IV

Plusieurs semaines s'étaient écroulées et je ne faisais que tourner en rond. Rien de particulier n'était arrivé, aucun indice ne s'était présenté à moi. Je venais presque à regretter de ne pas avoir pris le sang dans les douches. Être envoyé chez les vampires m'aurait peut-être permis de m'avancer dans mes recherches sur ce monde plus que me le permettait ma situation d'orphelin en ce moment.

D'ailleurs, la soif se faisait de plus en plus intense chaque jour. C'était pour moi le seul moyen de deviner que le temps avançait puisque nous n'allions jamais à l'extérieur. Il y avait bien des rayons de soleil qui se glissait du haut plafond qui nous faisait office de ciel, mais il était impossible de les différencier de l'éclairage artificiel du centre.

Chaque jour, nous avions des cours après le réveil et des travaux dans d'immenses serres le reste de notre journée. N'ayant pas besoin de se nourrir, les vampires s'assuraient que nous cultivions toute la nourriture nécessaire à notre bon développement par nous-mêmes. Certains étaient aussi assignés à la ferme de lapins, ce qui nous permettait d'avoir du ragoût de temps en temps. Tout le monde adoraient ces repas d'occasion, mais, dans mon cas, la viande me rendait de plus en plus malade, ce qui attirait le regard de Calius.

Notre « vampire assigné » m'avait à l'œil depuis le premier jour, me rendant réellement mal à l'aise. Au départ, j'avais eu l'impression qu'il savait que j'aurais dû me transformer ce jour-là avec les autres, mais mes spéculations furent vite démenties.

-Hé toi!

Je me retournai, surpris. J'avais suivi le groupe pour aller déjeuner le premier matin, mais celui-ci m'avait retenu sans que je ne sache pourquoi.

-Oui, m'sieur?
-Où crois-tu aller comme ça?
-Pardon?
-Ne crois pas que je ne t'ai pas vu hier. Tu me dévisageais... Tu te crois un p'tit dur, comme ça?
-Mais de quoi parlez-vous? m'exclamai-je, confus.
-T'es un petit insolent, hein? Viens, je te donne un conseil.

Il m'agrippa ensuite le bras et je serrai les dents pour empêcher une réplique sanglante de s'échapper.

-Ne cause pas de trouble, petit. Qui sait ce qui peut arriver à un pauvre orphelin comme toi dont personne ne se soucie... Alors, ne joue pas au plus fin avec moi.

~•~§~•~

Je laissai mon bras retomber en grognant, faisant frapper le manche de ma cuillère contre la table de bois. Depuis ce jour-là, Calius n'avait pas cessé d'être sur mon dos, ce qui ne me laissait jamais la chance de me relâcher. Je mangeais comme tout les autres en sachant très bien que la moitié de mon assiette allait se retrouver dans les trous qui nous servait de toilettes, je courrais en revêtant mon expression la plus neutre pour éviter les tours supplémentaires qu'il infligeait à quiconque démontrait la moindre faiblesse et j'étais un élève modèle en histoire même en sachant que celle-ci avait été remodelé à l'image des vampires qui avaient marqué les combats les plus violents de l'humanité.

Soudainement, j'entendis un cri à l'autre bout de la modeste cafétéria. Une fillette hurlait en fixant un morceau rougeâtre dans son assiette, une patte de lapin à peine cuite et bien sanglante. La vue du rouge avait créé l'hystérie chez déjà trois jeunes seulement cette semaine. Parfois, même la vue de l'uniforme des aînés déclenchait les hurlements catastrophés de certains. Ils les traitaient de monstres, nous criaient de fuir alors que des membres de l'orphelinat en blouse blanche les tirait à travers un couloir immaculé. Je soupirai. Cette petite fille était foutue, peu importe que ses amis la priaient de se taire.

Une femme aux cheveux relevés en chignon et son collègue vinrent la tirer brusquement de son siège. Personne ne savait d'où provenaient ces personnes, on ne les voyait jamais sauf quand ils venaient chercher un jeune. Ils disparaissaient aussi vite qu'ils arrivaient. La fillette ne cessa pas de se débattre et de crier à plein poumons tout au long de l'opération, pourtant, après deux minutes, la salle était redevenue silencieuse malgré ses efforts.

Les murmures s'élevèrent de nouveau entre les enfants restant. Milo et les autres de notre groupe étaient bien trop occupé à s'exciter pour le match de ballon de ce soir et bien trop jeunes pour avoir remarqué que les enfants qui étaient emmené ne revenait jamais pour s'inquiéter outre mesure. Pourtant, je captai soudainement une bride de conversation qui attira mon attention.

-La nuit dernière, Jay a disparut!... Oui, je sais, mais j'te jure, j'me suis réveillé pis il était plus là!... J'sais pas... J'ai pas entendu de bruit hier... Ben non, dit-il en rigolant, on n'a pas fait de bêtises!...

Je me redressai. Des enfants qui disparaissaient dans la nuit? Il n'y avait que deux options : Soit les vampires avaient perdu patience et ne pouvaient plus attendre que nous nous souvenions pour nous emporter un à un, soit c'était l'oeuvre des rebelles qui sauvaient les orphelins de leur cruel destin. Enflammé, je me levai en poussant bruyamment le banc sur lequel j'étais assis. J'allais me déplacer pour découvrir la source de la voix que j'avais entendu quand on empoigna mon épaule.

-C'est pas vrai... sifflai-je entre mes dents. Hé, c'est écrit nulle part qu'on n'a pas le droit de se lever quand on est en pause, alors si c'est–
-Ferme-la, Harvey, grogna Calius. Je ne viens pas pour ça. Je dois te présenter un nouvel « ami » qui va venir rejoindre notre groupe.
-Ah? Pourquoi moi? m'amusai-je.
-Ça me tue de l'admettre, mais tu es irréprochable, me dit-il me lançant un regard noir. Tu vas devoir l'intégrer. Personnellement, je ne t'aurais pas choisi, mais–
-Il est où?

Le vampire serra les poings.

-Suis-moi.

Il pivota sèchement sur ses talons et parti comme une flèche sans regarder derrière lui. Je le suivis en souriant. J'adorais rendre Calius furieux en sachant très bien qu'il n'avait pas le droit de lever ne serait-ce le petit doigt sur nous. Par contre, mon sourire s'effaça rapidement. Il n'y avait jamais de nouvel orphelin qui venait rejoindre un groupe sans raison. Il était impossible que le nouveau venu se révèle être autre chose qu'un vampire espion et, s'il m'était assigné, ça ne pouvait pas être une bonne nouvelle...

Au bout d'une rangée de table, il y avait un garçon au trait fin qui attendait patiemment. Seul, il avait pourtant l'allure d'un ange avec ses boucles dorés retombant élégamment sur ses tempes. Au moment où notre regard se croisa, les pupilles de ses yeux bleus semblèrent s'étirer en deux fentes une fraction de seconde. Mon sang se glaça dans mes veines. Ce nouveau vampire n'annonçait rien de bon et tout dans sa gestuelle me hurlait qu'il savait que ma place n'était pas ici.

Quand je m'assis devant lui, Calius avait disparu. J'esquissai un sourire suffisant. Les prochains jours promettaient d'être beaucoup plus intéressants.

-Tu peux retirer ton masque, le vampire. Je n'ai pas de temps à perdre.

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