait les négociations d'un œil attentif. Comme les officiers de la Perle, elle s'était dans le même temps habituée à faire tapisserie. En effet, assise dans un coin sombre de la pièce, elle était si immobile qu'elle pouvait aisément se confondre avec le mobilier.
La jeune femme se gardait bien d'ouvrir la bouche tant qu'elle n'aurait pas saisi exactement la situation et de toute façon, même si elle l'avait souhaité, elle aurait été incapable d'en placer une. Les deux grands acteurs des négociations, Kratein et la Néphélée braillaient tant que tous les amples mouvements de bras du capitaine de la Perle ne suffisaient pas à attirer leur attention. Au bout de plusieurs minutes de gesticulations inutiles, l'homme finit par capituler, Iphigénie lui offrit une bière et tous les deux attendirent la fin du débat en sirotant le contenu de leur chope.
L'attitude de la jeune femme ne fut cependant pas aussi passive que l'extérieur le montrait. Si elle rongeait son frein, elle gravait toutefois dans sa mémoire les moindres bribes d'information qui ressortaient de la discussion. Enfin, elle fut en mesure de rassembler les pièces du puzzle et saisir enfin ce qui se tramait.
Kratein, et la Cité par extension, souhaitaient réquisitionner une flotte afin de briser un blocus qui obstruait le principal port d'approvisionnement de la Cité, Port-Salut. Cela Iphigénie l'avait parfaitement saisi.
Cependant, cette nouvelle l'enferra dans une multitude de questionnement dont le premier était : qui pratiquait dans la Cité une telle rétention d'informations pour qu'elle n'ait jamais été mise au courant d'une catastrophe pareille ? Pourquoi avait-elle un service de Renseignements aussi incapable ? La deuxième question fut vite évincée par une troisième : Qui donc pouvait bien avoir intérêt à ce blocus ?
Tournant en rond à force de suppositions, Iphigénie abandonna et examina le reste de ce qu'elle avait découvert, puis effectua de rapides parallèles et déductions.
La Cité ne possédait qu'un navire de guerre, rendant donc l'intervention de mercenaires, inévitables. La Cité qui ne se refusait visiblement rien, avait souhaité s'offrir les meilleurs corsaires. Or, les Néphélés bien qu'étant réputés pour être les meilleurs navigateurs du monde connu, les approcher et conclure un contrat, était une mission réputée impossible. Ils n'étaient, en tout et pour tout, venus en aide à la Cité que trois fois en cinq siècles. Cet engouement soudain à travailler pour la Cité distillait en Iphigénie une immense curiosité quant à leurs motivations.
Leur besoin d'argent ou la volonté de voir disparaître un ennemi commun surpassaient donc leur répugnance à s'allier à la Cité, ou bien alors, le lien d'honneur d'Iphigénie possédait une importance que la jeune femme avait largement sous-estimée.
Probablement, un sombre mélange de ces trois explications.
Enfin, une poignée de main marqua la fin de la réunion, alors que ses tympans soumis à leurs beuglrments commençaient à la faire souffrir. Par ailleurs, elle n'en pouvait plus de rester assise si longtemps... L'Argyre avala donc d'un trait la dernière gorgée de sa pinte. Nicolas et la Néphélée se levaient déjà et se donnèrent rendez-vous le lendemain. La nouvelle rencontre permettraient de mettre au clair les grandes lignes de la stratégie à adopter. Dans leurs yeux brillaient la même flamme d'une féroce détermination. Chacun paraissait décidé à imposer leur propre stratégie et à ne pas écouter celle de l'autre, persuadés chacun de leur supériorité.
C'était du moins l'analyse que fit Iphigénie qui se trompait rarement dans ce genre de cas. Les têtes de mules, elle en connaissait un rayon. Après tout, elle travaillait bien pour le Bouffon qui ne l'écoutait jamais.
Le tavernier vint l'avertir au sortir de la réunion que sa malle avait été déposée dans sa chambre par le cocher de la voiture de louage. Iphigénie allait de surprise en surprise : le Bouffon avait préparé son voyage au point de lui louer une chambre ici. Ce n'était pas son genre d'être aussi prévenant. Soit il avait subi un sérieux lavage de cerveau, soit ce qui l'attendait était tel qu'il essayait de lui faire avaler la pilule. Elle balaya l'inquiétude née de la dernière solution d'un revers de main : elle était déjà mariée, que pouvait-il lui arriver de pire ?
