Chapitre 22
Il était parti, sans qu'elle ne puisse rester avec lui. Et elle ne savait même pas s'il était encore vivant, ou s'il était à l'article de la mort. Morgane sanglotait sans s'arrêter, pressée contre le noble qu'elle avait déjà vu. Lysandre si elle se souvenait bien de son nom. L'habitacle était occupé par cinq autres personnes, tous des hommes. Elle se tenait collée contre la portière, son front appuyé contre le bois, des larmes roulant sur ses joues.
Voulant échapper aux regards qui la fixaient, elle ferma les yeux, se mordant l'intérieur des joues pour reprendre son calme. Il était hors de question que ces inconnus la prennent pour une faible demoiselle. Elle resta longtemps dans cette position, si longtemps que les gentilshommes la crurent endormie. Aussitôt, les langues se délièrent :
« - Je ne comprends pas pourquoi nous devons l'emmener avec nous.
- Castiel, c'est Dakota lui-même qui nous l'a ordonné, et tu le sais très bien.
- Peut-être, Lysandre, mais regarde la ! Que peut-il lui trouver d'attirant ? »
Son cœur se serrait à cause de tant de méchanceté, mais elle ne bougea pas, affectant de dormir. Le plus virulent contre elle était ce Castiel, qui continua à persifler :
« - Elle n'est pas même belle ! Certes, il a déjà eu des laiderons dans sa couche, mais ces demoiselles avaient de l'esprit, ou un corps sculptural ! Elle, elle n'est, et n'a rien.
- Castiel, parle moins fort. Elle risquerait de t'entendre.
- Eh bien je n'en ai rien à faire. De toute façon, si ce n'est pas moi qui le lui dit, ce sera Dakota.
- Peut-être qu'il l'aime... »
Cette dernière phrase, que Morgane savait prononcée par ce Lysandre, flotta un instant dans le silence de l'habitacle, avant que l'autre homme, Castiel, n'éclate d'un rire mauvais :
« - Amoureux ? Dakota amoureux de cette gourgandine ? Voyons, Lysandre... Sois sérieux, je t'en prie.
- Et pourquoi pas ? Cela pourrait expliquer son attachement envers elle.
- Mais... Et de quoi serait-il amoureux ? De son visage insignifiant ? De son corps banal ? De sa conversation plate ? »
Plusieurs soupirs résonnèrent, et elle sentit la rage lui comprimer le cœur. Elle serra les poings, dissimulés dans les plis de son jupon. Comment cet homme pouvait-il être si odieux envers elle, alors qu'elle ne le connaissait pas ?! Comment pouvait-il la dénigrer ainsi, alors qu'elle était tout près de lui ?!
Mais bien vite, la colère qu'elle ressentait fut remplacée par une immense tristesse. Après tout, il connaissait bien mieux Dakota qu'elle, car il se permettait de le tutoyer. Alors il devait mieux connaître les... Préférences du brun en matière de femmes. Mais... Ce Castiel ne pouvait avoir raison ! C'était impossible, et elle le savait ! Car sinon, pourquoi le souverain serait-il revenu vers elle après leur première nuit d'amour ? Pourquoi lui aurait-il offert tous ces présents ? Tant d'éléments contradictoires tourbillonnaient dans son esprit qu'elle ne savait plus que penser. Elle voulait croire à l'amour de Dakota pour elle, mais... Une petite voix lui souffla qu'elle s'était faite avoir dès le début. Que le roi avait tout manigancé afin de la déshonorer. Et il avait réussi.
Mais alors qu'elle allait ouvrir les yeux, elle entendit Castiel siffler d'un ton mauvais :
« - De toute façon, tout est de sa faute. Si Dakota ne s'était pas entiché de cette fille...
- Tais-toi, Castiel ! »
Incapable de rester immobile plus longtemps, elle fit mine de se réveiller. Morgane ouvrit les yeux, pour découvrir que tous les regards étaient posés sur elle. Elle détourna la tête, se redressant, et enroula ses bras autour d'elle. Tous les gentilshommes la dévisageaient avec insistance, et elle se sentait agressée. De plus, elle n'était qu'en tenue de nuit, alors elle avait l'impression d'être transpercée par leurs regards. La rousse croisa les jambes, et resta silencieuse, n'osant et ne voulant leur adresser la parole. Ils s'étaient montrés si odieux envers elle... Elle les détestait, tous. Il était hors de question qu'elle reste avec eux. Mais... Pourquoi était-ce de sa faute ? Elle n'avait rien fait pour provoquer l'invasion du château par les rebelles, alors... Pourquoi ?
.......................................................................................................................................................
Lorsque l'habitacle s'arrêta enfin, elle sentait des fourmillements dans ses jambes, à force d'être restée immobile aussi longtemps. Sans attendre que l'un des hommes ouvre la portière, elle poussa le battant et sortit du carrosse en silence. Elle les haïssait. La jeune femme frissonna à cause de l'air glacial de la nuit, et l'un des gentilshommes, Lysandre, enleva sa veste avant de la lui tendre. Mais elle secoua la tête, avant de marmonna :
« - Non, merci. Je n'ai pas besoin de vous. »
Elle se fichait totalement de paraître hautaine. Après tout, ils l'avaient déjà étiquetée comme étant sans intérêt, banale, et laide. Alors qu'elle ait l'air hautaine... Cela avait peu d'importance.
