Chapitre 31
Lorsque Dakota ouvrit les yeux, il ne remarqua qu'une chose. Le silence. La pièce était silencieuse, il n'entendait que sa respiration. Le soleil filtrait peu dans la chambre, l'éclairant d'une lumière blanchâtre. Il se redressa avec un sentiment de faiblesse absolue, et aussitôt, il entendit quelqu'un s'exclamer :
« - Il est réveillé ! »
Deux personnes s'encadrèrent dans son champ de vision, et il reconnut avec un temps de retard Castiel et Lysandre. Ses deux amis le fixaient avec angoisse. Il leur demanda d'une voix pâteuse :
« - Qu'est-ce que... »
Une quinte de toux lui coupa la parole, et il se recroquevilla en toussant. Il lui semblait que sa gorge s'arrachait. Puis, il se redressa légèrement et s'adossa aux oreillers. Le rouquin prit la parole :
« - Tu es tombé malade, et...
- Tu as déliré...
- De Morgane.
- Pendant quatre jours.
- On a même pensé à un moment que... Tu allais succomber. »
Le brun fronça les sourcils, et se rappela soudain ses visions de rêve. Ça n'avait donc été que des délires. Mais elle semblait si réelle, si belle... Sa présence avait apaisé tous ses tourments, avait calmé le feu qui le brûlait. Il s'éveillait avec elle, souffrait avec elle, et se rendormait avec elle. Elle l'accompagnait toujours, et il avait fini par croire qu'elle était réellement là. Il pouvait la toucher, l'embrasser, caresser sa peau si douce... Elle lui manquait tellement ! Ce fut un constat brutal et douloureux, et son cœur se serra. C'était de sa faute si elle n'avait pas été vraiment avec lui durant sa maladie. C'était sa faute, la faute de sa peur à l'idée d'être le père de cet enfant. Il devait la retrouver. Et espérer qu'elle lui pardonne.
Aussitôt, Dakota amorça un mouvement pour se lever, mais Lysandre l'empêcha de bouger :
« - Non, tu dois te reposer, tu es encore faible.
- C'est hors de question. Je dois retourner au manoir. »
Ses deux amis comprirent immédiatement de quel endroit il parlait. Castiel eut un sourire moqueur :
« - Et en quel honneur, Dakota ?
- La retrouver, et lui dire ce que je ressens pour elle.
- Tu... Tu l'aimes ? »
Le rouquin semblait interloqué, et Lysandre lui lança un regard entendu :
« - Je te l'avais dit.
- Mais... Mais c'est impossible ! Tu aimes cette... Cette fille ? Mais elle n'a rien d'extraordinaire, elle est à peine...
- Tais-toi. ordonna le roi. »
Il fusilla son ami du regard. Comment osait-il rabaisser ainsi Morgane devant lui ?! Il repoussa les bras de Lysandre, et posa ses pieds au sol. Lorsqu'il se leva, il manqua s'effondrer, mais Castiel le rattrapa par la taille en soupirant :
« - Tu vois. Tu es faible. »
Il le rallongea sans effort, et Dakota ressentit un profond sentiment de frustration. Il ne désirait qu'une chose : chevaucher jusqu'à ce fichu manoir, et étreindre Morgane avec force, lui signifier qu'il ne pouvait vivre sans elle, qu'il avait été stupide, et qu'il l'aimait. Il voulait l'embrasser réellement, sans que ce ne soit qu'une illusion. Et il ne le pouvait pas, à cause de son corps faible ?! Il frappa du poing dans un oreiller, et jura :
« - Sacrebleu ! Je me contrefiche totalement de ma faiblesse ! Vous allez m'aider à m'habiller, faire apprêter un carrosse, et m'emmener là-bas. Me suis-je bien fait comprendre ? »
Ses deux amis hochèrent la tête, et il surprit le regard appréciateur de Lysandre posé sur lui.
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Le carrosse bringuebalait, augmentant le mal de tête de Dakota. Il serra les dents et se massa les tempes. Il avait l'impression que sa tête était prise dans un étau, et malgré un maigre repas, il avait des nausées. Il entendit Castiel murmurer :
« - J'espère pour toi que cette fille en vaut la peine. »
Il ne releva pas cette remarque. Bien sûr que Morgane en valait la peine. C'était une demoiselle extraordinaire, quoique puisse en penser le rouquin. Jamais il ne serait ainsi précipité pour une autre femme. Il n'y avait qu'elle pour lui inspirer autant d'impatience. S'il avait pu, il aurait pris lui-même les rênes pour faire accélérer le rythme aux chevaux, mais il ne le pouvait pas.
Qu'était-elle devenue ? Etait-elle... Mariée ? Ou fiancée à un autre homme ? Si oui... Il ferait tout pour qu'elle revienne auprès de lui, peu importait les conséquences. Il ferma les yeux, revoyant sa magnifique chevelure rousse, son sourire éclatant, et son corps sublime. A quoi ressemblait son ventre, maintenant ? Peut-être avait-elle déjà donné vie à l'enfant ? Il espérait de tout cœur que non. Dakota voulait une chance de se faire pardonner avant la naissance, pour pouvoir l'accompagner jusqu'au bout de sa grossesse. Et si jamais elle refusait de le voir ? A cette pensée, il se sentit envahit par l'angoisse. Puis, il se rassura. Il était le roi, elle devait donc lui obéir. Et s'il avait déliré d'elle, il n'était pas impossible qu'elle l'aime encore, elle aussi. C'était même tout sauf impossible.
