Chapitre 11
Elle reconnut avec une appréhension croissante le costume noir de l'homme, et inconsciemment, elle se recroquevilla sous les draps. Mais Alexy retourna près d'elle, et lui caressa le visage avant de lui murmurer d'un ton rassurant :
« - Calmez-vous, tout va bien se passer.
- Bien. Est-ce la malade ?
- Oui. »
Le médecin vint près d'elle, et l'examina en silence. Il examina ses pupilles, sa blessure à la tête, et écouta soigneusement les battements de son cœur. Puis, il hocha la tête :
« - Ce n'est qu'une simple fièvre. Une saignée va la soigner, même si elle devra encore garder le lit quelques jours. Ecartez-vous. »
Son assistant lui amena une coupelle tandis qu'il sortait le bras de Morgane de sous les couvertures. Elle écarquilla les yeux d'angoisse, et sa respiration s'emballa. Elle détestait les saignées, la vue de son sang la rendant faible. Alexy se plaça à côté d'elle, et alors que le médecin sortait une lancette, il attrapa le visage de la rousse entre ses mains et le tourna vers lui :
« - Ne regardez pas, ma chère. »
Elle plongea ses yeux dans les siens, et grimaça quand sa peau fut entaillée. L'odeur du sang emplit lentement la pièce, et elle sentit ses forces diminuer. Le noble lui caressa doucement le front :
« - Vous vous en sortez mieux que lorsque nous étions enfants... »
Cette phrase lui arracha un faible rire. Lorsqu'ils étaient encore en Bretagne, la moindre saignée suffisait à lui faire tourner de l'œil. Elle serra les dents de douleur, et lâcha un soupir de soulagement lorsqu'elle entendit le médecin décréter :
« - Bien, c'est tout pour aujourd'hui. Nicolas, faîtes le nécessaire. »
L'assistant pansa son bras, puis ils s'excusèrent et sortirent de la pièce. Aussitôt, la jeune femme regarda son bras, et fronça le nez :
« - Je déteste les saignées...
- Je le sais.
- Au moins, ils ont emporté la coupelle... »
Alexy eut un léger rire, et la releva doucement pour la prendre dans ses bras :
« - Dieu que vous m'avez fait peur...
- J'en suis désolée, Alexy, je... Je suis désolée. »
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Quand il dût partir, son ami la laissa sous la surveillance d'une des femmes de chambres de l'aile, Camille. Cette dernière en profita pour remettre de l'ordre dans la pièce, tout en couvant la rousse d'un regard protecteur. Elle se sentit peu à peu sombrer dans un sommeil profond, et ferma les yeux.
Elle ne fit pas de rêve, et ne se réveilla que lorsque la servante la secoua doucement :
« - Mademoiselle ? »
Elle ouvrit les yeux, et la domestique recula :
« - Le médecin a demandé à ne pas vous laisser dormir trop longtemps. Une personne a toqué, et a laissé des fleurs pour vous. Il y avait un petit mot, le voici. »
La rousse aperçut un sublime assemblage de fleurs dans un de ses vases, et écarquilla les yeux. Alexy était fou de lui offrir cela ! Elle attrapa le feuillet, et le parcourut des yeux :
« - Ma chère Morgane. J'ai appris votre soudaine indisposition avec une déception inégalée. J'espère que votre rétablissement sera prompt, et que les fleurs vous plaisent. J'attends de vous revoir avec impatience. »
Le mot n'était pas signé, mais ce n'était point l'écriture de son ami. Elle retourna le billet, espérant y trouver une signature, mais en vain. Elle remercia distraitement Camille, et relut le mot pour y trouver un indice de l'expéditeur. Mais elle ne put rattacher ce feuillet à une personne, et le posa sur sa table de chevet. Qui pouvait bien lui écrire avec autant de... Familiarité et de désespoir ? Elle secoua la tête, et se tourna doucement pour ne pas faire saigner son bras, avant de se caler confortablement. La jeune femme avait beau retourner la question dans sa tête, elle ne trouvait pas de réponse. Elle demanda :
« - Camille ? Connaissais-tu le messager ?
- Oh non, mademoiselle. Je ne l'avais jamais vu avant.
- Bien... »
Elle soupira, et se promit de tirer cela au clair.