Il faudrait qu'elle apprenne à se taire.
La cheffe des Néphélée ne la voyant pas sortir, trouva qu'elle mettait trop de temps et prit les choses en main. Elle revint sur ses pas et l'attrapa par les épaules. Soulevée brutalement du sol, Iphigénie se retrouva à sourire bêtement tandis que ses pieds battaient ridiculement le vide. Un sombre regard de la part de la Néphélée suffit à faire déguerpir le tavernier qui s'apprêtait gentiment à prendre sa défense.
- Pitchoune, viens ! Réjouis-toi, dans quelques jours, nous serons sur mon navire ! Ce qui est autre chose que leur radeau flottant.
Iphigénie ne trouvait rien de réjouissant à ça, mais décida de ne pas la contrarier tant qu'elle serait ainsi suspendue au-dessus du sol. Son interlocutrice ne semblait cependant pas en avoir fini :
- Durant le temps que tu vas passer avec nous, je vais essayer de te remplumer : aucun muscle et si pâle. Tu n'étais pas nourrie dans la Cité ?
La jeune femme marmonna des excuses gênées face à une attention et une familiarité qu'elle n'avait pas demandé. Elle avait toujours détesté les rapprochements physiques, mais comment protester quand la personne en face faisait deux fois sa taille ?
Elle fut interrompue dans ses balbutiements par l'écho de pas lourds. Son esprit se vida soudain et elle se figea, pétrifiée. Les marins, Nicolas et le capitaine de la « Perle » qui attendaient les deux femmes à l'extérieur, s'écartèrent brusquement de l'entrée lorsque se découpa dans la lumière de l'embrasure de la porte de l'auberge, la silhouette noire et poilue d'un imposant guerrier.
Cape et bottes de fourrure, cicatrices barrant son visage basané, il semblait bâti sur le même modèle que sa cheffe à la différence qu'il avait les cheveux noirs et les yeux bridés. Plus qu'elle encore, il incarnait ces hommes du Nord qu'aucun blizzard ne pourrait abattre. Iphigénie pria que tous les Néphélés ne soient pas ainsi, sinon elle sentait que son complexe d'infériorité allait très vite ressurgir.
- C'est votre escorte ? S'enquit Iphigénie encore sous le choc de l'apparition.
- Bien sûr. Il est allé se promener sur la grève. Il déteste la terre. Malheureusement, le protocole oblige un chef de clan à posséder une escorte.
Iphigénie évalua la cheffe des Narvals, assez dubitative. Elle avala difficilement sa salive lorsque son regard glissa sur sa masse, sanglée sur son baudrier. Qu'une personne ait pu penser que cette femme avait besoin d'être protégée, cela la dépassait. Elle, en revanche, ne cracherait pas sur une escouade de Sentinelles, de surcroit si Kratein, le cruel, était dans les parages.
- La Perle appareille normalement après-demain, les informa le capitaine dudit navire.
Il fut superbement ignoré par la cheffe des Narvals. Iphigénie songea même qu'elle devait être la seule à l'avoir entendu. Elle n'eut cependant pas le loisir de demander plus de précisions. La cheffe des Narvals fendit leur groupe, sa poigne enserrant toujours sa petite main si frêle dans son énorme main. Elle se compara immédiatement à une poupée traînée par une petite fille.
L'Argyre sentit ses réserves d'amour-propre diminuer à vue d'œil et éprouva alors une profonde lassitude. Elle ne résista pas et échangea un regard fatigué avec le capitaine qui étonnement, ne lui tint pas rancune du coup administré à son arrivé. Non seulement, il lui rendit son regard, mais il esquissa même un sourire compatissant dans sa direction.
Vfiou !
Le sol s'éloigna à nouveau de ses pieds. Arrachée quelques instants à la gravité terrestre, Iphigénie ne comprit pas ce qui lui arrivait jusqu'à ce qu'elle atterrisse confusément à quelques pas de distances de l'endroit qu'elle venait de quitter. La Néphélée qui la trainait plus qu'elle ne l'accompagnait, venait de la soulever pour le placer correctement dans le sens de la marche, dos aux hommes qu'elles venaient de quitter.
