XXXIII - Adieu

Je suis dans les Ténèbres les plus complets, autour de moi, il n'y a rien sauf du noir et lorsque j'avance, un clapotis retentit, comme si je marchais sur de l'eau. Je n'entends que mon souffle, c'est silencieux ici et ça résonne comme dans un tunnel. Soudain, je m'arrête, car dans la pénombre, éclairé par une simple lueur violette, une silhouette d'homme se trouve là.

— Tristan ? Appelé-je par habitude.

J'entends un rire qui semble résonner par tous les coins. Un rire macabre et grave.

— Il n'y a que toi et moi, Chloé.

Je ne réponds pas , j'avance d'un pas mais la silhouette semble s'éloigner à chaque fois.

— Peu importe le nombre de fois où tu chercheras à m'éviter, je trouverai le moyen d'entrer en contact avec toi.

La lumière s'éteint, un long silence plane longuement.

— Parce que je suis bien plus puissant que toi, me murmure-t-on à l'oreille.


Je prends une grande inspiration, je vois alors Tristan, Andrei et même Darius au dessus de moi.

— Elle est en vie ! Le Seigneur soit loué, souffle le prince.

Je me redresse tant bien que mal, je grimace en ressentant la douleur terrible qui malmène mes côtes. Je me relève néanmoins, alors qu'on me demande de me rallonger cependant nous n'avons pas le temps ! Les Ténèbres grandissent et je pense ne pas être la seule fautive dans cette histoire. Lucius tente par tous les moyens d'entrer en contact avec moi. On dirait bien qu'il est prêt à tout.

— Chloé, tu es blessée, rallonge toi, commence Tristan.

— Non ! Les Ombres vont revenir, alors nous devons les éloigner du palais pour épargner la vie de tous ces innocents réfugiés.

— D'accord , et comment comptes-tu t'y prendre ? Demande Darius.

Je me tourne vers lui et le fusille du regard.

— Pourquoi es-tu ici ?

— J'aide le roi et la Nation. Je suis un Enchanteur de Feu, il a fait appel à nous, afin que nous puissions protéger Panterm. Et jusqu'à présent, nous avons survécu.

— Il y a de cela à peine deux mois, tu étais à Corvil et vous avez tué mes amis ! 

— Les temps changent. Nous sommes prêts à tout pour la survie.

Je n'y crois pas une seule seconde, selon moi, cet homme n'est pas digne de confiance et il a une idée derrière la tête. Néanmoins, nous allons devoir nous concentrer sur l'objectif premier.

— Les Ombres Obscures sont toutes aveugles, elles se réfèrent au son. Alors nous devons nous rendre au clocher, et toutes les attirer ici.

— C'est dangereux, intervient Andreï, nous en comptons quatre.

— Oui mais les rassembler et les détruire toutes ensembles sera bien plus efficace que si nous devions les affronter une par une. Elles feront trop de morts.

— Ça peut être une bonne idée, marmonne Tristan.

— Quelqu'un fait sonner le clocher, les Enchanteurs de Feu se chargent de les maintenir à l'écart et moi... je les fais disparaître, déclaré-je.

— Seras-tu capable de toutes les avaler ? Demande Tristan.

Je lui jette un regard, il semble inquiet et tourmenté. Je me contente de hocher la tête et lui adresser un faible sourire. En réalité, je n'en ai aucune idée mais je sais que nous trouverons une solution. Au lieu de les avaler, pourquoi ne pas détruire les Ténèbres comme à Corvil ? Je laisse les Enchanteurs les repousser et pendant ce temps, je chasse les Ténèbres. La lumière devrait les détruire, j'ai remarqué qu'à chacune de leur apparition, le ciel se voilait.

— Que tous les Enchanteurs, peu importe l'élément qu'ils maîtrisent se lèvent et prennent place pour le combat ! Déclare Andrei. Nous comptons sur vous pour sauver notre Nation et soyez assuré que vous serez récompensé pour votre héroïsme !

Plusieurs personnes parmi la foule se lèvent, un homme d'une quarantaine d'années, une jeune femme d'à peine seize ans, un sexagénaire, une mère de famille... tous des Enchanteurs.

