Chapitre 3
Le soir, Morgane attendait devant les portes des pièces où se déroulaient les soirées d'appartement. Elle triturait nerveusement son bracelet, et sursauta quand Alexy surgit devant elle. Puis, elle soupira de soulagement en le reconnaissant, et lui agrippa le bras :
« - J'ai peur...
- Mais vous n'avez aucune raison d'être inquiète ! Vous êtes ravissante, et nous sommes tous les deux, alors détendez-vous ! »
Il hocha la tête, satisfait devant la tenue de son amie. Pour l'occasion, la rousse avait fait un peu de couture dans l'après-midi, malgré son manque d'habileté, et avait cousu quelques dentelles sur ses manches et sur le bas de sa robe. Elle était vêtue de bleu clair, couleur qui mettait ses yeux en valeur. Elle avait relevé sa chevelure de flamme en un chignon élaboré, mais ne s'était pas encombrée de cosmétiques. Sa mise était simple, par rapport à celle des dames qu'elle avait déjà vues entrer, et elle se sentait honteuse. Mais Alexy la prit par le bras :
« - Morgane, ne vous inquiétez pas. Souriez. »
Elle s'exécuta, nerveuse, et il ouvrit les portes, pénétrant dans les pièces. Aussitôt, la rousse ouvrit de grands yeux, et se détendit légèrement. Les appartements étaient soigneusement décorés, tout comme le reste du château. Des guéridons étaient dressés contre les murs, avec dessus des confiseries et des boissons. Des tables de jeu étaient disposées dans deux pièces, tandis que la plus grande faisait office de salle de bal. Il n'y avait pas de portes, ce qui faisaient que tout l'espace semblait aéré et très grand. Son ami se moqua doucement :
« - Fermez la bouche, ma chère. »
Elle lui tira un bout de langue, et s'avança avec lui vers une table. Tentée par les sucreries, elle piocha du bout des doigts un fruit confit, et alors qu'elle voulait le porter à sa bouche, Alexy lui vola et le mangea. Outrée, elle voulut s'énerver, mais il la coupa d'un geste :
« - Morgane, vous êtes ravissante lorsque vous êtes en colère. »
Sa colère retomba d'un coup, et elle sourit malgré elle. Il avait toujours été comme cela, à désamorcer les conflits par un compliment totalement déplacé. Content de son effet, il lui adressa un clin d'œil, et elle se détourna pour prendre une autre confiserie. Elle réussit cette fois-ci à l'avaler, et, soudain, son ami lui murmura fébrilement à l'oreille :
« - C'est le roi ! »
Elle se retourna brusquement, et n'eut pas à chercher bien longtemps pour apercevoir le souverain. En effet, tous les convives s'écartaient sur son passage, et elle put bientôt le détailler. Il avait un port altier, et éclipsait tous les autres hommes présents par son charisme et par sa grandeur. Ses cheveux étaient blond foncé, et il avait de somptueux yeux verts émeraude. Sa tenue était bien plus riche que celle de n'importe quel gentilhomme. Il portait une culotte de soie dorée, des bas blancs et des souliers beiges. Sa chemise était également en soie, mais blanche, tout comme son jabot. Une veste d'apparat beige recouvrait le tout. Morgane écarquilla les yeux devant tant de prestance, puis se tourna vers Alexy, qui avait une moue admirative. Il lui murmura :
« - Cette tenue est magnifique...
- Racontez-moi un peu sa vie, je vous prie. »
Il profita du fait que le roi soit accaparé par de nombreuses jeunes femmes pour lui chuchoter à l'oreille :
« - C'est le plus jeune roi que ce royaume ait connu. Il règne depuis cinq années, et on dit qu'il a eu de nombreuses aventures féminines, comme son père. Il se nomme Dakota Dieudonné de Bourbon. »
La rousse hocha discrètement la tête, et reconnut soudain sa mère parmi la foule de dames. Elle fronça les sourcils, et serra les poings. Marie-Louise portait une tenue presque aussi somptueuse que le roi, sa robe était toute de soie, brodée de fils d'or et recouverte de magnifiques dentelles. La blonde battait des cils tout en riant à un mot d'esprit du souverain, et mettait sa gorge, serrée à l'extrême dans un corset, en avant. Alexy prit la main de la jeune femme, et lui desserra doucement les doigts :
« - Calmez-vous mon amie. Vous semblez prête à sauter à la tête de votre mère. »
Il lui caressa doucement la paume de la main, et, peu à peu, elle se détendit. Personne ne pouvait voir leurs mains jointes, car elles étaient enfouies dans les plis de sa robe, et cette complicité dissimulée la fit pouffer. Elle se tourna vers son ami, et lui adressa un grand sourire :
« - Merci Alexy. Heureusement que vous êtes là. »
Il lui tira la langue, et, sans pouvoir se retenir, elle éclata de rire. Elle essaya de camoufler son rire dans ses mains, mais les mimiques grimacières du noble amplifièrent sa gaité. Des murmures de désapprobation se firent entendre près des amis, et Alexy prit un air désespéré en s'adressant aux personnes alentour :
« - Je suis navré, Messieurs et Mesdames, mais cette demoiselle refuse de se contrôler. Je vous prie de bien vouloir l'excuser. »
Puis, il la prit par le bras, et l'emmena vers la piste de danse. En marchant, la rousse croisa le regard désapprobateur de sa mère, et se retint de ne pas plisser le nez à son adresse. Au lieu de ça, elle détourna la tête, et ne se retourna pas.
