XXV - Les Ténèbres

Je me cambre en arrière et relâche l'énergie qui montait en moi tandis que tout le monde se met à courir et à crier. Ce qui sort de ma poitrine est brumeux, noir et ressemble à une explosion. La même qu'à Panterm. Puissante et bruyante.

Les vitres de chaque fenêtre explosent une à une et inondent la salle de débris de verre, les bougies sont éteintes, il n'y a plus aucune lumière. J'ai poussé un hurlement de douleur quand cette puissance est sortie de moi et maintenant que c'est terminé, le silence s'abat sur Corvil.

Je suis seule dans la pièce, avec le corps de Hugh sur mes genoux. Je n'entends que mon souffle irrégulier, mes larmes coulent toujours. Il n'y a que la lune qui peut nous éclairer un petit peu.

— Mère...? Appelé-je.

Aucune réponse, la brise à l'extérieur s'engouffre dans la demeure et laisse traîner un sifflement sinistre.

— Père...? Tristan...?

Je baisse la tête vers mon ami, le pauvre à plusieurs égratignures sur le visage à cause des débris de verre. Je dépose un baiser sur son front et me relève tout en déposant doucement sa tête sur le sol.

Iom Erebil...

Laissez-moi ! Crié-je.

Ma voix semble résonner dans la demeure. J'avance lentement, chaque pas que je fais est bruyant, les morceaux de verre s'écrasent sous mes pieds. L'atmosphère est pesant, il fait froid, noir...

Iom Erebil...

Je m'arrête et ferme les yeux. Ce chuchotement qui semble provenir des quatre coins de la pièce hérisse mes poils.

— Tu l'entends,  n'est-ce pas ?

Je sursaute à l'entente de cette voix bien réelle. Alors je me retourne. C'est Darius, et de sa main, une flamme éclaire vaguement l'endroit et projette sur son visage des ombres disgracieuses. Il s'avance d'un pas puis d'un autre cependant, moi, je recule.

— Ne t'approche pas de moi ! Ordonné-je.

— Tu as entendu sa voix... pas vrai ?

— La voix de qui ?

Je tremble de tout mon être, je veux savoir où sont mes proches et je veux que le soleil se lève.

— Lucius... tu l'entends ?

Iom Erebil.

Je fronce les sourcils et arrête de reculer.

— Oui...

— Il t'appelle.

Je relève les yeux vers Darius qui s'arrête à deux mètres de moi. Son feu permet de nous éclairer, cela me rassure quelque peu. Je vois que le bras de l'Enchanteur est bandé, suite à son altercation avec Tristan sur la crique.

— Pour-pourquoi ?

— Tu es la seule qui pourra le retrouver, savoir où il a été envoyé et le libérer.

— Je n'en ai pas envie.

— Tu finiras par le vouloir.

Iom Erebil.

Darius fait de nouveau un pas vers moi, cependant, je mets ma main en avant.

— N'approche pas j'ai dit !

Une sorte de brume épaisse et noire en sort au même moment. Elle sort littéralement de la paume de ma main. Je tente de cacher ma stupéfaction tandis que Darius recule d'un pas.

— Tout doux...

— Non ! Je ne veux pas que tu t'approches de moi !

— On pourrait être dans le même camp, tu ne penses pas ? Intervient une voix féminine.

Quand je tourne la tête, je reconnais Josépha qui passe à côté de moi et qui se poste à côté de Darius. Je n'ai qu'à baisser les yeux et remarquer qu'elle porte les vêtements de Kyrsten pour comprendre que c'est elle qui a pris son apparence.

— Toi... sifflé-je entre mes dents serrées. Tu as tué mes amis !

— Toi aussi, rétorque-t-elle. Tu es parti, et tes monstres dévorent Panterm et ses habitants. Les Changeurs de Peaux y passent eux aussi.

Elle s'avance.

— Mon frère...

Elle continue.

— Mon père...

