Chapitre XXXIV - Partie 2

Elle s'approcha doucement de lui, voulant éviter de le brusquer et contourna le banc en silence. Clara analysait énormément ceux qui l'entouraient et elle savait désormais que même si il ne réagissait pas, il sentait sa présence, il savait qu'elle se trouvait maintenant assise près de lui, sur le banc. Les arbres avaient perdus leurs feuilles, cela présageait l'hiver, l'hiver qui n'allait pas tarder à arriver et qui allait étendre son manteau blanc sur la ville entière. Le jardin était désert, les habitants de cette maison spécialisée préférait se trouver au chaud à l'intérieur que d'être dehors par une température de quatre degrés tout au plus. Clara serra l'écharpe autour de son cou pour éviter d'attraper un coup de froid, un mal de gorge qui allait lui gâcher toutes ses nuits durant une semaine tout au moins.

-Lorsque j'étais petite je préférais rester dans le jardin par une température de trois degrés plutôt que d'entendre mes parents se prendre la tête. C'était insupportable, je détestais ça. Commença t-elle. Les entendre se disputer, les entendre hurler me donnait un mal de tête énorme. J'attendais alors que le froid m'achève totalement, j'attendais que l'un de mes parents s'excuse pour que l'autre puisse se camer, ou bien j'attendais que l'un de mes parents vienne me chercher pour me rassurer et me ramener à l'intérieur où le calme était de nouveau apparu. Mais malheureusement, cela n'arrivait jamais. Ce qu'on espère n'arrive jamais réellement, du moins pas de la façon dont on voudrait.

Elle s'arrêta un moment pour enfoncer ses mains dans les poches de sa veste. Il était temps qu'elle sorte un manteau de sa valise, la température était beaucoup trop fraiche pour qu'elle ne puisse maintenant se balader qu'en simple petite veste. Elle reprit.

-Je ne me suis jamais senti comprise. Mes amies disaient me comprendre, mais je savais que non, qu'en réalité elles n'en savaient rien. Personne ne peut savoir ce qu'est de vivre avec une mère alcoolique et un père militaire. Personne ne peut savoir ce qu'est de vivre avec une mère qui nous empêche d'emmener des amies à la maison et d'avoir un père qui ne rentre à la maison que lorsqu'il y a un problème en rapport avec l'alcool. Seule une personne qui est dans ce genre de cas comprend. Personne d'autre. Et pendant des années, j'ai essayé de me dire que je n'étais pas seule, que mes amies me soutenaient, mais en réalité je me mentais à moi même. Les amies arrivent, les amies partent. Ça ne reste jamais indéfiniment. Parfois, il est préférable d'être solitaire. De vouloir être seule, de vouloir comme seule présence la notre. Mais ça n'était pas fait pour moi. J'essayais de me dire que si, que j'aimais être seule, mais non, je n'y arrivais pas. Je n'arrivais même plus à me mentir à moi même. C'est là que j'ai su que j'étais tombée bien bas et que je n'allais que m'enfoncer, que personne n'allait me ramener à la surface et qu'un précipice se creusait sous mes pieds.

Un silence prit le dessus. Clara se confiait peu aux inconnus, c'était la première fois qu'elle le faisait. Et même si elle faisait cela pour mettre en confiance le jeune-homme, elle sentait que cela lui faisait du bien, qu'en réalité elle avait eu besoin d'avouer cela pour se sentir plus légère. Oliver resta immobile un moment face au monologue de la jeune-fille, face à la révélation de Clara, jusqu'à ce qu'il brise le silence.

-Ne supprime pas la vidéo.

Elle tourna son regard vers le jeune homme qui redressait lentement sa colonne vertébrale.

-Je voudrais pouvoir la voir quand je voudrais. Il s'arrêta. Pourquoi est-ce que tu portes toujours des vestes à manches longues ?

Elle ne répondit pas.

-C'est à cause des marques que tu as sur les poignets ?

Les yeux de la jeune-fille s'écarquillèrent. Comment pouvait-il être au courant de cela alors qu'elle faisait en sorte que ses bras ne soient jamais dévoilés ?