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Lorsqu'Alexy revint, le lendemain, elle lui montra aussitôt le billet. Il le lut en fronçant les sourcils, et secoua la tête :
« - Je suis navré, Morgane, mais cette écriture m'est inconnue. Sans doute est-ce un de vos nombreux soupirants. »
Elle pouffa de rire, et lui donna une légère tape sur le crâne :
« - Voyons, ne dîtes pas de sottises. Mon seul soupirant était Nathaniel, et... »
Elle haussa tristement les épaules, et son ami s'empressa de la prendre dans ses bras :
« - Ne soyez pas triste, mon amie... Tout va s'arranger, je vous le promets.
- Si vous le dîtes... »
Elle l'embrassa sur la joue, et posa sa tête dans le creux de son épaule. Aussitôt, une image lui traversa rapidement l'esprit. Quelqu'un avait sa propre tête dans son cou, et embrassait sa peau. Elle frissonna, et se dégagea brusquement de l'étreinte du noble. Elle prit son visage dans ses mains, et il s'inquiéta tout de suite :
« - Morgane ! Qu'avez-vous ?
- Rien, je... Un souvenir, ce n'est rien... »
Soulagé, il se détendit, mais elle resta immobile. La scène dont elle venait de se rappeler était rattachée à un sentiment trouble, qu'elle ne savait identifier. Mais son souvenir était déjà flou, et elle se rallongea doucement.
Elle n'eut aucun mal à feindre d'être fatiguée, et Alexy prit rapidement congé. Il l'embrassa sur le front, et avant de partir, l'informa :
« - Je vais prévenir Camille de venir vous surveiller.
- Ce n'est pas forcément la peine, je...
- Morgane... Je préfère ne vous savoir seule. Mais demain, je pense que ce ne sera plus nécessaire.
- D'accord. Merci. »
Il referma la porte, et aussitôt, elle s'assit dans le lit. Elle se massa doucement les tempes, et soupira de frustration lorsqu'elle constata que la scène était très floue. Aucune personne n'était identifiable.
Soudain, quelqu'un toqua à sa porte. La rousse fronça les sourcils. Camille ne frappait jamais, alors qui était-ce ? Elle hésita, puis se leva doucement. Elle passa ensuite une sorte de peignoir par-dessus sa tenue de nuit, et tituba jusqu'à la porte. Elle s'appuya sur le chambranle, et ouvrit le battant pour découvrir un domestique, chargé d'un coffret. Il s'inclina, et demanda :
« - Morgane de Kerange ?
- Oui, c'est moi.
- J'ai ceci pour vous. »
Elle prit le présent, et il s'inclina devant elle avant de tourner les talons. Songeuse, elle referma la porte, et alla s'asseoir devant sa coiffeuse. Le coffret était en ébène, et le fermoir semblait en argent. Ses initiales ornaient le dessus, et elle passa le doigt sur les reliefs en se mordant la lèvre. Elle savait que le présent était de la même personne que le bouquet. Et cela l'effrayait. Elle prit une grande inspiration, fit sauter le fermoir avant d'ouvrir le coffret, et resta sans voix. Une magnifique rivière de diamants reposait dans l'écrin. La jeune femme caressa le bijou du doigt, et le souleva de ses doigts tremblants. Elle le posa sur son cou, et examina son reflet dans le miroir. Elle semblait effrayée, mais une joie intense brillait dans son regard. Le collier reposait sur sa peau, et décorait admirablement sa gorge. Elle remarqua un billet dans le coffret, alors elle reposa doucement la rivière sur la coiffeuse, et déplia lentement le mot.
« - Morgane, j'espère que vous allez mieux. N'ayant point eu de retours négatifs pour le bouquet, je me permets donc de vous offrir ce collier qui, je le sais, parera votre cou avec grâce. L'envie de vous revoir me poignarde un peu plus chaque jour passé loin de vous. Reposez-vous bien. J'ose écrire ces mots avec une ardeur nouvelle : je vous embrasse. »
La rousse reposa le billet avec les yeux écarquillés, et enfouit son visage dans ses mains. Qui était cet homme, qui lui offrait ainsi des présents pareils ? Pourquoi refusait-il de dévoiler son identité. Pensait-il qu'elle avait deviné qui il était ?
Elle sursauta quand la porte s'ouvrit, et Camille s'exclama dès qu'elle la vit assise :
« - Mademoiselle ! Le médecin vous avait demandé de rester couchée ! »
Elle referma le battant et s'avança vers elle, mais s'arrêta quand elle vit le collier. Un air étrange passa sur son visage, et aussitôt, Morgane eut la certitude que la femme de chambre savait de qui était le présent. Elle la pressa immédiatement :
« - Dis-moi de qui vient ce collier ! Je t'en prie, dis-le moi ! »
La domestique secoua la tête, incrédule :
« - Vous ne le savez pas ?
