Chapitre 33

« - Pourquoi travaillez-vous avec ces gens ? »

Cela faisait deux semaines que Morgane croupissait dans cette geôle, et elle avait appris à faire connaissance avec Kentin. Il s'était révélé un jeune homme très doux et gentil. C'était lui qui était chargé de la nourrir et de veiller sur elle, et il le faisait avec plaisir. Il lui avait confié détester devoir attaquer des propriétés et tuer des personnes innocentes. Dès qu'il le pouvait, il s'arrêtait devant sa cellule, s'asseyait et ils parlaient ensemble, de tout et de rien. Malgré les anecdotes qu'ils s'étaient racontées, elle avait tu la vérité sur le père de son enfant. Elle avait peur que cela ne change leur relation, qu'il ne décide finalement d'utiliser son bébé pour un but encore inconnu.

Il soupira, et la considéra de son regard vert. Il finit par hausser les épaules :

« - C'était soit j'acceptais de venir avec eux, soit ils tuaient toute ma famille. »

La rousse porta ses mains à sa bouche pour étouffer un cri. Puis, elle tendit les doigts à travers les barreaux pour prendre les mains de Kentin entre les siennes. Elle les serra avec force, et murmura :

« - Je suis vraiment désolée... Je ne savais pas.

- Mais c'est le cas de beaucoup d'entre nous. Nous n'avons pas eu le choix. Le chantage est courant dans cette sorte de guerre. Les rebelles ont perdu beaucoup des leurs lors des attaques de plusieurs de leurs bastions, alors... Ils recrutent de force. Mais au moins... Ma famille est en vie. »

Elle hocha la tête, comprenant que c'était la meilleure décision qu'il n'avait pu prendre, et souffla :

« - Vous avez eu raison. »

Il la fixa longuement, puis eut un léger sourire :

« - Vous êtes une demoiselle bien. Vous comprenez la valeur des sacrifices que j'ai dû faire...

- Moi aussi, j'en ai eu à faire.

- C'est par rapport à votre enfant, n'est-ce pas ? »

Des larmes montèrent aux yeux de Morgane. Elle hocha la tête, et sépara leurs mains pour tenter d'essuyer ses pleurs. Aussitôt, il s'excusa à mi-voix :

« - Oh, je... Je suis désolé, je ne savais pas, et...

- Non, ce n'est rien. C'est juste que... Avec le temps, j'aurais dû m'habituer à son absence, mais... Je n'y arrive pas ! »

Elle fondit aux larmes, et sentit les mains de Kentin se poser doucement sur ses épaules. Il lui frotta doucement le dos, lui murmurant des paroles apaisantes. Par certains côtés, il lui rappelait Alexy, avec sa douceur et sa gentillesse. Penser à son meilleur ami lui permit de se calmer, et lentement, les pleurs cessèrent. Elle essuya ses joues, et marmonna :

« - Navrée, je...

- Ce n'est rien, la coupa-t-il. Il m'arrive aussi de pleurer en pensant à ma famille... »

Elle lui adressa un sourire désolé, et il lui caressa doucement les cheveux en lui rendant son sourire.

Soudain, des pas se firent entendre, alors il s'empressa de se relever et de reprendre son poste. C'était deux rebelles qui avaient visiblement bu. Ils riaient à tout va, et s'agrippèrent à Kentin :

« - Eh, mon gars... Tu ne t'ennuies pas tout seul ici ?

- On peut peut-être te remonter le moral ?

- Non, ça va. répliqua le brun.

- Ah oui, c'est vrai... Tu gardes la prisonnière ! »

Ils éclatèrent d'un rire gras, puis se tournèrent vers elle. Morgane leva les yeux vers Kentin, qui l'avertit du danger que représentaient ces deux rebelles éméchés. Elle se recula alors le plus loin possible de la porte, et entoura son ventre de ses bras. Les deux hommes demandèrent au brun :

« - As-tu la clé de sa cellule ?

- Oui, pour qu'on lui remonte le moral, vu qu'elle a l'air triste...

- Non, je ne l'ai pas.

- Eh bien on va se débrouiller sans ! »

Ils se rapprochèrent de sa geôle, et elle s'efforça de ne pas leur montrer qu'elle était terrorisée. S'ils tentaient de l'agresser... Que pourrait-elle faire ? Kentin ne pourrait pas l'aider sans trahir son amitié pour elle. Elle était seule. Ils se plantèrent devant la porte, et essayèrent de l'ouvrir avec leurs mains. La rousse jeta un regard désespéré au brun, qui tenta d'arrêter les deux ivrognes :

« - Ecoutez... Vous devriez peut-être aller vous reposer, ou...

- Toi, tu n'as rien à nous dire, mon gars ! »

Ils le repoussèrent, puis l'un d'eux jura :

« - Bon Dieu, cette porte est fermée !

- J'en ai bien l'impression... Que fait-on ?

- J'ai une idée ! »

L'un d'eux, un blond, s'accroupit devant la cellule, et plongea son regard dans le sien :

« - Viens par-là ma jolie... »

Morgane secoua la tête en silence, se recroquevillant un peu plus. L'homme tendit la main vers elle pour l'inciter à venir :

« - Allez, on ne te veut aucun mal...

