Chapitre 4

Deux semaines s'étaient écoulées depuis cette soirée. Marie-Louise était toujours aussi absente de la vie de sa fille, mais cette dernière s'y était habituée. Cela lui laissait une liberté de mouvement absolue, et elle n'allait pas s'en plaindre. Elle pouvait librement rejoindre Alexy, se promener avec lui durant des heures, et rire sans que sa mère ne lui lance des regards de reproche.

Malgré la distance, la rousse écrivait chaque soir des lettres à son père, contant ce qu'elle avait fait dans la journée, occultant parfois quelques détails afin de ne pas le peiner. Elle s'efforçait d'adopter un ton léger, mais le plus souvent, elle devait arrêter d'écrire car elle avait les larmes aux yeux. La journée, avec son ami, elle feignait de tout trouver merveilleux, mais il n'était pas rare qu'elle se réveille la nuit, en pleurs. Elle recevait à peine quelques lettres de son père, et se désolait devant la tristesse qui en émanait. Il avait beau essayer de la camoufler, elle lisait sa solitude à travers les lignes.

Et pour ne rien arranger, elle ne savait pas ce que sa mère faisait la nuit. Lorsqu'elle était réveillée dans la pénombre, elle entendit parfois des pas dans les couloirs, et quelques fois des rires étouffés. Mais elle n'avait ni le courage, ni l'envie d'aller voir ce qui se passait. Elle pressentait que cela ne la regardait pas, et elle avait aussi peur de ce qu'elle pouvait découvrir. Alors, elle enfonçait sa tête sous l'oreiller et s'efforçait de se rendormir.

Mais la journée, Alexy lui remontait le moral avec ses pitreries. Il sentait bien parfois que son amie était préoccupée, et il s'empressait de la dérider. Sa présence faisait du bien à la jeune femme, qui se demandait comment elle aurait fait s'il n'était pas là.

Le peu de fois qu'elle croisait sa mère, celle-ci lui adressait à peine un regard, sauf pour lui reprocher une insignifiante chose, et partait papillonner près d'un autre noble.

Morgane n'avait pas revu le roi, et ne s'en plaignait pas. Le regard amusé du souverain lui restait en mémoire, et le fait seul d'y penser la mettait hors d'elle. Elle en avait parlé à Alexy, qui s'était contenté de hocher les épaules en silence avant de lui dire qu'elle ne devait pas s'énerver pour si peu. Dakota de Bourbon était souvent moqueur, d'après ce que lui avait dit son ami. Mais pour elle, cela ne l'excusait pas. Ce n'était pas parce que le brun était tout-puissant qu'il pouvait persifler et se moquer.

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Ce soir-là, Morgane avait prévenu sa mère qu'elle passerait la soirée avec Alexy. La blonde avait acquiescé, un air satisfait sur le visage. Cette réaction énerva la rousse, mais elle resta silencieuse. Pour cacher son agacement, elle s'habilla avec soin, se coiffa, et sortit de ses appartements sans un regard pour sa mère.

Elle devait retrouver son ami dans les jardins, et après être sortie du château, elle alla se poster près d'une fontaine, attendant le noble. Mais le temps passait, et il ne venait pas. Pour tromper son ennui, elle s'accouda au rebord de marbre, et passa ses doigts dans l'eau, s'amusant des déformations de la surface. Soudain, quelqu'un la prit par la taille, et amorça un mouvement pour la jeter dans le bassin. Elle poussa un cri perçant, et se débattit avec force. La personne la reposa alors sur le sol, et elle se retourna immédiatement. Elle resta immobile en reconnaissant Alexy, puis la rage l'emporta, et elle assena de violentes tapes sur le torse du jeune homme en lui hurlant :

« - Comment avez-vous osé, espèce de... D'imbécile profond ! Mais... Mince ! »

Elle ne se contrôlait plus, et il attrapa ses poignets avant de la coller contre lui pour la calmer. Elle essaya de se dégager, mais il était bien plus fort qu'elle, et elle finit par arrêter de bouger. La rousse posa sa tête contre son épaule, et murmura :

« - Vous m'énervez...