- Non !
- Oh... »
Elle hésita, et soupira :
« - Vous ne direz pas que c'est moi qui vous l'ai dit ?
- Non, maintenant, dis-moi. »
Camille souffla, finissant par marmonner :
« - Mademoiselle, c'est le roi. »
Aussitôt, Morgane remit la rivière dans l'écrin avec des gestes précipités, et la repoussa loin d'elle, avant de se prendre le visage dans les mains. Le souverain... Que s'imaginait-il ? Que maintenant que sa mère et Nathaniel était loin de la Cour, il pouvait lui conter fleurette ?! Mais elle refusait de prendre la place de Marie-Louise ! Elle aimait encore Nathaniel, et refusait de n'être qu'une énième femme dans le lit de Dakota. En tremblant, la rousse se releva, et prit le coffret ainsi que le mot et alla les ranger dans son armoire, derrière les jupons. Puis, elle referma les portes du meuble, et fut prise de vertiges. Aussitôt, la femme de chambre vint lui soutenir la taille, et en l'aidant à se recoucher, elle se lamenta :
« - Jamais je n'aurais dû vous le dire, je...
- Calme-toi. Ce n'est rien, juste... De la fatigue. »
Elle s'allongea en silence, et ferma aussitôt les yeux. Jamais elle ne s'offrirait au roi, malgré tous ces présents.
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Deux jours après, son état s'était amélioré, et elle pouvait rester debout plus longtemps sans avoir de vertiges. Elle était occupée à se coiffer lorsque l'on toqua à la porte. Camille alla ouvrir, et revint avec un autre écrin. Aussitôt, la rousse s'exclama :
« - Il est hors de question que je l'accepte !
- Mademoiselle... Vous n'êtes pas obligée d'accepter de devenir sa maîtresse, mais vous pouvez garder les présents, ou du moins, les porter ?
- Jamais. Range-le avec le collier.
- Il y a un mot... »
Elle hésita, puis soupira, et tendit la main :
« - Bien, donne-le. »
Elle attendit que la femme de chambre ait le dos tourné pour déplier le billet.
« - Morgane. Je suis vraiment navré de vous l'annoncer ainsi, mais... J'ai reçu un rapport d'une connaissance, indiquant que Monsieur de Bressin, pendant son exil et sur ses terres, avait pris comme décision d'épouser une autre femme que vous. Je comprends votre chagrin, et j'espère le combler en partie avec cette pince, que j'imagine dans votre magnifique chevelure. J'ose espérer vous revoir incessamment. »
La jeune femme se plaqua les mains sur la bouche pour retenir un gémissement de douleur. Ainsi, Nathaniel l'avait déjà oubliée, malgré tous ses serments d'amour ? Elle sentit qu'elle perdait le contrôle d'elle-même, alors ordonna :
« - Laisse-moi, Camille.
- Bien, mademoiselle. »
La domestique sortit rapidement, et immédiatement, Morgane fondit en larmes. Le billet ne pouvait que dire la vérité, car quel intérêt aurait eu le roi à lui mentir ? Aucun. Donc c'était vrai, Nathaniel s'était fiancé, et l'avait effacée de sa mémoire.
Elle tituba jusqu'à l'armoire, et fouilla dedans jusqu'à toucher le coffret de ce jour. Elle le prit, et s'effondra ensuite sur son lit. Elle ouvrit l'écrin, et resta silencieuse. La pince à cheveux était magnifique, avec une extrémité pointue, et l'autre somptueusement décorée de pierres et de perles. Des pleurs coulèrent sur le bijou, sans qu'elle ne fasse l'effort de les arrêter.
Toutes ses connaissances s'enfuyaient, et l'oubliaient. Et si jamais Alexy finissait par faire la même chose ? Elle sanglota plus fort, et repoussa brutalement le coffret, qui tomba par terre, avant d'enfouir son visage dans l'oreiller. Elle se détestait. Tout cela ne devait être qu'à cause d'elle. Nathaniel avait dû l'oublier car elle était trop innocente, et sa mère, parce qu'elle n'était pas comme elle. Tout l'équilibre qu'elle réussissait à trouver était à chaque fois détruit par sa faute.
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Juste un petit mot pour vous souhaiter une bonne année, et plein de bonheur! ;)
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