Chapitre 34

Sept jours s'étaient écoulés depuis la découverte de Kentin, mais elle avait constaté avec soulagement que cela n'avait rien changé. Il était toujours aussi prévenant avec elle. Cependant, elle remarqua qu'il devenait de plus en plus soucieux. Un pli barrait son front presqu'en permanence. Un jour, elle n'y tint plus. Morgane attendit qu'ils soient tous les deux. Il vint s'asseoir devant sa cellule, et elle attaqua :

« - Qu'avez-vous ? Ne me dîtes pas que ce n'est rien, je ne vous croirai pas. »

Il soupira, puis se frotta le visage. Ensuite, il la regarda longuement, et finit par murmurer :

« - C'est que... Je n'ai point de nouvelles de ma famille depuis plusieurs semaines, et... Je m'inquiète. »

Elle se mordit la lèvre, et hocha la tête d'un air qu'elle voulait rassurant :

« - Cela ne signifie rien... Par exemple, mon père pouvait ne pas m'écrire pendant un mois, mais... C'était juste parce qu'il était occupé. »

Elle mentait. Lorsque son père ne lui écrivait pas pendant une longue période, c'était qu'il était malade. Mais elle voulait surtout rassurer Kentin. Et elle y parvint, car il eut un sourire en coin, et lui saisit les mains :

« - Vous avez raison. Je me suis sûrement inquiété pour rien. »

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Ils n'en avaient jamais reparlé. Et, une fois, Kentin était même parvenu à lui amener autre chose à manger que cette bouillie informe et immonde. Morgane attendait dans sa cellule qu'il lui apporte de la nourriture. Elle caressait doucement son ventre, souriant dès qu'elle sentait des légers coups. Elle ne se lassait pas de sentir son enfant bouger. C'était la chose qui lui permettait le plus de supporter sa captivité. Kentin avait beau être adorable, il n'était pas souvent à ses côtés. Alors elle s'isolait dans un coin, et attendait que son bébé se manifeste.

Un bruit lui fit lever la tête. Elle reconnut son ami, planté devant sa geôle, les mains derrière le dos. Aussitôt, elle se souvint du nombre de fois où Alexy et elle avaient joué à ce jeu. Le brun vit son sourire, et s'exclama doucement :

« - Ce n'est pas drôle ! Vous étiez sensée demander ce que je vous amenais ! »

Sa remarque lui arracha un éclat de rire, et il déverrouilla la porte pour entrer dans la cellule. Il vint s'asseoir devant elle, et la fixa longuement en souriant. Puis, il soupira :

« - Regardez ce que je vous ai trouvé... »

Il ramena ses mains devant lui, et elle reconnut avec joie, dans une assiette, du poulet et de pommes de terre. Cela faisait tellement longtemps qu'elle n'avait pas mangé quelque chose de normal... Sans attendre, elle s'empara de l'écuelle et de la fourchette qu'il tendait pour dévorer son repas. La dose était également plus conséquente que ce qu'elle mangeait d'habitude, et elle remercia son ami du regard. Etant enceinte, il lui semblait que son appétit décuplait, et elle n'était jamais rassasiée.

Elle finit l'assiette rapidement, puis s'essuya sur la serviette qu'il lui tendait. Morgane adressa ensuite un sourire au brun :

« - Kentin... Je vous adore.

- Je le sais, mon amie. Je le sais. »

Il embrassa sa joue avec un rictus amusé, puis posa doucement ses mains sur son ventre. Ils attendirent tous les deux en silence, puis elle sentit un petit coup dans son abdomen, et un grand sourire illumina son visage.

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Soudain, alors que Morgane tentait de s'endormir, elle entendit une personne descendre les escaliers. Elle ouvrit les yeux, et se redressa difficilement pour reconnaître Kentin. Ce dernier avait une lueur de haine dans le regard. Elle frissonna lorsqu'il la regarda, et aussitôt, s'interrogea. Pourquoi était-il comme cela ? Qu'avait-il découvert sur elle ? Elle fouilla sa mémoire, mais ne trouva rien susceptible d'attiser une telle haine. Il s'adressa d'un ton froid au garde qui la surveillait :

« - Je dois l'emmener voir Charles. Ouvre sa cellule. »

L'homme s'exécuta sans poser de questions, puis reprit sa place initiale. Le brun entra dans la geôle, se dirigeant à grand pas vers elle. La rousse se recroquevilla de peur, mais il l'attrapa par les épaules et la releva. Immédiatement, elle manqua de tomber, et plaça ses mains sous son ventre pour le soutenir. Depuis qu'elle était là, il s'était encore arrondi, pesant de plus en plus lourd. Elle supplia son ami du regard de ne pas lui faire de mal, mais il l'ignora et la saisit par la taille pour la maintenir. Il y avait si longtemps qu'elle n'avait pas marché que ses jambes ne la soutenaient plus. Et cela semblait déranger le brun.

Kentin la fit brusquement sortir de la cellule en la soutenant toujours. Alors qu'ils allaient emprunter les escaliers, le garde demanda, d'un ton soupçonneux :

« - Ne lui attaches-tu pas les mains ?

