I - Une triste fin

Si tu n'as pas connu la terrible perte des êtres aimés, tu n'as pas connu la vengeance.

Je suis né avec des aptitudes hors du commun, mes parents eux-mêmes étaient spéciaux. Ma mère était une Mage, des êtres oubliés à présent, ils manient les éléments à la perfection et concoctait des ensorcellements puissants. Mon père, quant à lui, était un Être de Feu. Personne n'a jamais su pourquoi j'avais la capacité d'invoquer les Ténèbres. D'ailleurs, je ne l'ai su que très tard. Quand j'étais petit, j'arrivais à jouer avec la brume, mais cela n'allait jamais plus loin.

J'ai aimé, réellement, avec mon âme et mon coeur. C'était la seule fois. J'aimais ma famille, j'aimais ma future épouse. J'étais jeune, j'avais dix neuf petites années et je rêvais encore de tellement de choses. Sur les traces de mon père, j'étais promis à un avenir prospérant en tant que roi.

Mon petit frère ne l'a probablement jamais accepté. Nous n'avions qu'une année d'écart tous les deux mais lui rêvait en grand. Il ne comprenait pas pourquoi moi et pas lui. Pourquoi avais-je des pouvoirs et pas lui. Pourquoi avais-je droit au trône en succession et pas lui.

Je suis prêt à tout pour récupérer ce qui me revient de droit. Cette détermination est de famille.

Mon petit frère a commis l'irréparable. Il a commencé à vouer une haine terrible envers les Êtres de Feu et les Êtres de Pouvoir. À tel point qu'il a réussi à regrouper des hérétiques qui pensaient exactement la même chose que lui.

N'est-ce pas triste lorsqu'on y pense ? La diversité était si belle...

Je me rappellerai toute ma vie de la mort de mes parents. Je rentrais chez nous, j'avais chassé un gibier de taille et j'étais impatient de le montrer à mon père pour qu'il me félicite. À cette époque, Erador était la Nation prospère, celle où résidait le roi et sa cour.

Mais alors que j'entrais dans la salle de trône, cette immense salle où se déroulaient nos plus beaux bals, j'avais découvert un bain de sang. Mon père était assis sur le trône, carbonisé et ma mère était étendue sur le sol, dans le même état. Nous ne pouvions même plus voir leurs vêtements, leur peau était noire et fumait encore. Seul mon père avait une lance transperçant son torse, ce qui maintenait son corps dans cette position assise macabre et désolante.

— Père ! Mère ?! Non !!

J'avais couru vers eux et m'étais laissé tomber à genoux sur le sol près de leur corps. Je respirais fort, si fort... mon coeur se déchirait en de milliers de petits morceaux et je ne pouvais empêcher mes larmes de couler.

— Par les Sept Nations... que s'est-il passé ? Avait soufflé notre servante ma petite sœur dans les bras.

Ma mère lui avait donné naissance à peine quatre mois plus tôt. Enfin, elle t'avait donne naissance. La servante restait immobile, tremblante et moi, je ne parvenais plus à me mettre sur pieds, ne comprenant pas ce qu'il venait de se passer.

Peu de temps après son entrée, mon frère accompagné de toute la garde royale nous avaient rejoint dans la grande pièce au plafond vouté.

— Il est ici ! Avait-il accusé en me pointant du doigt. C'est lui qui a fait cela avec ses pouvoirs venus des Ténèbres ! Arrêtez-le ! Par les Sept Nations... arrêtez-le !

Il criait et pleurait, comme si j'étais le fautif. Je m'étais relevé brusquement, les poings serrés et la respiration rauque. Je n'ai pas mis longtemps à comprendre ce qu'il manigançait.

J'avais avancé dans la pièce vers les soldats prêts à s'emparer de moi. Je sentais mon regard haineux, je sentais ma rage provenir du fond de mes entrailles. Lorsque je m'étais approché d'eux, j'avais poussé un hurlement de colère et avais levé les bras vers le ciel avant de les baisser brusquement vers le sol les doigts écartés. C'est comme si un vent violent venait de les frapper, ils ont été surélevés tous en même temps et écrasés sur le sol dans une violence brutale, j'avais même pu entendre leurs os craquer et du sang s'échappait de leur crâne ouvert.

Je m'étais arrêté devant la servante alors que TU ne cessais de t'égosiller. Je TE pris dans mes bras doucement tandis que la servante me regardait l'air terrifié tapissé sur son visage.

J'étais sorti de la pièce sans un regard pour mon frère et lorsque j'avais remarque les autres soldats, j'ai simplement pris la fuite dans la forêt d'Erador, le plus loin possible de notre palais.

Je m'étais reclus dans une petite cabane au fond des bois, là où je devais TE donner à manger. Je m'efforçais de trouver du lait et d'en voler le visage dissimulé sous ma capuche chaque fois que je sortais en ville. J'avais même assisté au couronnement de mon frère discrètement et avait pu lire sur son visage une grande satisfaction qu'il tentait de cacher sous de fausses émotions de tristesse.

J'avais voulu retrouver la femme que j'aimais, ma fiancée, cependant, je ne l'ai pu. En fuyant notre demeure, j'ai laissé derrière moi l'amour de ma vie.