— Je suis prête à donner ma vie pour que mes enfants puissent vivre la leur ! Déclare la femme près de ses enfants.

— Et moi, je souhaite pouvoir assurer l'avenir de nos descendants, ajoute le sexagénaire.

Je souris légèrement et saisis la main de Tristan que je serre dans la mienne. Il me jette un regard, puis serre ma main à son tour. Nous sommes prêts, et ici, personne ne sait que c'est moi qui ait détruit Panterm. Ils sont tous prêts à se battre, tous prêts à se sacrifier et je trouve cela infiniment beau. L'humanité, le sacrifice, le courage.

Nous partons tous ensemble, dans les rues de Panterm, dans le noir, le silence, le froid. Je tente d'oublier la douleur qui heurte mes côtes. Ils m'ont fait un bandage de bonne fortune, pour les soutenir. Je suppose que l'Ombre Obscure qui m'a attaquée m'a également griffée. À vrai dire, elle m'a prise au dépourvu et il m'a été impossible de la contrôler.

Tristan et Darius ouvrent la marche. Je préfère rester en retrait. Me balader dans ces rues me terrifie à présent et je ne peux m'empêcher de regarder partout autour de moi, comme si un monstre pouvait sortir de l'ombre à n'importe quel moment pour ne faire qu'une bouchée de nous.

Andreï marche à ma gauche, son épée en main, les yeux grands ouverts dans la pénombre. J'ose à peine lui parler, c'est comme si ce n'était plus qu'un inconnu pour moi. Avions- nous vraiment vécu une amitié ? J'ai la sensation que cela n'a jamais existé.

— Je suis vraiment désolée... soufflé-je à Andreï dans un chuchotement.

Il me jette un regard, vêtu de cette armure, il paraît moins frêle et bien plus costaud, voire même intouchable finalement. Il nous avait dit savoir manier l'épée, et peut-être ne mentait-il pas.

— Je ne t'en veux pas pour ce qui arrive, rétorque-t-il dans un murmure. Je t'en veux car tu n'as pas été capable de me dire la vérité. Tu as été égoïste et je suppose que tu n'as pensé qu'à un potentiel mariage, à l'honneur de ta famille et à l'argent plutôt qu'à ce que moi, je pouvais ressentir. Voilà pourquoi je t'en veux.

— Je n'ai pas été totalement honnête et j'en suis désolée, mais toi... dis-moi pourquoi ton père voulait à tout prix que tu te rapproches de moi ?

— Je n'en ai aucune idée, il m'avait dit qu'une jeune fille aux cheveux de corbeaux serait présente parmi mes prétendantes et il m'avait dit qu'il voulait que je me rapproche d'elle plutôt que d'une autre. Il était bizarre ce jour là, mais je n'ai pas discuté, parce que c'était mon père et que c'était le roi.

C'est étrange mais à la fois, tout le monde a ses secrets, je suppose que le roi avait les siens néanmoins maintenant qu'il est mort, cela n'a plus vraiment d'importance. Je sais aussi que dorénavant, mes parents se moquent de l'argent et souhaitent que nous restions proches. Cela me convient parfaitement.

— Alors nous sommes amis ? soufflé-je.

Il s'arrête et se tourne vers moi, alors je fais la même chose. Il m'adresse un bref sourire, sa balafre me fait mal rien que de songer à la douleur qu'il a dû ressentir. Le pauvre arborait un visage sans défauts et à présent, il est marqué par les ténèbres lui aussi.

— Nous sommes amis, affirme-t-il.

Je souris pleinement, soulagée de savoir que la rancœur a été mise de côté. Nous pouvons alors reprendre la marche en toute sérénité. Enfin, pour ce qui est de nos soucis personnels. En ce qui concerne Panterm, la sérénité est loin d'être gagnée.

Tristan tente d'ouvrir la porte du clocher afin de pouvoir monter jusqu'en haut et faire sonner la cloche, cependant la porte est bloquée.  Je m'avance alors, sous les yeux du futur roi et des Enchanteurs, je pose ma main sur la serrure, ferme les yeux, nous entendons alors rapidement le cliquetis, nous pouvons ouvrir la porte et ce, en toute discrétion. Je vois bien que certains me regardent bizarrement mais je passe outre.