Elle serra les mâchoires, et vit qu'ils s'étaient arrêtés devant une auberge miteuse. Morgane fronça le nez, observant sans bouger ses accompagnateurs s'engouffrer dans la bâtisse. Elle refusait de les suivre, le bâtiment ne lui inspirant que peu de confiance. De plus, Dakota n'avait peut-être pas survécu à son affrontement avec ce rebelle. A cette pensée, toute la tristesse qu'elle avait tenté de réprimer la submergea, et elle fondit en larmes. Elle tituba jusqu'à un arbre, s'y appuyant pour rester debout, et enfouit son visage dans ses mains. Comment pourrait-elle survivre en sachant que l'homme qu'elle aimait était... Mort ?
Soudain, elle sentit une main se poser avec douceur sur son bras, et releva le visage pour apercevoir Lysandre, qui la regardait avec une moue peinée. Elle bien devait admettre qu'il était le plus gentil de tous les hommes de cette fuite, mais... Il devait sûrement la prendre pour une gourgandine, comme tous les autres. Cependant, avant qu'elle ne puisse faire un mouvement, il soupira :
« - Je suis vraiment navré que Dakota ne soit pas venu avec nous. Mais ce n'est pas une raison pour vous laisser vous morfondre dehors, dans le froid. Il était convenu de nous retrouver dans cette auberge, alors venez. Il va nous rejoindre, ayez confiance. »
Il lui prit doucement le bras, et l'emmena à l'intérieur de la bâtisse.
Dès qu'elle en franchit le seuil, une douce chaleur l'enveloppa, et elle chancela, épuisée par l'angoisse et la fatigue qui l'étreignaient. Lysandre l'aida à s'asseoir à une table d'une propreté douteuse, puis se laissa tomber sur un banc en face d'elle. Morgane laissa son regard dériver sur la pièce, entièrement meublée de tables en bois et de sièges. Elle demanda à mi-voix :
« - Où sont...
- Les autres ? Ils négocient avec le gérant, qui est acquis à la cause du roi, pour les chambres. Il n'était pas prévu que nous ayons une demoiselle avec nous, alors... »
Elle hocha silencieusement la tête, et croisa les bras sur la table pour y enfouir ses bras. La chaleur qui régnait dans la pièce l'engourdissait, et elle se sentit peu à peu sombrer dans une douce torpeur.
Elle réagit à peine lorsque le banc sur lequel elle était assise s'affaissa sous un poids supplémentaire, et écouta distraitement :
« - Il n'y a que deux chambres disponibles, avec chacune trois lits. Et nous sommes six, donc... Deux d'entre nous devront dormir avec cette... Demoiselle. »
Elle reconnut le ton méprisant de Castiel, et releva doucement la tête vers les hommes attablés, l'esprit embrumé par l'épuisement. Tous se concertaient du regard, et Lysandre finit par hocher la tête :
« - Cela ne me dérange pas. »
Le silence plana un instant, puis un autre noble, aux cheveux et aux yeux verts, acquiesça à son tour :
« - Moi non plus.
- Dieu soit loué ! s'exclama Castiel.
- Si ma présence vous dérange tant, je peux partir, répliqua la rousse. »
Il l'horripilait avec son ton condescendant. Mais il posa son regard sur elle avec un sourire arrogant :
« - Cela ne me dérangerait pas du tout, au contraire, mais... Dakota est d'un autre avis. On se demande bien pourquoi, d'ailleurs, conclut-il en l'examinant d'un œil critique. »
Elle écouta ces mots avec la rage au ventre, et lui lança un regard sombre. Jamais elle ne se souvenait avoir détesté une personne à ce point, pas même Dakota, lorsqu'elle l'avait surpris avec sa mère. A propos de Marie-Louise... Elle n'avait toujours pas eu de nouvelles d'elle, et son père n'en parlait pas dans ses lettres. Alors où était la blonde ? Sûrement avec l'un de ses énièmes amants, car elle avait sûrement dû tromper son mari dès son arrivée à la Cour, voire même avant.
.......................................................................................................................................................
Les gentilshommes la réveillèrent à l'aube, car elle s'était endormie au milieu de leurs plans de vengeance. Lysandre l'aida à marcher jusqu'à une chambre à l'étage, où elle s'écroula sur un lit. Lui et Jade, l'autre noble qui dormait avec elle, refermèrent la porte, puis s'allongèrent à leur tour, sans cesser leurs messes basses. De son côté, la rousse ne se posait qu'une seule question : pourquoi Castiel avait-il dit qu'elle était responsable de cette invasion ? Tout cela n'avait aucun sens ! Il s'était sûrement laissé aveuglé par sa haine envers elle. Car elle n'avait fait qu'aimer passionnément Dakota, et n'aurait jamais voulu attenter à sa vie. En pensant au roi, sa bouche trembla, et elle essaya de toutes ses forces de retenir ses larmes. Ils ne devaient pas la voir pleurer.
Soudain, les murmures se turent, et elle ouvrit les yeux. Les deux hommes la regardaient, l'air peiné, et Lysandre soupira :
« - Morgane... Dakota n'est pas mort, je le sais, Jade le sais aussi, et tous les hommes ici présents le savent. Alors je vous en prie, ne pleurez pas. »
Penaude, elle hocha la tête, et s'assit sur sa paillasse pour sécher ses larmes. Puis, la voix pâteuse, elle leur demanda :
« - Comment ces hommes ont-ils pu infiltrer ainsi toutes les couches de la noblesse ? Ils n'ont pas dû y arriver tous seuls ? Et... Pourquoi votre ami a-t-il dit que tout était de ma faute ? »
Elle releva la tête en les entendant soupirer, et Lysandre murmura :
« - Je savais que vous ne dormiez pas... Ecoutez, Morgane... La personne qui a aidé les rebelles... C'est votre mère. »
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top