Chaque jour qui passait, je cherchais un moyen de me venger, de faire savoir au monde entier que je n'étais pas cet homme horrible que décrivait mon frère mais je ne savais comment m'y prendre. Je devais m'occuper de Laora, je devais m'occuper de moi et soigner mon chagrin, oublier la perte de mes parents.

Le jour où on toqua à ma porte me changea à tout jamais. La porte de notre toute petite cabane, cachée dans les bois. J'avais ouvert la porte, innocemment bien qu'inquiet et j'avais fait face à ma future épouse. Cependant, elle n'était plus si rayonnante que dans mes souvenirs. De ses lèvres charnues coulaient des gouttelettes de sang qui glissaient sur son menton tâché de rouge. Son ventre était perforé de trois coups de poignard et ce même poignard était enfoncé dans son cou. Elle était tombée dans mes bras, à l'agonie. Je m'étais laissé tomber sur mes deux genoux pour rattraper son corps et amoindrir sa chute puis avais croisé son regard noisette en train de s'éteindre.

— Par pitié, par tous les Dieux, ne me quitte pas... avais-je sangloté. Je t'en conjure, mon amour... reste avec moi, je me sens si seul, j'ai besoin de toi à mes côtés, tu es mon rayon de soleil, ma lumière...

Mais qu'importe que je supplie les Dieux ou le monde entier, elle s'était déjà éteinte dans mes bras, son regard figé sur mon visage inondé de larmes et cette expression de douleur déformant chaque trait de son magnifique faciès.

C'est à cet instant que toute la rage que je ressentais s'est révélée. C'est à cet instant même où j'ai senti gronder en moi le tonnerre et c'est ainsi que les Ténèbres sont nés.

Je n'ai pas enterré son corps, je l'ai laissé partir en poussière, en posant simplement ma main sur son front gelé. Les ténèbres sont entrés dans son sang, ont recouvert sa peau d'une fine couche craquelée avant que ce ne soit sa peau qui ne craquelle et se fissure comme se fissurerait une roche fragile. Après cela, j'ai nettoyé le poignard et j'ai passé toute une nuit à l'imprégner de mon pouvoir. J'ai fait cela avec le collier de ma mère que je gardais précieusement avec moi et avec la broche que notre père avait conçu pour TA naissance, cette broche était constamment accroché à TES draps. J'ai finalement utilisé mon manteau pour y ajouter le reste de mes pouvoirs et j'ai voyagé afin de dissimuler mon pouvoir dans les Nations voisines.

À la toute fin, après mon long périple, je savais que mon tour venait. Je l'ai su à l'instant même où l'amour de ma vie est morte. À Erador, le ciel était noir, brumeux, chargé et le tonnerre grondait toutes les dix minutes. Il ne faisait plus jour ici, il ne faisait que nuit noire, les plantes mouraient, la terre desséchaient et les Ombres Obscures allaient et venaient, se nourrissaient de chaque individu et les laissaient parfois dépérir dans les rues, sans leurs âmes mais encore avec un coeur qui bat, c'est ainsi que son ne les Changeur de Peaux, bien que certains avaient déjà cette capacité de métamorphose en eux, jamais encore nous ne les avions appelé comme cela.

En moi grandissait une puissance ingérable et j'en étais heureux. Le monde ne voulait pas de moi, alors je comptais faire souffrir chaque personne jusqu'à ce qu'ils comprennent ce que je pouvais ressentir. J'ai commencé à vouer une haine indescriptible envers les êtres humains, ceux qui ne bénéficiaient pas de pouvoir. Puis quand les Enchanteurs se sont alliés au roi pour me nuire, j'ai su que je devais les éradiquer, eux aussi.

Il était temps qu'une nouvelle ère commence, celle des Ténèbres, celle de la douleur, du chagrin, de l'obéissance et de la crainte. Je me nourrissais de leur peur, de leur douleur, de leurs pleurs. Je me nourrissait des âmes que les Ombres Obscures avalaient ou m'apportaient et je ne ressentais plus la douleur que mon coeur me procurait par la perte de mes êtres chers. C'est ainsi que j'ai su me reconstruire.





— Je te raconterai la suite, un autre jour, déclare Lucius.

Je suis assise dans une voiture tirée par des chevaux nous ramenant vers Panterm, la Capitale. Je regarde par l'entrebâillement des rideaux me permettant de voir la route défiler et admirer ces arbres défraichis que la route avale à chaque mètre que font les chevaux.

— Quelle sombre histoire... soufflé-je.

— J'aimerais que tu te souviennes de cela, mais tu étais bien trop jeune, Laora.

— J'aurais rêvé connaître mes parents. Ai-je eu des parents autre que nos parents morts ?

Je ne me souviens de rien, je sais que je suis morte quelques heures, mais je ne sais plus qui je suis, qui était ma famille ou mes amis. Je regarde Lucius qui m'adresse un sourire en coin.

— Tu n'as jamais eu de parents, ceux qui t'ont adopté après ma capture t'ont rapidement abandonnée en découvrant qui tu étais.

Je baisse le regard, la gorge nouée. Je croyais avoir connu l'amour d'une mère et d'un père, mais peut-être m'étais-je trompée.

Quel autre sentiment est faux chez moi ?
Qui suis-je et qui vais-je devenir ?

Mais surtout, qui étais-je avant de mourir ?

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