Ils arrivèrent au niveau des danseurs, et un nouveau morceau commença. Aussitôt, son ami se retourna vers elle :
« - Une valse, cela vous convient-il ? »
Heureuse de pouvoir danser de nouveau, elle hocha la tête avec enthousiasme. Il la prit par la taille, et l'emmena parmi les danseurs. Sur un accord, ils hochèrent la tête de concert, et se lancèrent dans cette danse lente et noble. Ils évoluaient en rythme sur le sol, et se souriaient, heureux d'être ensembles. Morgane avait l'impression de voler, tellement Alexy la menait d'un pas adroit et léger. Ses jupes tournoyaient autour d'elle, se plaquant contre ses mollets, et en voulant s'en dépêtrer, elle piétina le pied de son partenaire. Celui-ci eut un souffle douloureux, et elle pouffa de rire. Il soupira d'un air faussement indigné :
« - Bon sang, Morgane... Ne voyez-vous pas que je souffre le martyr ? »
Elle lui tira un bout de langue, et il plissa le nez :
« - Eh bien... Et ça se dit de bonne famille... »
Elle mordit son sourire, et il eut un air satisfait de lui :
« - Enfin ! Vous voilà redevenue vous-même ! »
Elle faillit éclater de rire, et se retint au dernier moment, ne voulant pas se donner en spectacle. Cependant, elle s'excusa :
« - Je suis désolée Alexy.
- Moi qui vous croyais bonne danseuse...
- Je le suis ! s'offusqua la rousse. J'ai simplement été déconcentrée.
- A d'autres... Vous n'êtes plus aussi douée qu'avant, voilà tout. »
Devant ces critiques désapprobatrices, elle voulut répliquer vertement, mais il lui adressa un grand sourire :
« - Je vous taquine, Morgane. Détendez-vous. »
Elle se sentit ridicule, et souffla profondément, puis, sans cesser de danser, elle lui embrassa la joue. Il secoua la tête avec un air extasié :
« - Oh, je pense pouvoir affirmer que je vous aime, ma chère ! »
Elle rit, en tentant de ne pas faire trop de bruit, et s'exclama :
« - Je suis tellement contente de vous avoir retrouvé ! »
Il hocha la tête, et le morceau se termina. Ils se saluèrent, et retournèrent près des tables. Puis, alors qu'ils picoraient à manger tout en discutant, son ami tourna brusquement la tête, et s'excusa :
« - Je viens d'apercevoir une connaissance, veuillez m'excuser. Je reviens. »
Il partit en la laissant, et aussitôt, elle se sentit très seule. Puis, elle vit sa mère lui faire des signes, lui indiquant de venir vers elle. La rousse plissa le nez, et se détourna, marchant dans la direction opposée. Elle passa près d'un groupe de dames qui devisaient à voix basse, et, aussitôt, les murmures cessèrent. Elle fronça les sourcils, et vit que les regards des inconnues étaient braqués sur elle. Soudainement intimidée, elle fit une petite révérence, et continua son chemin sans s'arrêter. Elle se demandait pourquoi ces dames s'étaient arrêtées de parler dès qu'elle était arrivée. Elle n'était pas depuis longtemps à la Cour, alors c'était impossible que des rumeurs courent déjà sur elle. Et pourtant, Alexy lui avait dit qu'il suffisait d'un rien pour que les personnes jasent. Elle souffla, et, soudain, croisé le regard du roi, qui se tenait en face d'elle, entourée de demoiselles. Le souverain considéra sa tenue d'une moue amusée, puis se détourna pour répondre à une femme. Morgane vit rouge, et elle dut se rappeler qu'il était roi pour ne pas aller le voir en s'énervant. Pour se calmer, elle serra les dents, et, soudain, une main agrippa son épaule. Elle sursauta en se retournant, et vit Alexy, qui la regardait en fronçant les sourcils :
« - Morgane, où alliez-vous ?
- Oh, je... Je suis fatiguée. Je pense que je vais rentrer.
- Déjà ? »
Il porta une main à son cœur en mimant de succomber. Souriante, elle lui tapa le torse :
« - Voyons, retenez-vous...
- Que puis-je y faire ? Vous m'abandonnez ici, seul et sans défense... »
Elle pouffa de rire, et il sourit, heureux d'avoir réussi à la dérider. Puis, il lui prit la main :
« - Vous comptiez vraiment partir ? »
Il semblait triste, et proposa :
« - Si vous voulez, nous pouvons encore danser ? »
Elle se mordit la lèvre, puis, ne voulant pas froisser son ami, elle accepta. Après tout, elle ne devait pas s'offusquer du comportement du roi et de ces dames. Elle lui prit le bras, et ils retournèrent sur la piste.
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