Le carrosse s'arrêta, et Lysandre ouvrit le premier la portière. Il sortit de l'habitacle, et jura avec force. Que se passait-il ? Sans réfléchir, le brun poussa Castiel pour descendre, et resta saisi d'effroi. Des corps gisaient devant l'entrée du manoir, atrocement mutilés, et du sang maculait les murs. Ses forces l'abandonnèrent, et le rouquin, descendu derrière lui, l'attrapa par la taille pour l'empêcher de s'écrouler. Dakota ne put que balbutier :
« - Morgane... »
Il vit Lysandre s'engouffrer dans le bâtiment, et aussitôt, le roi se dégagea de l'étreinte de son ami pour le suivre. Il tituba jusqu'à la porte, et s'appuya sur les murs pour tenir debout.
A l'intérieur, le spectacle était encore plus insoutenable. D'autres cadavres étaient étendus, les poches retournées. Certaines femmes avaient leurs vêtements arrachés, et des morceaux épars de corps jonchaient le sol. Des larmes d'angoisse roulèrent sur ses joues. Et si Morgane avait subi le même sort ? Jamais il ne pourrait vivre sans elle ! Machinalement, il monta les escaliers, évitant de piétiner les personnes mortes. A l'étage, il remarqua que toutes les pièces avaient été fouillées. Lorsqu'il arriva devant la chambre où il avait abandonné la rousse, il se sentit proche la nausée. S'il la voyait, morte comme tous les autres ? Mais en voyant qu'elle attendait un enfant, peut-être que les tueurs l'avaient épargnée ?
Le cœur gonflé par cet espoir, il poussa la porte, et pénétra dans la pièce. Aussitôt, ses jambes se dérobèrent sous lui, et il s'effondra. Elle n'était pas là. Son regard parcourut la pièce avec désespoir, et soudain, il avisa un morceau de tissu déchiré, près du lit. Il s'y traîna, et le prit entre ses doigts. Ça ressemblait à... Un morceau de chemise ! C'était forcément à Morgane ! Mais... Que faisait ce bout de tissu là ? Elle n'avait pas pu le déchirer exprès, car elle ignorait qu'il allait revenir ! Alors c'était forcément les assaillants qui avaient déchiré sa chemise. La rage lui serra le cœur. Que lui avaient-ils fait subir ?! Pourquoi n'était-elle pas là ? Ils l'avaient enlevée.
Un cri de rage lui échappa, et il frappa du poing dans le sol, ignorant la douleur qui envahissait sa main. Pourquoi ?! Pourquoi n'était-il pas arrivé quelques heures auparavant ?! Il aurait pu la retrouver, la protéger et la sauver. Au lieu de cela... Il était seul. Soudain, la détermination remplaça la colère. Il allait retrouver ceux qui avaient osé s'en prendre à la femme qu'il aimait. Et il allait leur faire payer leur audace.
« - Dakota ? L'as-tu trouvée ? »
Lysandre. Il l'entendit entrer dans la chambre, puis s'immobiliser. La réponse se lisait clairement dans la posture désespérée du roi. Son ami soupira, et alors qu'il allait parler, Castiel s'exclama, quelque part dans le manoir :
« - Il y a un survivant ! »
Aussitôt, le brun se releva, et tituba avant de se retenir à une colonne du lit. Lysandre vint le soutenir, puis il l'aida à sortir de la pièce. Ils descendirent les escaliers, puis se dirigèrent vers le salon. Là-bas, ils trouvèrent le rouquin accroupi devant un jeune homme blond, blessé au ventre. Dès qu'il les vit arriver, le noble leur fit signe :
« - Venez, il a assisté à l'attaque. »
Dakota se laissa tomber à côté du blessé, et le pressa :
« - Qu'as-tu vu ?
- Ils... Ils étaient cinq, et... Ils sont entrés en criant... A mort le roi. »
Un spasme de douleur lui coupa la parole, et il se tordit de souffrance. Le souverain l'immobilisa, et demanda avec espoir :
« - Qu'est-il arrivé à la jeune demoiselle rousse ? »
Le blond plissa les yeux en le considérant longuement, puis le reconnut :
« - Oh, Votre Majesté...
- Que lui est-il arrivé ?! Répond ! »
L'homme ferma les yeux, puis murmura :
« - Deux d'entre eux sont montés à l'étage, et... J'ai entendu une femme crier, puis... Il rouvrit les yeux pour les poser sur Dakota. Ils sont redescendus. L'un la tenait... Dans ses bras... Elle semblait inconsciente, et... Ils ont volé une calèche... Ils sont partis en l'emmenant. »
Il grimaça, et la couleur déserta son visage. Le blond agrippa brutalement la chemise du roi, et il lâcha dans un souffle :
« - Ils l'ont appelée... La Kerange. »
Puis, sa main se desserra, et il retomba, mort. Aussitôt, le sang de Dakota se glaça. Ils savaient qu'elle était la fille de Marie-Louise. Il n'avait dit qu'à ses deux amis que la blonde avait déserté le camp des rebelles lorsqu'ils s'étaient fait envahir, afin de sauver sa peau. Elle avait compris qu'elle n'était pas du côté des gagnants, et avait disparu. Les rebelles restants ne devaient donc pas la porter dans leur cœur, alors... S'ils savaient que Morgane était la fille de cette traîtresse... Qui sait ce qu'ils allaient lui faire...
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