- Non, laissez-moi.

- Oh, tu résistes ? »

Il eut un sourire amusé, puis changea soudain de sujet :

« - Tu sais, ma jolie, que des milices royales te cherchent ? »

Aussitôt, elle écarquilla les yeux, n'osant y croire. Pourquoi... Pourquoi Dakota aurait-il lancé des hommes à sa recherche ? Il lui avait pourtant signifié qu'il ne voulait plus jamais la voir ! Un espoir insensé gonfla son cœur, mais le blond balaya ce sentiment :

« - Tu as de la chance que ta mère soit une fieffée putain, car elle a réussi à revenir dans le lit du roi. Et devine quel argument elle a mis en avant pour te faire chercher ?

- Je... Je ne sais pas...

- Elle a dit que tu lui avais dérobé des biens précieux, entre autres des cadeaux du roi, et que c'était en fait toi qui avait trahi la cause royale.

- Vous mentez ! »

C'était impossible ! Dakota la connaissait, et il savait bien qu'elle était incapable d'une telle trahison ! Pourtant, il avait bien cru qu'elle l'avait manipulé pour avoir un enfant... La rousse sentit son cœur se briser, encore une fois, mais refusa de leur montrer sa peine. Elle serra les dents, et releva le menton en silence. L'autre homme ricana :

« - De toute façon, ils ne te retrouveront jamais !

- Oui, tu as raison, mon ami ! »

Ils éclatèrent de rire, puis se relevèrent et remontèrent les marches en riant. Kentin les accompagna jusqu'en haut, et dès qu'il eut disparu, elle fondit en larmes. Ce n'était pas possible ! Pourtant, elle savait que Marie-Louise, pour rester en vie, était capable des pires affabulations. Mais comment avait-elle pu prétendre une chose pareille ?! Et comment Dakota avait-il pu la croire ?! Les sanglots la secouaient sans répit, et elle voulut soudain mourir. Il lui était toujours resté un espoir que le roi l'aime encore, et cet espoir venait de voler en éclat. Elle se recroquevilla en pleurant, et sentit soudain deux bras l'entourer. Elle reconnut Kentin, mais n'eut pas la force de résister.

Il la serra doucement contre lui en veillant à ne pas lui faire de mal. Elle se raccrocha à lui en pleurant, se fichant totalement de l'idée qu'il pouvait avoir d'elle. Morgane pleura très longtemps, refusant d'admettre la terrible vérité. Dakota ne l'aimait plus. A cette pensée, elle eut un cri de douleur, et aussitôt, le brun l'écarta de lui. Il la força à le regarder :

« - Qu'avez-vous ? C'est l'enfant ? Vous avez mal ?

- Non, je... »

Elle secoua la tête avant d'enfouir son visage dans ses mains. Elle souffrait tellement... Il la reprit dans ses bras, mais elle n'avait plus la force de pleurer. Trop de peine l'écrasait. Elle se contenta de serrer Kentin contre elle en silence.

Puis, il se sépara d'elle, et prit doucement son visage entre ses mains. Il essuya les larmes qui séchaient sur ses joues, tout en fouillant dans son regard. Il finit par demander doucement :

« - Le père de votre enfant... C'est le roi, n'est-ce pas ? »

La rousse sentit sa respiration s'accélérer. Il avait deviné. En voyant son air effrayé, il lui caressa les cheveux :

« - Calmez-vous, je ne le dirai pas.

- Comment... Avez-vous su ?

- Lorsqu'ils vous ont dit que votre mère était retournée dans le lit du roi. Je sais, vous me l'avez dit, que vous n'avez aucun amour pour votre mère. Alors... Il ne restait que le roi. »

Lentement, elle hocha la tête. Aussitôt, il soupira :

« - Ma pauvre Morgane... Je comprends mieux plein de choses, maintenant. Le fait que vous ne prononciez jamais le nom du père, que le récit de votre vie à la Cour comporte de nombreux trous, et... Le fait que vous étiez seule dans le manoir quand il a été attaqué.

- Il est parti dès que je lui ai appris que j'attendais un enfant. Il... Il a cru que je l'avais manipulé pour tomber enceinte, et... »

Elle se tut, car sa voix se brisa. Kentin demanda, surpris :

« - Mais... Ce n'est pas vrai ?

- Non, bien sûr que non ! S'il vous plaît... Pouvons-nous parler d'autre chose ? Par exemple... Est-ce vrai ? Ce qu'ils ont dit sur ma mère, et... »

Il la regarda longuement, puis finit par hausser les épaules :

« - Je n'en sais rien. C'est un bruit qui court depuis plusieurs jours dans le repère, mais... Il n'y a aucune preuve. A part les milices qui, effectivement, vous cherchent. »

Elle hocha la tête, mais sentit le désespoir l'envahir. Pourquoi une telle rumeur serait fausse ? Il y avait bien trop de détails pour que ce ne soit qu'une invention... Elle sourit doucement au brun :

« - Merci, pour tout. »


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top