13 - Zola

« N'attendez pas le Jugement dernier. Il a lieu tous les jours. »

– Albert Camus.


J'ai envie de découvrir autre chose.

De reprendre cette vie qu'on m'a volée.

Pour être honnête, j'aurais aimé que tout soit différent.

J'aurai voulu que ma famille ne soit pas des meurtriers, que ma soeur ne meurt pas dans ce terrible accident, que mon horizon ne se voile pas éternellement de noir.

Je sais, j'enfonce des portes ouvertes.

Quand j'ai découverts que j'étais devenue aveugle, j'ai été terrifiée par ce noir à perte de vue. C'était une sacrée ironie, l'obscurité étant depuis toujours ma plus grande phobie.

Au début, j'ai essayé de me balader dans ce vide. J'ai cherché une brèche quelque part, j'ai prié pour trouver la lumière et le soleil.

J'ai dû finir par me résigner ; il n'y avait rien.

Plus la moindre lueur d'espoir.

J'étais enfermée, enlacée à ma plus grande peur pour toujours.

J'aimerai vous dire que cette obligation m'a rendue plus forte, que ça m'a permis de confronter mes démons et de les vaincre.

Ce serait un mensonge.

La vérité c'est que le situation n'a fait qu'empirer.

Même si je dis que tout va bien, même si j'affiche un sourire sur mon visage ; aujourd'hui, j'ai peur de tout.

Ouvrant doucement ma porte après avoir envoyé un message d'urgence à Ed, je tendis l'oreille pour percevoir des bruits provenant du rez-de-chaussée. La voix de Jared, en pleine discussion avec d'autres que je n'avais jamais entendu, résonna. Même si j'étais trop loin pour restituer leur conversation, je devinais à son ton qu'il n'y avait pas de danger.

J'aurais mis ma main à couper qu'il connaissait les nouveaux arrivants.

Je m'avançai pour être sûre, jusqu'à l'escalier qui menait à la porte d'entrée, me guidant à l'aide de mes mains contre les parois du couloir. Au milieu de mon parcours, un objet abandonné sur le sol me fit trébucher et je me rattrapai maladroitement à une commode, faisant tomber ce qui se trouvait dessus.

Le bruit d'un objet qui dégringole les escaliers résonna alors que je rougissais.

Les voix se turent.

Des pas se rapprochèrent, signe que quelqu'un venait de gravir les marches jusqu'à moi, et l'odeur habituelle de Jared me frappa pendant qu'il ramassait ce que j'avais fais tomber pour le reposer sur la commode.

– Zola, s'exclama-t-il en me frôlant, Pourquoi n'es-tu pas restée dans ta chambre ?

– Je voulais vérifier que tu allais bien, expliquai-je, mal à l'aise.

– Pour cette fois, il n'y a pas de danger. Mais je suis curieux, qu'aurais-tu fait si on m'avait menacé d'une arme ? demanda-t-il, amusé.

– Oh, et bien, j'imagine que j'aurais agité - au hasard - les bras de droite à gauche pour désarmer l'intru, rétorquai-je, ironique.

Jared s'esclaffa avant d'être interrompu par une voix masculine inconnue.

– J, tu ne nous présentes pas ?

– Oui, pardon. Zola voici Eleanor Penn et Clyde Coal, ainsi que l'adorable petit Thomas dans son landau. Ce sont mes amis... Des amis qui, à l'évidence, n'ont aucun savoir vivre puisqu'ils se permettent de rentrer en douce, à trois heures du matin, en forçant la porte.

– J'avais oublié mes clés, grommela le fameux Clyde.

–  Et je n'ai pas explosé ta porte en mille morceaux non plus. Exagère pas ! J'ai simplement crocheté la serrure, souligna une voix féminine que je déduisis être Eleanor.

– Oui, d'ailleurs, je suis très curieux de savoir où tu as appris à faire ça, jeune fille, repris Jared, Bon, peu importe. Eleanor et Clyde, je vous présente Zola Black.

Un silence pesant envahit la pièce. Un vide dont je ne connaissais que trop bien la signification.

– Rassure-moi, Jared, commença son ami d'une voix trop calme, Elle n'a rien à voir avec LA famille Black.

– Si, répondis-je timidement, optant pour la vérité, C'est bien ma famille.

Un soupir qui en disait long se fit entendre.

– Mec, tu abuses. Couche avec qui tu veux, mais une Black, Jared. Vraiment ?

Je rougis jusqu'aux oreilles.