-A cause que je suis ici on me considère comme un imbécile qui ne peut pas réfléchir seul, mais je n'en suis pas un. Je sais que j'ai certaines difficultés que d'autres n'ont pas, je sais que j'ai plus de difficultés et problèmes que la plupart des personnes mais j'ai un cerveau et je suis autant capable que toi de réfléchir. Il lui attrapa le poignet lentement. J'ai lu quelque part qu'on appelait ça des scarifications et que lorsque des personnes se les infligent c'est parce qu'elles sont malheureuses. Il la regarda droit dans les yeux. Tu es malheureuse ?

Elle regardait son poignet entre les mains du jeune garçon. En temps normal elle l'aurait retiré, elle détestait qu'on puisse la toucher ainsi, mais être auprès d'Oliver la rendait différente. Lui aussi avait vécu tant de choses, il la comprenait peut-être un minimum. Remarquant son regard fixé sur le poignet, il le posa lentement sur le banc.

-Je ne suis pas un imbécile, répéta t-il. C'est pas parce que je suis ici qu'on peut pas me faire confiance. Je sais ce qu'est la confiance, je...

Elle le coupa.

-Je sais. Je sais Oliver. C'est juste que je n'aime pas en parler. Je sais que tu es plus intelligent que ce que pensent les autres. Mais je n'arrive pas à me confier, c'est ce que tu dois comprendre.

-Comment veux-tu qu'on se confie à toi si tu ne le fais pas ?

Il marquait un point.

-Je veux juste aider des personnes qui ont encore la possibilité de s'en sortir, je veux juste rendre la vie meilleure à ceux qui se sentent mal.

-Mais toi aussi tu peux t'en sortir, toi aussi tu dois te battre. Ce n'est pas parce que tu as été malheureuse hier que tu ne peux pas être heureuse aujourd'hui. Il s'arrêta pour réfléchir. Je veux juste te demander une chose.

-Laquelle ?

-D'arrêter.

Elle fronça les sourcils, ne comprenant pas pourquoi il y tenait tant.

-Je ne...

-Ma sœur se scarifiait aussi. Quand j'étais chez moi on ne voulait pas me dire ce qu'il se passait. On ne voulait pas me dire qu'elle était malheureuse et qu'elle n'aimait pas vivre. J'ai quitté ma maison pour venir ici sans savoir que c'était la dernière fois que je la voyais. Elle s'est jetée par la fenêtre de ma chambre une semaine plus tard. Alors je ne veux pas qu'il t'arrive la même chose. Je veux que tu grandisses encore, que tu ais des enfants et que tu sois heureuse. Il porta la main sur les cheveux bruns de la jeune fille qui ne le quittait pas des yeux. Elle te ressemblait tellement, ses cheveux étaient aussi longs que les tiens. Il reposa soudainement sa main sur son genou et fixa l'arbre se situant à quelques mètres d'eux.

-Promets-le moi.

Elle resta silencieuse. Elle ne pouvait promettre quelque chose qu'elle n'allait surement pas tenir, ça non, elle ne pouvait pas. Il tourna une seconde fois son regard vers elle et remarquant qu'elle n'allait pas le promettre, il se leva du banc et contourna le banc à toute vitesse avant d'entrer précipitamment à l'intérieur de la maison. Clara lui rappelait sa sœur. Il avait en quelque sorte oublié la perte de sa sœur avec le temps, mais revoir une jeune fille comme Clara lui avait tout remis en mémoire. Il s'était rappelé du sort de sa sœur, il s'est souvenu qu'elle l'avait quitté et qu'il ne savait toujours pas, depuis tant d'années, pourquoi elle était partie, pourquoi elle n'était pas restée pour le voir grandir. Après avoir vu les marques sur les poignets de la jeune fille, il s'était souvenu que sa sœur avaient auparavant les mêmes. Alors il avait fait des recherches. Il avait fait des recherches et il avait enfin su pourquoi elle était partie, pourquoi elle ne lui avait pas dit au revoir. Les recherches avaient menés à la vidéo sur Internet. C'était la première fois qu'il avait senti son ventre se nouer et c'était la première fois depuis des années que les larmes avaient dévalés ses joues. C'était de même la première fois depuis des années qu'il s'attachait à quelqu'un


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