- Il faut regarder droit devant toi, sinon tu vas te casser la figure. Tu as de bien petites jambes et tu ne marches pas vite. Tu veux que je te porte ?
Son ego n'y survivrait pas si une telle chose survenait et la peur que la Néphélée mette sa proposition à exécution éclipsa le problème du tutoiement. Enfer et damnation, elles n'avaient pas comploté ensemble qu'elle sache ! Quelle horrible familiarité.
Iphigénie mit ainsi un point d'honneur à essayer de suivre le rythme de marche, ce qui n'était pas facile. Pour un de ses pas, elle devait en faire trois petits.
- Où allons-nous ?
- Je nous éloigne des cafards.
- Vous ne voulez pas rester dans l'auberge ?
- Quelle idée. Je vais passer la nuit dehors avec Erik. Mais je ne t'en veux pas de rester dans ce nid à puce.
- Hum, merci ?
- Ne me remercie pas, à nos côtés, tu vas vite changer. N'aie crainte : « Tricorne mouillé » restera sur la coquille de noix avec les autres marins d'eau douce. Vous ne vous aimez pas.
Iphigénie fut profondément étonnée de la clairvoyance de la Néphélée. Elle se croyait capable de dissimuler suffisamment ses sentiments et pourtant, cette femme venait de lire elle comme dans un livre ouvert. Cela faisait beaucoup de surprises en trop peu de temps. La jeune femme prit donc la voie de l'honnêteté.
- Monsieur Kratein a commis des actes impardonnables, notamment envers certaines de mes servantes.
- Tu ne comptais pas rester avec eux ?
- Et bien... J'aurais voulu en savoir plus de la situation actuelle. Mon... chef, on peut l'appeler comme cela je pense, m'a débarquée ici sans aucune instruction.
- Aucune nourriture consistante et aucune organisation... Vous autres de la Cité, ne possédez donc pas de notions de base ?
Iphigénie aurait voulu protester, mais une bourrasque de vent s'infiltra entre les couches de vêtements, passant une langue glacée sur ses membres et la fit frissonner. Elle regrettait le brasero et le poêle de l'auberge. Adrian malgré toute son efficacité n'avait pas prévu un froid aussi polaire et un vent pareil. Le claquement de langue réprobateur de la Néphélée ne lui échappa pas et la jeune femme se vit à nouveau réprimander par la cheffe des Narvals pour sa garde-robe déplorable.
Iphigénie, à nouveau infantilisée, remercia le ciel que ni Nicolas, ni ses subordonnés de l'Ambassade ne pouvaient la voir dans une telle situation d'infériorité. Cette réprimande cependant aboutit à une proposition d'aller se promener en ville, autant pour lui faire un topo sur la situation, que pour lui trouver des vêtements adaptés à une traversée en bateau.
La réunion n'ayant lieu que le lendemain matin, cela laissait à Iphigénie une après-midi pour s'accommoder à tout ce bazar, ce qui était suffisant : elle avait déjà disposé de moins de temps que cela. Elle comprenait mieux tout d'un coup, les demandes du Bouffon de se cultiver sur tout ce qui touchait à la mer autant en navigation qu'en stratégie militaire. D'un autre côté, elle avait beau savoir comment nommer toutes les voiles, la signification des drapeaux et les codes, entre la théorie et la pratique, il y avait un fossé... Non, un canyon qu'Iphigénie doutait pouvoir franchir. Surtout si elle était comprise dans le voyage vers Port-salut, puisqu'il s'agissait visiblement de leur destination. Elle n'avait jamais mis les pieds sur bateau et si le fait de se lancer dans l'inconnu ne l'inquiétait pas outre mesure, l'idée d'une traversée avait de quoi lui donner des sueurs froides.
- Comment vous appelez-vous ?
Sa guide, son regard sévère toujours planté droit devant elle, à croire qu'elle fusillait l'horizon, ne prit pas la peine de tourner la tête vers elle pour lui répondre.
- Nadjka.