Même si Jared l'ignorait, Steven m'avait parlé de sa réputation d'éternel coureur de jupon, et bien que depuis mon arrivée, il ne m'avait pas montré cette facette de sa personnalité, j'avais parfaitement conscience de ce que ses amis étaient en train de s'imaginer.

– On ne couche pas ensemble, contra Jared sans pour autant s'éloigner de moi.

Il était si près que je pouvais sentir la chaleur de son corps m'envelopper.

– Tu as conscience qu'à vous deux, vous ne portez qu'un seul pyjama, souligna Eleanor en riant, beaucoup moins froide que Clyde, Tu as le bas et Zola le haut. Tu reconnaitras que ce n'est pas une évidence. Et n'essaie pas de nier, je reconnais l'ensemble Ghost-buster que je t'ai offert à Noël passé.

Jared rigola, pas gêné le moins du monde.

– Oui, je lui ai prêté ce T-shirt, mais nous sommes simplement amis.

– Peut-être, mais ça, Jared, c'est encore plus difficile à croire, lui rappela-t-elle, sceptique.

– Peu importe, ce qu'ils font ensemble, qu'ils jouent aux Uno ou qu'ils s'envoient en l'air, l'interrompit Clyde, en colère, Jared Harding, qu'est ce qu'une Black fout dans cette maison ?

Son ton était si teinté de haine à cette dernière phrase que je reculai instinctivement d'un pas, effrayée. 

Une main rassurante se glissa dans mon dos.

– Coal, ne parle pas comme ça, tu ne sais rien, reprocha Jared d'une voix que je ne lui connaissais pas.

– Jared, est-ce que je dois te rappeler ce qu'a fait sa famille ?

– Clyde, est-ce que je dois te rappeler que tu es bien placé pour savoir qu'une personne n'est pas responsable des actes que commet sa famille ? répondis mon ami sur le même ton.

Je hoquetai. Jared m'avait dit que, exceptée Eleanor, personne n'appelait Clyde par son prénom. Si il le faisait maintenant, c'est que la discussion devenait sérieuse et prenait un tournant inquiétant.

– Tu vas trop loin, cracha Clyde d'une voix menaçante en faisant un pas vers nous.

– Ça suffit, s'écria fermement Eleanor, Il a raison, Clyde. On ne connait pas l'histoire, on ne sait pas comment Zola est arrivée ici. Je pense qu'on devrait d'abord les écouter avant de porter un jugement hâtif. S'il te plait, mon amour, ajouta-t-elle à voix basse, Tu ne vas pas te battre avec ton meilleur ami devant ton bébé. Ne m'oblige pas à être la personne raisonnable de notre couple, ça va mal tourner.

– Ok, soupira Clyde, Ne restons pas dans les escaliers, on va finir par alerter toute la maison. Allons dans la cuisine pour discuter.

– Viens, murmura Jared en passant son bras sous le mien et en enlaçant nos doigts afin de me guider.

En descendant les escalier, je cru percevoir les murmures d'une discussion entre Eleanor et Clyde où le mot « aveugle » fut prononcé.

Lorsque nous fûmes tout les quatre assis au tour de la table de la cuisine, le silence uniquement interrompu par les gazouillements du bébé dans les bras d'Eleanor, nous restâmes figés, attendant de voir qui allait commencer.

Jared pris alors la parole. Il leur raconta chaque détail de l'histoire, n'oubliant rien, ne passant sur rien, me demandant quelques fois si j'étais d'accord qu'il partage certaines informations, telle que l'étrange déclaration de mon père. Il expliqua l'enlèvement de Mercy, les recherches, notre rencontre mouvementée et mon obstination à les aider jusqu'à notre alliance.

– Et donc, tu ne sais pas du tout ce que te veut ta famille ? me demanda doucement Eleanor quand Jared eu fini, Vous avez des pistes ?

Je haussai les épaules.

– Non. C'est difficile d'enquêter quand on ne sait pas ce qu'on cherche. Pour l'instant, nous ne pouvons que supposer.

– Zola, premièrement, laisse moi te dire que je suis vraiment désolé pour mon comportement, commença Clyde d'une voix douce, Il ne faut pas prendre mes propos personnellement. Quand j'ai entendu le nom de famille Black, j'ai vu rouge. Ce qui s'est passé, la dernière fois, m'a beaucoup affecté. Je me suis senti responsable de la mort de cet homme que ton frère a tué. Ensuite, concernant ton histoire, c'est une bonne chose que tu sois tombée sur Jared, je suis sûr que vous trouverez et que vous arriverez à régler la situation tous les deux.

– Merci, soufflai-je, soulagée.