Lorsqu'elle est trop près de moi, je sens l'énergie chatouiller mon bras et je la frappe de cette brume obscure qui sort de ma main. Elle est envoyée en arrière et glisse sur le sol quelques mètres plus loin.

— Je vous ai dit de ne pas vous approcher de moi !

— Hé, bande de petits merdeux !

Je vois Tristan entrer à son tour dans la pièce, vêtu de son manteau.

— Et si vous vous attaquiez à quelqu'un de votre taille ? Chloé est trop puissante pour vous...et elle sait déjà ce qu'elle doit faire.

Il s'approche d'une fenêtre, je le vois retirer le manteau et le jeter par cette même fenêtre. Son regard croise le mien et je crois comprendre ce qu'il veut dire. Le manteau me permettra de garder le contrôle.

— Tu sais ce que tu as à faire, déclare-t-il à mon égard.

Alors que les deux autres se jettent sur lui, moi, je prends la fuite. J'ai confiance en Tristan, il s'en sortira. La brume qui sortait de ma main a disparu et me voila qui cours dans les couloirs de la demeure, terrorisée. Je dois trouver cette Esmeralda, et vite.

Je rejoins ma chambre, à l'aveuglette et je récupère mes affaires : je me libère de cette robe étouffante, j'enfile des pantalons, des bottes... je prends mon sac avec la carte d'Ary dedans et je quitte la maison.

Je cours à présent dans les jardins mais m'arrête un instant, je récupère le manteau qui est accroché à un buisson et jette un coup d'œil autour de moi. Il y a des gens ici, mais ils sont morts... certains n'ont même plus de bras, de jambes, ou de tête... ils gisent sur le sol, baignant dans leur propre sang.

Un rugissement retentit, je lève alors la tête mais ne voit rien. Je ne sais pas d'où il provient, je ne sais pas ce que c'est mais je comprends que je viens de détruire Corvil.

J'avance doucement dans les jardins, j'enjambe quelques cadavres mais suis rapidement rattrapée par des gardes.

— Elle est là ! Crie Ary.

— Je t'en supplie, épargne la, elle n'est pas mauvaise comme Lu...tente Hélène.

— Attrapez la et tuez la ! Ordonne Ary en lui coupant la parole.

Je vois cet amas de gardes se précipiter sur moi alors j'écarquille les yeux.

— Cours Chloé ! Me hurle Hélène.

Je tourne les talons et je cours à travers les buissons piétinés par une Ombre Obscure. Je saute par dessus le muret du jardin, je roule dans la terre mais me relève rapidement. Je décide d'enfiler le manteau, il est trop grand cependant, à ma plus grande surprise, il s'ajuste à ma taille progressivement.

Néanmoins je n'ai pas le temps de m'y attarder, alors je reprends ma course effrénée vers la mer. Alors que je cours, une énorme Ombre Obscure me bloque la route. Elle atterrit juste devant moi. Ce n'est rien d'humain, ni d'animal. Elle ne ressemble qu'à un énorme monstre à quatre pattes munies de griffes acérées, sans yeux, avec une énorme mâchoires pleines de dents prête à nous réduire en miettes. Elle rugit et saute à nouveau. Je me baisse, les bras au dessus de ma tête, pensant que je vais me faire dévorer, mais c'est tout autre chose. Elle écrase deux soldats à son atterrissage et attaque les suivants.

Je suis terrifiée et j'aimerais les aider... mais je dois trouver Esmeralda au plus vite. Je me résigne à les abandonner à leur sort, leur cri de torture résonnant dans mon esprit à tout jamais.

Je ne m'arrête de courir qu'après avoir passé les montagnes et rejoins le chant rassurant des vagues qui s'échouent sur la plage. Là, je me laisse tomber à genoux et je pleure toutes les larmes de mon corps. J'entends encore des cris d'ici, des rugissements et il n'y a plus aucune lumière aux alentours.

C'est moi qui ait fait cela.
J'ai abattu les ténèbres sur ma Nation.

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