La cheffe avait un don pour les réponses lapidaires, sauf bien évidement quand il s'agissait de négocier ou de lui remonter les bretelles...
- Je m'appelle Iphigénie.
- On va aller ici, Pitchoune.
Iphigénie doutait que la cheffe l'ait entendu. En fait, elle doutait même qu'elle ait été écoutée. Elle ne se découragea pas pour autant : elle lui répèterait son nom jusqu'à ce qu'elle cesse de l'affubler d'un surnom aussi ridicule. Enfin, après tout, cette situation ne changeait pas beaucoup de l'attitude des Grands de la Cité à son égard, Bouffon et nouvelle favorite en tête.
La jeune femme manqua de lui rentrer dedans lorsque Nadjka freina brutalement et se campa au milieu de la rue, sans aucune considération pour le reste des passants. « Ici », était une espèce de cabane à la devanture plus digne d'un relais de chasse, crânes de narvals et peaux de phoques accrochés à la façade, que d'une boutique de mode. Iphigénie habituée au raffinement des couturières Eidolon qui savaient mêler divinement bien illusions et couture, ne put retenir une grimace de dégoût. Elle se souvenait de leurs ateliers où les clientes étaient reçues dans moult luxe et dorures et accusa donc le coup. Elle doutait de trouver des vêtements là-dedans.
Et bien aussi étonnant que cela puisse paraître : si.
- Arka ! Salua bruyamment Nadjka en levant les bras vers la vendeuse aussi imposante qu'elle, quand elle eut ouvert la porte avec ce qui devait être son habituelle délicatesse.
Ceci était un sarcasme.
Iphigénie sentit son complexe d'infériorité, à peine mis à l'écart, revenir au pas de course et essaya de ne pas ressembler à une crevette, ce qui était peine perdue quand tout autour d'elle, mobiliers et occupants de la boutique compris, la rapetissait. Le comptoir lui arrivait aux épaules, les tables ressemblaient à des dolmens et elle aurait même été incapable d'atteindre les patères du porte-manteau.
- La Pitchnoune est sous ma protection. Nous partons dans deux jours vers la lagune d'émeraude pour rattraper notre flotte. J'aimerais trois bonnes cape de fourrure, six gilets et quatre pantalons. Deux en coton quand nous passerons par les tropiques et deux autres en laine pour notre passage par le nord. Et évidemment, tu me mets avec ça deux paires de bottes : une fourrée et une autre en cuir. Mets-moi tant qu'on y est, une demi-douzaine de chemises. Il nous faut absolument remplacer cette robe pleine de trous...
Iphigénie se demanda si c'était vraiment utile de lui expliquer que les « trous » étaient de la dentelle. Justement, les « trous » étaient fait exprès parce qu'ils faisaient des températures normales chez eux et qu'on ne risquait pas de se transformer en glaçon à pattes si on sortait de chez soi !
Calme-toi.
La vendeuse acquiesça avec un grand sourire.
- Bon on va voir ça ma petite ! Tu es avec Nadjka : tu vas voir, je vais te trouver les meilleurs habits pour ton voyage ! Allez, monte là-dessus !
Elle s'approcha d'Iphigénie qu'elle souleva par les aisselles, sans aucun effort comme si elle avait été un poids plume. Elle la posa ensuite sur une table et sortit un ruban de sa poche. Puis elle commença à prendre ses mesures en lui levant les bras, à croire que la jeune femme s'était transformée en une marionnette de bois.
Iphigénie prit ainsi sur elle d'être manutentionnée telle une vulgaire caisse de marchandise et décida d'apprécier le bon côté de sa position surélevée : elle pouvait regarder Nadjka dans les yeux, ce qui épargna sa nuque durement sollicitée ces dernières heures à cause de toutes ces grandes perches.
- Vous m'excuserez si ma question vous semble stupide, mais j'aimerais comprendre pourquoi Port-Salut constitue une position stratégique. Et par ailleurs, petite subtilité que je n'ai pas vraiment saisie tout à l'heure, pourquoi y allons-nous au juste ? Je veux dire, pourquoi suis-je inclue dans le voyage ?
Nadjka s'était adossée au mur et se fondait parfaitement dans le décor entre les têtes d'ours empaillées, les fourrures drues et les cornes de Narvals. Une bête féroce de plus au milieu de ce tableau de chasse.