— La plupart de nos soldats sont postés dans les rues voisines, alors je resterai en bas avec trois Enchanteurs, puis Chloé et Tristan ainsi que Darius monteront en haut du clocher pour le faire sonner, déclare le prince. Nous, par le bas, nous tenterons de retenir les Ombres, le temps que Chloé puisse les détruire.

Nous acquiesçons à ce plan et nous montons alors les grandes échelles pour atteindre le clocher plusieurs mètres plus haut. le vent s'engouffre dedans, le bois craque, nous sommes silencieux, tendus, inquiets, bercés par le sifflement des courants d'air.

Une fois en haut, avec la force du vent, on croirait que la tour vacille, le bois ne cesse de craquer. Le froid martèle nos corps, mon cœur tambourine contre ma poitrine. Tristan passe de l'autre côté de l'énorme cloche suspendue au dessus de nous. Elle est teintée d'or, gigantesque, elle semble peser une tonne.

— Bouchez vous les oreilles, les amis, déclare Tristan.

Le silence est soudainement pesant. Je m'écarte, me colle contre l'angle du mur. En réalité, il y a quatre surface sans mur, seuls les angles sont recouverts de béton, probablement pour protéger la cloche. Néanmoins, à tout moment, l'un de nous pourrait tomber à la renverse. Je bouche mes oreilles et je vois Tristan tirer le battant et le relâcher. Il frappe la paroi de la cloche qui sonne aussitôt. Les vibrations parcourent mon corps tout entier, le son est puissant, résonne même dans ma poitrine. Le battant se balance d'avant en arrière, continuant de faire sonner la cloche.

Je suis cependant interpellée par quelqu'un qui monte avec nous. Je reconnais aussitôt Josépha se redresser une fois le sommet de l'échelle atteint. Je retire mes mains de mes oreilles, assourdie par la cloche.

— Qu'est-ce qu'elle fait là ?! M'écrié-je.

Je crois, à travers le son assourdissant, entendre les rugissements des Ombres Obscures. Nous n'avons que peu de place pour nous déplacer et la cloche se balance, elle manque même de heurter Josépha qui, à son tour, se colle à l'angle du mur.

— Je viens pour toi, Chloé ! Rétorque-t-elle à travers le vacarme.

— Il est temps que tu nous aides à faire revenir le Maître ! Intervient Darius.

— Quoi...? Soufflé-je.

— Nous pouvons le faire revenir ! Mais tu dois accepter qu'il entre en contact avec toi ! Il saura nous aider à le localiser et nous pourrons le libérer ! Explique Josépha.

— Certainement pas ! Crié-je.

La cloche ralentit de plus en plus, d'ailleurs, quelque chose percute le bâtiment qui tremble. De la poussière tombe du plafond et les cris en bas m'inquiètent. Tout en me tenant aux rebords, je me décale légèrement sur la gauche pour voir ce qu'il se passe en bas. Dans les rues qui mènent au clocher, les villageois et Enchanteurs les plus courageux sont en train de se battre et lutter contre les Ombres Obscures qui souhaitent se rapprocher de la provenance du son. C'est un spectacle horrifique auquel j'assiste. Je peux voir des hommes se faire dévorer, certains se font même arraché des membres, la tête, d'autres sont propulsés contre des murs et ne se relèvent pas, certains Enchanteurs usent de leurs pouvoirs, comme cette femme qui fait sortir du sol des lianes pour en créer un mur, afin de protéger les blessés. 

— Seigneur... soufflé-je les yeux embués de larmes.

— Chloé ! appelle Tristan. Tu dois commencer ! Chasse ces fichus Ténèbres ! 

Je lui jette un regard, l'orage gronde, les éclairs fendent le ciel et en bas, la mort arpente les rues, le sang se déverse sur les pavés. Panterm a perdu sa joie, sa vivacité. 

— Traître ! Grogne Josépha à la dernière sonnerie de la cloche. 

Elle se tourne ensuite vers moi et m'adresse son regard le plus noir. La regarder me rappelle inlassablement ce qu'elle a fait à Kyrsten et Hugh. Rien que pour cela, elle mérite la mort. C'est elle qui devrait être en train de se faire démembrer en bas et non ces pauvres innocents. 

