Chapitre XXXVI - Partie 1

Clara marchait à vive allure sur le trottoir, venant même jusqu'à frôler les passants. Elle traversa la route avant que le feu ne se mette au vert et passa par le parc en courant. C'était sa dernière journée et si elle ne se pressait pas, elle allait arriver en retard, ce qu'elle voulait éviter à tout prix. Le vent faisait voler ses cheveux dans tous les sens, venant même jusqu'à lui cacher la totalité de sa vue. Clara plaça alors sa capuche sur sa tête, serra les liens pour ne pas qu'elle puisse s'en aller et elle passa le petit portail du parc. Elle n'avait plus qu'à traverser la route et elle se trouverait juste en face de la maison spécialisée. Son regard tourné à gauche puis à droite, elle s'élança sur la route, entendit des voitures approcher, accéléra sa course puis arriva enfin à la porte d'entrée. Passant la porte, elle ôta sa capuche, plaça ses cheveux correctement, respira un bon coup pour retrouver sa respiration habituelle et salua la dame de l'accueil avant de se diriger vers le bureau de madame Rosenfield. Celle-ci l'attendait devant la porte.

-Bonjour Clara, dit-elle en lui serrant la main. Toutes bonnes choses ont une fin et comme vous le savez, votre stage se termine ce soir. C'est pourquoi j'aimerais que vous veniez dans mon bureau à dix-sept heures pour que nous fassions un bilan ensemble.

-Vous voulez que je fasse quelque chose en particulier durant la journée ?

-Faites comme vous avez fait durant la totalité de la semaine, vous vous êtes très bien débrouillée. Elle réfléchit. Juste une chose, n'oubliez pas, ce soir, avant que vous ne partiez, d'aller dire au revoir à tous ceux avec qui vous avez créée des liens durant la semaine.

-Je le ferais.

Madame Rosenfield posa la main sur la poignée de sa porte et l'ouvrit.

-Je dois appeler l'institut qui s'occupe de la mère de l'enfant dont vous vous êtes occupés hier.

-Où sont-ils ?

-Au Sud-Est de la ville, nous ne pouvions nous occuper d'un enfant aussi jeune. D'ailleurs je tiens à vous remercier, vous vous êtes très bien occupée du jeune Mathias.

-Ça a été un plaisir. Même si je ne vous pas cache pas qu'au début j'avais peur de ne pas être à la hauteur.

Madame Rosenfield posa sa main sur l'épaule de la jeune fille.

-Vous êtes capable d'accomplir de grandes choses, croyez-moi quand je vous dis cela, vous avez de très grandes compétences. Le téléphone placé à l'intérieur du bureau se mit à sonner. Je dois y aller, nous reparlerons de cela à dix-sept heures.

Clara hocha la tête, madame Rosenfield la salua et ferma la porte de son bureau en se précipitant sur le téléphone gris posé sur le bureau en bois. La jeune fille resta un moment devant la porte, se rendant bien compte que c'était le dernier jour de son stage et que tout ce qui se trouvait dans ce grand bâtiment allait lui manquer. Les repas avec madame Rosenfield, les parties de bataille avec Adeline, les conversations avec Oliver et d'autres, l'enfant dont elle s'était occupée durant toute une journée. Elle n'en avait jamais fait autant en une semaine. Elle n'avait jamais passé une semaine en ayant accomplit tant de choses et sans avoir été triste à tout bout de champ. Car oui, même si elle avait mal pris le coup de la vidéo sur internet, elle avait été heureuse, ne serait-ce qu'un moment, ici. Elle se dirigea vers la grande salle et profita des heures qu'il restait avant le repas pour jouer à la bataille avec Adeline, qui ne se lassait jamais de ce jeu.

Étant à une réunion de dernière minute, madame Rosenfield ne pu manger à la même table que Clara, et celle-ci hésita à aller à sa table habituelle lorsqu'elle vit Oliver seul à une table au fond de la cantine. Ils ne s'étaient pas parlés depuis qu'il s'était ouvert à elle, et elle ne voulait pas quitter ce lieu ce soir, sans avoir eu une discussion avec lui, sans s'être expliquée et sans s'être fait pardonnée de lui. Elle prit place à la même table que lui, en face, et posa son plateau soigneusement. Il ne prit la peine de lever la tête et commença à piquer dans son plat de résistance. Ce n'était pas quelqu'un qui mangeait énormément, il mangeait le strict minimum et il restait enfermé dans sa chambre la plupart du temps, si il n'était pas devant un ordinateur dans la salle d'ordinateurs. Clara passa l'entrée, détestant les carottes râpées et mangea à son tour dans son assiette le plat de résistance. Il ne l'avait pas regardé une fois.

-Oliver, tu vas continuer à me faire la tête jusqu'à mon départ ?

Il prit son couteau posé près de l'assiette, coupa sa viande, posa de nouveau son couteau et piqua dans un haricot avant de l'apporter jusque dans sa bouche sans lever les yeux. Il lui faisait la tête, elle en était certaine.

-J'aurais aimé que tu me parles une dernière fois avant que je ne parte d'ici. Si tu me fais la tête je ne pourrais revenir te voir de temps en temps. Tu sais que tu vas beaucoup me manquer ?

Il avait sa tête posé sur sa main, élevée par le coude posé sur la table. Il piqua cette fois-ci dans un bout de viande et le recracha en remarquant qu'elle était beaucoup trop cuite. Il détestait la viande trop cuite.