– Quant à toi, reprit-il à l'intention de Jared, Il va falloir que l'on parle à propos du fait que tu décides d'enlever une jeune femme, peu importe qui est sa famille, sans en parler à personne. Si Ed et Mercy ne t'ont pas assez engueuler, moi, je vais pas te rater. Ce n'est pas parce que je ne suis plus là que tu peux faire ce genre de conneries. A quoi tu pensais, J ?

– Je n'ai pas d'excuses, admis Jared, Je pensais seulement à retrouver Mercy. Je sais bien qu'on va avoir une conversation et que ça ne sera pas une partie de plaisir, mais on doit pouvoir attendre demain que le soleil se lève. Par contre, maintenant que c'est réglé ; est-ce que j'ose vous demandez ce que vous faîtes ici. Ce n'est pas que je ne suis pas content de vous voir, seulement, je croyais que vous ne comptiez pas venir avant la nouvelle année.

– Quand je t'ai eu au téléphone, la semaine passée, j'ai tout de suite compris que quelque chose n'allait pas, expliqua Clyde, Je comprends mieux pourquoi, maintenant.  Au début, je me suis dit que ce n'était qu'une mauvaise passe et qu'après tout, ce n'était plus à moi de régler ça. Vous pouviez vous en charger - ce que vous avez fait à l'évidence. Sauf que je n'ai pas arrêté d'y penser, j'en dormais plus. Dans ma tête l'idée que quelque chose de grave vous soit arrivés tournait en boucle.

– Il était très inquiet, expliqua Eleanor, Et comme, il n'y a pas d'avion à cause de la tempête actuelle sur le nord-Est du pays, on a décidé de venir en voiture.

– Vous avez roulé depuis la Sierra ? Vous êtes des malades ! s'exclama Jared, ahuri.

– Vous devez être épuisés, ajoutai-je.

– Ça va, assura Eleanor.

– Alors si ça va, tant mieux, ris Jared, Parce que avec cette visite imprévue, je ne sais pas où vous pouvez dormir. Il n'y a plus de place.

Une phase de réflexion où nous cherchâmes tous une solution afin de trouver un lieu où dormir à trois heures du matin commença.

– Prenez la chambre où je dors, c'est celle de Steven, proposai-je soudain, Vous avez un bébé et vous êtes deux, vous n'allez pas dormir dans le salon.

– Mais toi, où est-ce que tu irais dormir ? s'étonna Eleanor, inquiète.

J'étais sur le point de déclarer que le canapé me convenait très bien quand la voix de Jared me devança.

– Avec moi, indiqua-t-il.

– Jared ce n'est pas nécessaire.

– Zola, ce n'était pas une proposition, c'est un ordre.

– Tu m'ordonnes des choses maintenant ? C'est un peu présomptueux de croire que ça va marcher, non ?

– Je ne te laisse pas le choix car si je le faisais, tu serais bien capable d'aller dormir dans la baignoire. Je me trompe, mademoiselle Black ? En plus, on partage déjà un pyjama, on peut bien partager un lit.

Je soupirai mais ne répondit rien. Il avait gagné, cette fois ; j'étais trop fatiguée pour me battre. 

Mon père avait tendance à dire qu'il fallait soigneusement choisir ses batailles et celle là, à l'évidence, ne valait pas le coup, surtout si c'était pour finir par dormir dans une baignoire.

– Je vais retourner me coucher, d'ailleurs. Je vous laisse discuter, déclarai-je, devinant qu'ils avaient peut-être besoin d'intimité pour aborder certains sujets.

– Tu veux que je t'accompagne jusqu'à ma chambre ? proposa Jared en soulignant bien son dernier mot pour s'assurer que je n'allais pas aller dormir dans la baignoire par pur esprit de contradiction.

C'était tentant, je devais l'admettre.

– Non, merci. Je sais où elle est, lui assurai-je.

Il se pencha vers moi dans un geste qui semblait naturel et embrassa ma joue.

– Bonne nuit Zola, souffla-t-il.

– Merci beaucoup et bonne nuit, ajoutèrent le couple.

Alors que je m'éloignai, j'entendis la voix de Clyde murmurer à l'adresse de Jared.

– Mec, il va vraiment falloir qu'on parle.


***

Bonsoir à tous ! J'espère que vous vous portez au mieux.

Après ce mois d'examen, je suis contente de enfin pouvoir revenir à l'écriture et reprendre un rythme régulier pour Invisible ( le lundi, le mercredi et le vendredi).

J'espère que vous êtes encore là et que la suite vous plaira.

Vous êtes mes héros,

Nina

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