- Je le sais, ma chère. Mais vous m'appréciez quand même, n'est-ce pas ? »

Elle soupira, car il savait très bien qu'elle ne pouvait pas nier. Il pouffa de rire, et haussa les épaules :

« - Que voulez-vous, on ne peut me résister... »

Elle s'écarta de lui, et plissa le nez :

« - N'en soyez pas si sûr, mon ami. »

Il écarquilla les yeux, puis en voyant qu'elle plaisantait, il eut un grand éclat de rire. Ensuite, il lui ébouriffa les cheveux, et s'exclama :

« - Allez, Morgane, allons danser ! »

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Morgane poussa doucement la porte de ses appartements en s'efforçant de ne pas faire trop de bruit. Elle ôta ses souliers avant de refermer le battant, et se dirigea dans le noir vers sa chambre. Mais elle heurta un meuble, et gémit de douleur en se massant la hanche. Elle tituba jusqu'à la pièce où elle dormait, y lança ses chaussures, et s'apprêtait à s'enfermer dans sa chambre quand elle vit que de la lumière filtrait sous la porte de sa mère. La jeune femme fronça les sourcils, et hésita. Peut-être que Marie-Louise était encore réveillée... Mais si elle s'était endormie avec la chandelle qui brûlait encore, cela pouvait être très dangereux pour elles deux. Sans tergiverser davantage, elle alluma une bougie dans sa chambre pour pouvoir se guider, laissa sa porte ouverte, et marcha doucement jusqu'à celle de sa mère. Elle inspira un grand coup, et poussa la porte de sa mère pour entrer dans la pièce.

Ce qu'elle vit la laissa stupéfaite. Sa mère n'était pas du tout endormie, bien au contraire. La rousse distingua un enchevêtrement de membres sur le lit de la blonde, et constata surtout qu'ils étaient nus. Elle reconnut la chevelure de sa mère, mais cette dernière était au lit avec un autre homme. Aussitôt, elle ressentit une surprise mêlée à de la haine, et serra inconsciemment les poings. Comment Marie-Louise pouvait-elle tromper ainsi son mari sans vergogne ? Sans réfléchir, elle recula, et se prit les pieds dans le tapis, avant de se rattraper à une commode pour ne pas chuter. Le bruit alerta la blonde, qui tourna son regard vers elle. Aussitôt, elle attrapa le drap pour se couvrir elle ainsi que l'homme, et hoqueta :

« - Morgane ?! »

L'inconnu releva la tête vers la rousse, qui écarquilla les yeux en reconnaissant le roi. Ce dernier eut un air surpris, avant d'arborer un sourire narquois. Il s'assit avec une lenteur exagérée, ne quittant pas la jeune femme du regard. Il s'étira, et fit rouler ses muscles, puis demanda :

« - Votre fille ne devait-elle pas être sortie ? »

Son ton condescendant la mit hors d'elle, et elle sortit brutalement de la chambre pour se ruer dans la sienne. Elle entendit sa mère l'appeler, mais secoua la tête et s'empara d'une malle. La rage lui nouait les entrailles, et elle se concentra sur sa tâche pour ne pas retourner frapper le souverain, ou Marie-Louise. Elle prit plusieurs robes au hasard dans son armoire, et les fourra dans son bagage, avant d'ajouter une brassée de livres. Elle termina par un corset et des bas ainsi que des jupons, et referma violemment la malle. Une main lui agrippa le bras, et elle se dégagea avec violence pour faire face à sa mère. Cette dernière tenta de s'expliquer :

« - Ecoutez, Morgane, je...

- Tais-toi ! lui hurla-t-elle. Comment as-tu pu faire une chose pareille, espèce de... De putain ! Comment ?! »

Elle ne pouvait même plus faire l'effort d'être polie. Elle n'éprouvait qu'une profonde haine envers sa génitrice, et lui lança un regard empli de reproches et de colère avant de prendre sa malle. Elle poussa la blonde pour sortir de la pièce, et se dirigea, écumante de rage, vers la porte pour partir au plus vite des appartements. Mais la silhouette imposante du roi se dressa soudain devant elle, et elle dut s'arrêter brutalement pour ne pas lui rentrer dedans. Il la fixait d'un regard amusé, et elle fut soudain prête à le gifler. Mais elle se rappela à temps qu'il était le souverain du pays, alors elle se contenta de lui lancer un regard venimeux avant de le bousculer pour sortir.