-Tu veux ma viande ? Elle est moins dure que la tienne, la tienne a du être trop cuite.

-C'est un complot, marmonna t-il avant de se lever de sa chaise, de prendre son plateau entre les mains et de la poser près de l'évier avant de sortir de la cuisine, la tête baissée. Clara souffla, espérant qu'il puisse lui pardonner un jour de ne pas avoir fait cette promesse et croqua dans sa pomme qui était censée être le dessert.

Adeline venait de gagner pour la troisième fois de la journée. Les règles avaient été changées et il était maintenant possible pour les deux joueurs de regarder leur paquet de cartes et de choisir quelle carte allait être en duel face à la carte de l'adversaire. Depuis ces nouvelles règles, Adeline battait tout le monde, elle développait des stratégies que Clara elle même ne comprenait pas, mais le principal était qu'Adeline s'émerveille et c'était le cas. Un sourire restait figé en permanence sur son visage depuis qu'elle avait découvert ce jeu et elle inventait, au fur et à mesure, de nouveaux jeux, de nouvelles règles, et cela l'aidait à se sentir vivante, à se sentir enfin utile à quelque chose. Car auparavant, combien de fois lui avait-on dit, avant d'arriver ici, qu'elle était bonne à rien ?

L'heure avançait à grands pas et ce qui inquiétait maintenant Clara était de savoir qu'elle ne s'était toujours pas expliquée avec Oliver. La partie terminée avec Adeline, elle se leva de sa chaise pour laisser place au grand garçon à lunettes qu'elle avait suivi au début du stage pour trouver la cantine et elle chercha du regard si le garçon qu'elle cherchait se trouvait dans la salle. Et pour la première fois, elle le vit sur le canapé qu'il avait dit être le sien en début de semaine, il était enfin sur SON canapé ! Clara se dirigea vers lui et prit place sur le canapé installé près du sien. La télévision était éteinte mais son regard ne la lâchait pas, il semblait attiré par ce qu'elle dégageait.

-Je pensais ne jamais avoir la chance de te voir assis sur ton canapé. On m'avait dit que tu ne t'y asseyais jamais en réalité.

-C'est la seule chose qui me rattache à toi, répondit-il en continuant de fixer l'écran.

-Mais je suis encore là, je ne suis pas encore parti Oliver.

-C'est tout comme.

Elle baissa son regard sur ses bottines usées. Il était vrai qu'elle allait quitté ce lieu dans moins d'une heure et qu'elle n'allait probablement plus jamais revoir Oliver si il ne le souhaitait pas.

-Tu n'as pas le droit de dire ça. Je suis encore là, et si tu le veux je pourrais même venir te voir.

-Tu ne viendras pas, répondit-il d'un ton sec. Tu m'oublieras, comme tout le monde.

Elle tourna son regard vers lui, lui qui n'avait toujours pas lâché des yeux la télévision accrochée au mur.

-Si tu me demandes de revenir te voir, je reviendrais.

N'ayant aucune réponse de sa part, elle se leva et s'agenouilla devant lui en lui prenant les mains dans les siennes.

-Oliver je t'aime beaucoup.

Il détacha enfin son regard de la télévision et le baissa vers Clara, agenouillée devant lui. C'était la première fois qu'une fille était ainsi face à lui, c'était la première fois depuis des années qu'on lui avait dit qu'on l'aimait, c'était la première fois que quelqu'un lui montrait son attachement depuis qu'il était arrivé ici, dans cette maison spécialisée. Remarquant qu'il voulait se lever, elle se redressa et recula. Il se plaça face à la jeune fille tout en la regardant droit dans les yeux.

-Tu vas me manquer, marmonna t-il.

Le visage crispé de la jeune stagiaire se détendit et laissa apparaître un sourire. Et sans qu'elle ne puisse réagir, il se jeta dans ses bras en l'enlaçant fort contre lui. Ses mains s'agrippèrent à la veste de la jeune fille au niveau du dos, il ferma les yeux, sentant les larmes monter aux yeux. Il n'avait pleuré pour la mort de son père, il avait toujours eu tendance à intérioriser ses émotions, mais soudainement, tout ressortait, comme une bombe à retardement. Il revit son père le prenant dans ses bras lorsqu'il était petit et qu'il lui faisait faire l'avion, il le revoyait rire à ses blagues et sourire à ses dessins de toutes les couleurs. Il entendit la voix de sa sœur, lui répétant sans cesse qu'il était différent mais dans le bon sens, qu'être différent était si rare de nos jours. Puis il sentit le parfum de Clara monter jusqu'à ses narines, qu'il renifla aussi fort qu'il le pouvait. Il ne voulait la voir s'éloigner de lui.

-Je ne veux pas que tu partes, marmonna t-il entre deux reniflements, je ne veux pas que tu m'oublies.

Clara le serra d'avantage contre elle en fermant les yeux. Elle ressentait sa détresse, elle ressentait sa tristesse et elle ne pouvait rien faire, a part le serrer contre elle.

-Je ne t'oublierais jamais Olivier. Je te le promets.

Le cœur de Clara battait à grande vitesse, jamais elle n'avait senti une émotion aussi forte depuis le départ de son ancienne meilleure amie. Lorsqu'elle revint à elle et ouvrit de nouveau les yeux, une trentaine de secondes plus tard, elle vit monsieur Hantz a l'entrée de la grande salle, ébahit par ce qu'il voyait.


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top