- Est-ce vraiment utile ? Tu as vu son état ? »

Le rebelle jaugea Morgane du regard, arrêtant ses yeux sur son ventre volumineux, puis eut un sourire amusé :

« - C'est vrai qu'elle est incapable de résister. Allez, emmène-la. »

Les deux hommes se saluèrent de la tête, puis le brun entraîna la jeune femme dans les escaliers. Elle sentit sa peau devenir moite, et se mordit la lèvre. Pourquoi était-il comme cela ?

Ils débouchèrent dans un couloir peu éclairé mais fréquenté, et instinctivement, elle se pressa contre Kentin, cherchant à tirer du réconfort de sa présence. Mais il s'écarta, et siffla :

« - Garde tes distances, souillon ! »

Plusieurs hommes rirent, et elle sentit des larmes lui monter aux yeux. Qu'avait-elle fait pour qu'il la déteste à ce point-là ? Il la fit avancer avec brutalité, et ils arrivèrent dans une sorte de rotonde, éclairée par plusieurs flambeaux. Le plafond était en verre, et elle remarqua qu'il faisait encore jour. La jeune femme surprit les regards insistants de plusieurs rebelles posés sur elle, et rajusta sa chemise du mieux qu'elle put pour qu'elle dissimule sa gorge. L'un des hommes s'approcha d'eux, et demanda à Kentin tout en cherchant du regard la poitrine de Morgane :

« - Tu la gardes pour toi ?

- Non, Charles la demande.

- J'ai une petite idée de ce qu'il va lui faire... »

Son ton était plein de sous-entendus, et elle frissonna. Aussitôt, le brun éclata de rire :

« - J'ai pensé la même chose ! Allez, je dois me dépêcher, car tu sais très bien qu'il déteste devoir attendre... »

Ils se séparèrent, et il l'emmena dans un recoin peu fréquenté. D'après ce qu'elle avait pu voir, il s'agissait d'un immense repère, et elle songea un instant à s'échapper de l'étreinte de Kentin pour s'enfuir. Mais où aurait-elle pu aller ? Elle ne connaissait pas du tout cet endroit, et elle aurait plus de chances de se faire ramener dans sa cellule que de sortir.

Ils empruntèrent un couloir sombre, et elle sentit la peur tordre violemment ses entrailles. Que lui voulait ce Charles ? Elle avait une petite idée, mais refusa d'y penser. Des larmes d'angoisse roulèrent sur ses joues, et immédiatement, Kentin pressa le pas :

« - On y est presque. »

Son ton était neutre, et elle sentit sa respiration s'emballer. Elle ne voulait pas ! Elle ne voulait pas être livrée à cet homme qu'elle détestait plus que tout ! Qui sait ce qu'il allait lui faire !

Soudain, ils arrivèrent devant une porte. Il l'ouvrit, et une bourrasque fit voler les cheveux de la rousse. Mais... Il l'emmenait dehors ! Sans perdre de temps, il resserra son étreinte autour de sa taille, et la fit sortir de la base. Ses pieds entrèrent en contact avec de la neige, et elle eut un glapissement de surprise. Pourquoi la faisait-il sortir ? Il referma la porte, et aussitôt, il se tourna vers elle. Le brun essuya les larmes qui roulaient sur ses joues, et lui murmura :

« - Je suis navré d'avoir dû vous effrayer, mais... Je n'avais pas le choix. Si je vous avais mis dans la confidence, vous n'aurez sans doute pas feint la peur avec autant de conviction. Venez, nous devons nous éloigner. Je ne sais pas dans combien de temps ils découvriront que j'ai menti. »

Il prit son poignet et la tira pour la faire avancer. Le soleil brillait sur la neige, aveuglant la jeune femme, et elle ne tarda pas à frissonner de froid. Kentin jura, et enleva sa veste pour l'en recouvrir :

« - Je suis désolé de ne pas avoir pensé à vous prendre des vêtements, mais...

- Pourquoi ? »

A cette question, il s'arrêta et se retourna vers elle. Pourquoi avait-il attendu aussi longtemps avant de la faire évader ? Pourquoi ce jour-là ? Pourquoi, tout simplement ? Il soupira :

« - Ecoutez... Nous n'avons pas le temps ! »

Sans lâcher son poignet, il avança. Elle fut obligée de suivre, mais trébucha plusieurs fois. Malgré cela, ils arrivèrent bientôt dans une sorte de forêt, et furent camouflés par les arbres. Elle le supplia, sentant ses forces diminuer :

« - Je vous en prie... Pouvons-nous nous arrêter un instant, je...

- Morgane. S'ils nous retrouvent...

- Je le sais, mais... Je n'arrive plus à marcher ! »

Il sembla soudain se rappeler de son état, et lâcha un juron avant de taper dans un arbre. Puis, sans qu'elle ne s'y attende, il la souleva dans ses bras. Le brun tituba à cause de son poids, puis se stabilisa et continua à avancer. Elle se raccrocha à lui, et murmura :

« - Je suis vraiment désolée...

- Non, c'est de ma faute. J'aurais dû le découvrir plus tôt. J'ai été si idiot... »

Elle fut tentée de l'interroger sur sa mystérieuse découverte, mais remarqua son visage fermé. Il n'allait rien lui dire. Alors elle posa sa tête sur son épaule, et lui souffla à l'oreille :

« - Je suis vraiment ingrate. J'aurais dû vous remercier dès le début. Alors merci, Kentin. Merci du fond du cœur. »

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