Dehors, sans réfléchir, la jeune femme se dirigea en courant presque vers l'aile du château réservée aux nobles. Elle comprenait à présent pourquoi sa mère avait d'aussi belles robes, et pourquoi elle habitait de si grands appartements. Elle faillit pousser un cri de rage, mais croisa un groupe de gentilshommes, et ravala difficilement sa colère. Ils la considérèrent d'un air intéressé, mais elle leur passa devant sans leur prêter attention, et s'engouffra dans la partie des nobles. Elle parcourut plusieurs couloirs bordés de chambres, cherchant un nom inscrit à la craie sur une ardoise. Soudain, Morgane s'arrêta devant une porte, et lut le nom de son ami, ainsi que d'un autre noble. Sans se démonter, elle toqua contre le bois, et se recula. Elle entendit quelqu'un grogner, puis il y eut du mouvement, et le battant s'ouvrit. Un jeune homme blond aux yeux d'or se tenait dans l'embrasure, à moitié réveillé. Il fronça les sourcils en la voyant, et soupira :

« - Ecoutez, vous devez sûrement vous tromper de chambre, car...

- Alexy ? le coupa-t-elle. »

Le jeune homme se frotta les yeux, et demanda :

« - Vous connaissez mon ami ?

- Morgane ? Que se passe-t-il ? »

Le noble poussa le blond, et ouvrit de grands yeux en voyant l'état de son amie. La rousse ne put que hoqueter avant de fondre en larmes :

« - Je... Je l'ai surprise... Avec un autre homme ! »

Aussitôt, Alexy bouscula le blond pour la prendre dans ses bras. Elle lâcha sa malle, et se raccrocha à son ami en sanglotant. Il la berça doucement, et s'adressa à l'autre homme :

« - Nathaniel, pouvez-vous prendre sa malle et la mettre près de mon lit, je vous prie ?

- D'accord. »

Le blond s'exécuta, et disparut. Aussitôt, Alexy la serra avec force contre lui, et murmura :

« - Voyons, Morgane, ne vous mettez pas dans un état pareil, je...

- Elle trompe mon père avec le roi... »

Elle constata à travers ses larmes qu'il n'avait pas l'air étonné, et écarquilla les yeux en s'écartant de lui. Il avait un air penaud sur le visage, et elle lui hurla :

« - Tu le savais ?! Tu étais au courant de tout et tu...

- Taisez-vous, vous risquez de réveiller tout le couloir ! »

Il lui plaqua sa main sur la bouche, et la fit rentrer de force dans sa chambre. Dès qu'il eut fermé la porte, elle se dégagea de son étreinte, et essaya de le frapper. Mais il attrapa ses bras et l'empêcha rapidement de bouger. Elle eut beau de débattre et pleurer, il ne la lâcha pas. Elle remarqua à peine que le blond s'était écarté pour se placer dans un coin de la pièce, occupée à expulser sa rage. Elle cria à Alexy :

« - Comment as-tu pu me le cacher ?! Espèce de...

- Morgane ! la coupa-t-il. »

Il agrippa ses joues d'une main, et la força à le regarder :

« - Calmez-vous ! »

Elle le fixa avec rage, mais elle ne pouvait rester en colère devant les yeux roses de son ami. Lentement, elle expira, et ferma à demi les yeux pour retenir ses larmes. Voyant qu'elle s'était apaisée, le noble la prit dans ses bras, et lui caressa doucement les cheveux pour l'apaiser, en lui murmurant :

« - Ma chère... Ce n'est un secret pour personne, dans ce monde ci. Je ne vous ai rien dit parce que vous étiez suffisamment préoccupée par votre père.

- Depuis quand...

- Je ne sais pas. Sûrement plus d'une année, je pense... »

La rousse poussa un gémissement plaintif, et se blottit davantage contre son ami. Cela faisait une année que sa génitrice trompait allègrement son mari, sans en éprouver le moindre remords. Elle souffla :

« - Je la déteste...

- Je le sais, Morgane. Je le sais. »


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