— Ne t'a-t-il pas expliqué avant que vous ne deveniez les meilleurs amis du monde ? reprend-elle en se rapprochant de moi.

— Chloé ! grogne Tristan. Ne l'écoute pas, chasse les Ténèbres ! 

— M'expliquer quoi ? m'enquis-je. 

— Il n'y a jamais eu de rencontre hasardeuse sur ce bateau, il n'y a jamais eu de manteau volé, il n'y a jamais eu... de roi demandant à son fils de s'approcher de la sorcière... 

Je fronce les sourcils, ne comprenant pas où elle veut en venir alors je regarde Tristan, cherchant son regard qui, lui, fuit le mien. Nous sommes en train de parler au milieu d'un brouhaha monstrueux, dans lequel, tout le monde est en train de périr et à cet instant même, je ne parviens plus à penser aux ténèbres que je dois chasser ou bien à ces pauvres innocents que je dois sauver. Je ne pense plus qu'à ces deux derniers mois, je me ressasse chaque moment, afin de comprendre ce qui a pu m'échapper. 

— Je ne comprends pas... soufflé-je.

— Ce n'était qu'une mise en scène ! s'exclame Josépha. Et le prince et toi étiez nos pantins.

Alors je relève les yeux vers elle, qui arbore un sourire victorieux. On dirait bien qu'elle souhaite à tout prix briser le lien qui m'unie à Tristan. 

— Josépha a su prendre l'apparence du roi, alors qu'il était de sortie en ville, intervient Darius, ce fameux Eudyp n'était autre que Tristan lui-même. 

— Mais le manteau était...

— Il fallait bien que cela paraisse réel, tu ne crois pas ? m'interrompt Josépha. 

— Tristan... ? 

Il me regarde, le visage attristé, les lèvres pincées, les yeux pétillants. Je ne parviens pas à savoir ce qu'il pense, je ne parviens pas à deviner ce qu'il ressent. Mais je sais ce que moi je ressens ; la trahison, la tristesse, la haine... 

— Evidemment, Tristan a faillit à sa mission et vous voilà tout deux mains dans la mains, fous amoureux... mais le but n'est pas de faire disparaître les Ténèbres, Lucius doit être libéré ! 

Je secoue la tête de droite à gauche, toujours perdue, car trop de questions restent sans réponses. Le roi n'était pas le roi, il était mort depuis bien longtemps, alors pourquoi le Gouverneur avait-il annoncé sa mort ? Hector était-il de mèche ? Tristan aurait donc trahi les siens au moment de le tuer... ou peut-être avant, ou bien après...

— Comment as-tu pu... soufflé-je.

— Je sais... commence Tristan. Mais... en réalité, j'ai arrêté de suivre leur plan pourri aux bidonvilles, je me suis rendu compte que des innocents étaient embarqués là-dedans malgré eux et...

— ET MOI ?! hurlé-je. Ne suis-je pas innocente ? 

Un éclair fend le ciel et le tonnerre gronde au même moment. Le rugissement d'une Ombre Obscure retentit et résonne jusqu'ici cependant, je suis hors de moi, terriblement en colère, alors je n'y fais pas attention.

— Et toi... tu ne le mérites pas non plus, souffle-t-il. L'Ombre qui a attaqué le bateau, c'était Lucius... entre les Nations, il a plus de pouvoirs et c'était son seul moyen de t'atteindre. D'avoir un contact avec toi. 

D'où la griffure.
Il s'avance vers moi, faisant le tour de la cloche cependant lorsqu'il souhaite m'approcher, je le repousse, sans même le toucher, un vent violent le frappe et il est propulsé en arrière. Il glisse au bord du précipice et se retient avec ses mains, ses jambes pendant dans le vide, le corps se balançant.

— Chloé ! 

Je m'avance vers le bord, les larmes aux coins des yeux mais je ne sais pas si j'ai la force de pleurer. 

— Regarde-moi, Chloé ! crie-t-il. Regarde-moi ! 

Je m'accroupis et je plonge mes yeux dans les siens. Ses beaux yeux bleus, auxquels je me suis livrée. 