- Par où commencer Pitchoune... Les Mercenaires du Cap de la Tortue ont été payés par des traîtres de votre Cité. Ils bloquent les arrivages de provisions et cela risquerait d'entraîner des pénuries et une famine atroce chez toi. Le correspondant aux cheveux blancs a expliqué que les premiers signes apparaissent déjà à Sombre Transfuge... Un nom dans ce genre.
Iphigénie souleva un sourcil, interpellée par sa dernière explication. Elle vivait certes dans une bulle depuis son entrée au palais, mais au point qu'un évènement dans SombreRefuge aussi grave lui échappe ? L'idée d'interroger à Kratein l'effleura un instant avant de l'écarter : passer pour une ignorante, alors qu'elle était supposée être la seconde tête pensante d'une agence de renseignements, lui parut intolérable pour son orgueil.
- Ne serait-il pas plus simple d'investir d'autres ports comme celui-ci ?
- Nous sommes dans le Nord, pitchnoune, rien ne pousse ici. Le grain, les légumes, les fruits, la viande : tout vient des pays chauds. Cela ne serait pas intéressant de faire passer des navires marchands ici, autrement que pour le bois, l'ambre et les fourrures. Mais on ne s'en nourrit pas.
Ses bras se croisèrent et elle darda Iphigénie de ses yeux de glace. Ce n'était pas très agréable comme sensation, d'autant plus, qu'elle sous-entendait clairement dans le ton de sa voix qu'Iphigénie pouvait ignorer des choses aussi élémentaires que ce qui constituait ou non de la nourriture. Après tout ne savait-elle pas s'habiller correctement, avec ses robes pleines de trous ? Au mieux, elle la prenait pour une enfant, au pire, pour une complète demeurée. Iphigénie craignit un instant qu'elle recommence ses réprimandes et fut soulagée lorsque la Néphélée reprit :
- Port-Salut est la plus grande plaque tournante : les ports alentours ne suffiraient pas et les mercenaires n'auraient qu'à déplacer leur blocus. Voilà, ce que je sais et voilà à quoi je me suis engagée. Les Néphélés et ces mercenaires ont toujours été en concurrence sur les mers. Ils ne respectent aucun territoire : ce sont des nomades possédant seulement une crique, un port fixe dont personne ne connait l'emplacement exact, situé au cap de la Tortue d'où leur nom.
Iphigénie fut surprise par sa longue tirade. Elle ne l'aurait pas cru capable de disserter si longtemps. Elle n'aurait pas cru qu'une personne puisse lui faire un résumé aussi succinct de la situation d'ailleurs. Et certainement pas cette force brute de décoffrage.
Et pourquoi, enfer et damnation, n'avait-elle pas été mise au courant d'un tel blocus ? Iphigénie n'avait jamais considéré que l'extérieur, les territoires autour de la Cité puissent représenter un quelconque intérêt. Force lui était de revoir rapidement son jugement : surtout si elle souhaitait comprendre correctement le conflit dans lequel elle venait de mettre les pieds. Une seconde réflexion lui vint alors : que pourrait bien être les conséquences d'une famine dans la Cité ?
Une claque à l'arrière de la nuque manqua de l'éjecter hors de la table.
-Petite ! Arrête de bouger ! Lui ordonna Arka de sa voix tonnante comme le tonnerre.
Instinctivement, Iphigénie se figea et arrêta de respirer sous le regard réprobateur de la vendeuse, avant de recevoir une nouvelle claque. Enfin, quand Arka s'éclipsa pour aller chercher ce qu'elle souhaitait dans ses stocks, elle en profita pour poser la question qui lui brûlait les lèvres :
- Combien de temps devrait durer le voyage?
- Cinq mois.
Le chapitre étant beaucoup trop long, j'ai décidé de le couper ici. Alors qu'en pensez-vous ? Comment Iphigénie va-t-elle survivre à un voyage aussi long ? Que pensez-vous de Nadjka ? Pensez-vous que ce sera un allié sûr ? Que mijote le Bouffon ?
J'espère que la nouvelle esthétique des chapitres vous plaît !
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