IV - Le manteau

Je n'ai pas pu fermer l'œil de la nuit et ce n'est pas suite à ce bal ou bien à ma virée en bateau catastrophique mais bel et bien Tristan et ses menaces.

Alors que j'entends les oiseaux chanter à l'extérieur, ce qui annonce clairement le levé du soleil, je suis toujours dans la même position que la veille au soir.

J'ai l'impression que depuis que j'ai quitté ma famille et mes amis, tout est hors de contrôle pour moi, chose qui n'a jamais été le cas auparavant. Je suis terrifiée, terrorisée par ce que j'ai vu sur ce bateau, la pression de sauver ma famille me tiraille, ce prince me semble trop aimable, cet endroit trop parfait et ce manteau a totalement disparu.

Hélène entre dans la chambre, déjà parfaitement apprêtée dans une belle robe rose pastel. Elle tire les rideaux pour faire entrer le soleil dans la pièce. Je me couvre de la couverture et gémis. Je ne me sens pas en forme, fatiguée et secouée.

— Chloé, vous êtes attendue pour le petit déjeuner, vous avez besoin de prendre un bain et de...

— Partez, grogné-je.

Elle tire la couette, me forçant à me découvrir alors je lui jette le pire des regards.

— Votre bras, Chloé !

Je regarde mon bras et m'assois brusquement. Il me fait mal, jusqu'à l'épaule, la griffure est gonflée mais le pire c'est autour... toutes ces veines qui ressortent, elles sont noires, on dirait qu'elles sont prêtes à exploser. Hélène garde ses mains sur sa bouche et cet air horrifié.

Je la vois qui se précipite vers la porte encore ouverte, alors je me lève tout en lui demandant de ne pas quitter la pièce. Certainement dû à un courant d'air, au même moment, la porte claque sous son nez. Elle pousse un petit cri de surprise et se retourne vers moi. Ma tête me tourne, mon bras pèse une tonne, j'ai l'impression que je vais mourir d'une minute à l'autre.

— S'il vous plaît... j'ai besoin de votre aide.

— Chloé, ce que vous avez sur le bras... ! Je pensais qu'un chat vous avait malmené mais c'est clairement la blessure d'une Créature de l'Ombre ! Il faut en avertir le roi.

— Non ! Que vont-ils faire de moi ?

— Vous soigner !

— Je dois retrouver mes affaires.

— De quoi parlez-vous, Chloé ? Vous perdez la tête, c'est cela... ? Avez-vous de la fièvre ?

— J'ai volé le manteau de quelqu'un et je dois le lui rendre rapidement. Je risque ma vie. J'ai besoin de ce manteau.

Elle me regarde, son expression de peur laisse place à présent à l'incompréhension.

— S'il vous plaît Hélène... aidez-moi...

Ses sourcils restent froncés mais malgré cela, je vois son visage se détendre petit à petit. Elle semble être dotée d'une grande empathie. Je ne pense pas que ce soit une mauvaise personne et j'ai également l'impression que c'est la seule personne à qui je peux réellement faire confiance ici.

— À qui avez-vous volé le manteau dont vous parlez ?

— Je... promettez moi de ne rien dire au roi. En fait, promettez moi de ne rien dire à personne.

Je la vois qui semble réfléchir un instant, les yeux dans le vague pour finalement les reposer sur moi.

— Il faut que quelqu'un regarde votre bras...

— Je ne veux pas que le roi soit mis au courant de cette blessure.

— Très bien, je connais quelqu'un en ville qui pourra y jeter un œil. Nous ne pouvons pas vous laisser ainsi !

Je hoche la tête, touchée et à la fois surprise par le fait qu'elle accepte de me suivre dans cette folle histoire.

— Comment était le manteau ? Demande-t-elle.

— Il était noir, long, fendu à l'arrière. Deux ourlets sur les manches, légèrement poussiéreux et... si je me souviens bien, il avait un col large, rigides. Les boutons du manteau sont en bronze...

— D'accord... je vais aller regarder ce qu'il y a comme vêtements à la laverie et je vous retrouve ici. En attendant Chloé, prenez un bain, et habillez-vous de sorte à ce que votre bras ne soit à la vue de personne.

Je hoche la tête et Hélène ouvre la porte. Cependant je la retiens un instant.

— Hélène ?

Elle me jette un regard.

— J'espère pouvoir vous faire confiance.

Elle m'adresse un sourire courtois et rassurant puis quitte la pièce en refermant la porte. Je laisse mes épaules s'affaisser et pousse un profond soupir.

Je traîne des pieds jusqu'à la salle de bain où j'abandonne ma chemise de nuit pour me glisser dans un bain chaud. Je laisse mon bras hors de la baignoire, je le fixe un instant et lorsque je crois voir l'une des veines noires bouger, je pousse un gémissement de stupeur et le plonge dans l'eau. Je jette ma tête en arrière, me mords la langue et lâche un râle de douleur. Tout mon corps tremble, mes poils se hérissent jusqu'à dans mon dos et je sens mes yeux se révulser sans que je ne puisse le contrôler. Mon corps entier se raidit, mes jambes trembles de plus en plus fort, mes bras aussi puis tout mes membres. Je convulse, sans le contrôler. Je ne vois rien. Rien sauf le néant total. Du noir, de l'obscurité, les ténèbres. Comme si j'étais enveloppée dans un nuage noir.

J'entends une voix, peut-être des voix. Elles murmurent mais je n'y comprends rien.

— Iom erebil...