— C'est moi ! C'est Tristan !

Je secoue la tête.

— Tu m'as trahie... 

— Je voulais que Lucius revienne mais...

— STOP ! 

Je ferme les yeux un instant, sentant mes larmes rouler sur mes joues. Lorsque je les rouvre, je le vois grimacer, à tenter de s'accrocher mais il est certain qu'il va lâcher prise d'ici peu,  et qu'il tombera dans le vide pour s'écraser sur le sol, quelques mètres plus bas. 

— Dis-moi... ce qu'elle a dit... est-ce vrai ? Tout est vrai ? 

Il me fixe un instant, les mâchoires serrées.

— Je vais lâcher, aide-moi à remonter, je t'en prie ! Nous en discuterons une fois tout cela terminé ! 

— Réponds-moi ! ordonné-je. 

Un nouvel éclair fend le ciel. 

— Oui... tout est vrai... marmonne-t-il. Je t'observe depuis... depuis tes onze ans. 

Je déglutis difficilement et relève le menton, les lèvres pincées, je tente de contenir mes émotions, de contenir mes larmes.

— Mais j'ai changé d'avis, je veux t'aider... je t'en prie... crois-moi, supplie Tristan.

Je ne l'ai jamais vu aussi vulnérable. Je ne l'ai jamais vu aussi... humain. 

— C'est impossible. 

Il me fixe, je peux lire dans ses yeux la détresse, je peux voir sur son visage la tristesse mais est-ce réel ? Ne joue-t-il pas un rôle, encore ? 

— Adieu Tristan... murmuré-je. 

Il fronce les sourcils, commence à paniquer et moi je me redresse, de ma semelle, j'écrase ses doigts qui craquent sous mes pieds sans même réfléchir. Il pousse un cri mais lâche sa prise. Je détourne le regard, je peux simplement entendre le choc de son corps contre le cabanon en bois juste en dessous, puis celui de son atterrissage sur le béton. Je ferme les yeux, sans pouvoir contenir mes larmes. Ma gorge est nouée, mon estomac tordu, à tel point que je ne sais même plus si je suis en vie ou morte. 

— Nous allons pouvoir terminer ce que nous...

Je me jette sur Josépha que je plaque contre un mur. J'approche mon visage du sien, les dents serrées, le visage inondé de larmes, le cœur brisé. Je la fixe, je me plonge dans ses yeux aussi noirs que son âme.

— Nous n'allons rien terminer du tout. Je vais te tuer ! articulé-je.

J'appuie ma main contre son cou, j'entends Darius se précipiter vers moi, alors de mon autre main, je lui fais goûter les Ténèbres. La brume qui sort de ma paume le frappe de plein fouet et il est propulsé quelques mètres plus bas, là où la bataille fait rage. La main qui serre le cou de Josépha enivre tout son corps de brume. Je peux même la voir commencer à entourer ses chevilles lentement, puis ses mollets, ses cuisses, son ventre, ses mains, ses bras... Elle ouvre la bouche pour respirer, pour parler, cependant rien n'en sort sauf quelques râles d'agonie. Des veines sur son front ressortent, ses yeux s'injectent de sang, la brume vient alors recouvrir son visage démoniaque puis je lâche enfin, lorsque j'entends d'étranges craquements. Je recule de quelques pas, pour alors découvrir que tout son corps se transforme en pierre, lentement. Je peux entendre son souffle s'amoindrir, jusqu'à disparaître quand la pierre recouvre la peau laiteuse de son visage parsemé de tâches de rousseur. Il n'y a qu'une seule larme qui parvient à échapper à sa prison de pierres, elle roule sur sa joue de statue puis, sa nouvelle peau craquelle lentement, formant des fissures qui tracent leur chemin sur son visage, son corps, forment quelques crevasses et la voilà qui part en poussières, lentement... bien plus lentement que les battements de mon cœur. 

Je me laisse tomber à genoux, les bras ballants, le cœur meurtri. Je pleure, sans m'arrêter. Et chaque fois que mon organe vital frappe ma poitrine, l'orage gronde, le tonnerre retentit, les éclairs fendent le ciel noir...

Dois-je dire adieu à mon humanité ? 


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