Puis plus rien. Tout s'arrête, même mes convulsions. Je rouvre les yeux, essoufflée et troublée. Le lustre au plafond vacille tout seul, et toutes les babioles qui étaient posées sur le lavabo sont tombées par terre. L'eau de mon bain est presque totalement en dehors de la baignoire et moi je reste immobile de longues secondes, perturbée. Cette voix était tellement étrange, ces chuchotements, cette langue que je ne comprends pas...

J'inspire profondément par le nez, puis expire par la bouche pour reprendre mon calme. Hélène entre au même moment dans la salle de bain. Voyant le bazar qui s'y trouve, elle s'empresse de prendre une serviette et m'aide à en sortir. Elle m'enroule dedans et frotte mes épaules avec ferveur tout en me regardant, l'air préoccupée.

— Avez-vous le manteau ? Balbutié-je.

J'ai jusqu'à midi, pas une minute de plus et je ne perdrai donc pas de temps. Mon bras attendra que cette affaire soit réglée.

— J'en ai trouvé un oui...

Elle m'aide à avancer jusque dans la chambre. Un manteau est posé sur le lit. Il est long, noir... mais je ne sais pas pourquoi, il ne dégage pas ce que dégageait le manteau que j'avais trouvé sur le bateau. Je ne sais pas non plus pourquoi, mais je ne pense pas que ce soit le bon...

— Où l'avez-vous trouvé ? Il m'a l'air bien trop propre...

— C'était le seul manteau ressemblant à votre description à la laverie.

Je tiens la serviette pour rester couverte puis détaille le vêtement. Il n'a pas d'ourlets grossiers aux manches, ce qui confirme que ce n'est pas le bon.

— Non... ce n'est pas le bon manteau... où est ma valise ?

— Qui a pris vos affaires à votre débarquement, Chloé ? Elle devrait d'ores et déjà être dans votre chambre.

Le vieil homme.

— Un certain Eudyp.

Hélène me toise longuement, les sourcils froncés. Alors j'attends qu'elle me réponde mais je sens que ça ne va pas me plaire.

— Il n'y a pas de Eudyp parmi le personnel domestique, Chloé...

— Si ! Un vieil homme, un petit peu voûté, maigrichon... il avait les cheveux gris, les yeux bleus... une tâche de naissance sur le front...

— On dirait que vous parlez de Frederico, mais il a déserté il y a déjà deux semaines.

Je me laisse tomber sur le lit, je reste assise les bras ballants, les yeux dans le vague. Je ne comprends plus rien.

— Chloé, vous avez eu affaire à un Changeur de Peaux. Ça veut dire qu'un Changeur de Peaux s'est infiltré au château ! Je dois en avertir le roi !

J'attrape son bras avant qu'elle ne quitte la pièce.

— Hélène, il en va de l'honneur de ma famille. Tout ça doit rester secret. Je vais régler la situation.

— C'est très dangereux, Chloé.

— Peu importe, je suppose que ce Eudyp a pris le manteau, il l'a volé et il n'est plus dans l'enceinte du château maintenant. Je vais aller donner le manteau que vous m'avez ramené à son propriétaire, il n'en verra que du feu. Il suffit juste de refaire les ourlets des manches.

Je m'empresse de retrousser les manches de mes mains tremblantes, mais plus je pense à ce qui va suivre et plus je tremble. Doucement, Hélène pose sa main sur la mienne et croise mon regard. Le sien est doux, compréhensif bien qu'apeuré.

— Laissez... je vais le faire, habillez-vous.

Je retourne dans la salle de bain et m'y enferme. Je m'appuie contre le lavabo et lève les yeux vers mon reflet. J'ai des cernes noirs sous les yeux, je ne les avais pas hier soir, mes cheveux ont l'air ternes et fins, on dirait que je suis malade. Aujourd'hui je porterai un habit plus discret qu'hier au bal : une robe beige et marron, longue, sobre, ses manches évasées retombent sur mes bras ce qui permet de cacher l'atrocité qui prend place sur ma blessure. Je me noue les cheveux dans un chignon tiré, me pince les joues pour avoir bonne mine puis rejoins Hélène qui termine tout juste les ourlets. Elle semble douée en couture. Elle me montre le manteau qui est presque aussi long qu'elle.

— Et voilà, qu'en pensez-vous ? L'inconnu n'y verra que du feu ?

— Il y a de fortes chances... je l'espère.

— Je vais aller prévenir le roi que vous êtes souffrante et que vous avez besoin de repos aujourd'hui. Je demanderai à ce que personne ne vous dérange. Mais soyez revenue avant dix sept heures ce soir. J'ai glissé une adresse dans la poche du manteau, après l'avoir rendu à son propriétaire, rendez-vous à cette adresse pour faire soigner votre blessure.

Je hoche la tête pour confirmer que j'ai bien compris ses instructions. Je pense ne jamais pouvoir lui être assez reconnaissante pour son aide et sa bienveillance.

— Chloé, passé dix sept heures, il sera compliqué pour moi de vous couvrir. Comprenez-le.

— Je serai rentrée.

— Entendu, allez-y, la famille royale est d'ores et déjà installée pour le petit déjeuner.

— Merci infiniment Hélène !

Je serre le manteau contre moi et je quitte ma chambre. Je dévale les escaliers à toute allure, traverse le grand hall, salue poliment les gardes et traverse le jardin avant de la demeure. Là où plusieurs personnes s'y baladent. Je franchis les grilles toujours en saluant les gardes postés devant celles-ci puis je commence mon ascension dans la ville de Panterm.

Pourvu que Tristan n'y voit que du feu...

Aimez-vous l'idée de poster de personnage ou pas ?

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