Chapitre XXXI
Ce que ça fait du bien de pouvoir se coucher à n'importe quelle heure et de pouvoir se lever à l'heure que l'on veut. Cela faisait bien des années que je n'avais pu faire ça, plus précisément depuis que l'on m'avait fait habiter chez ma tante. Je me demande encore aujourd'hui comment cela fait-il qu'une tante, quelqu'un de notre famille, puisse faire subir tant de choses à sa nièce, en l'occurrence moi. Lorsque je regarde les journaux et que je vois tous les faits divers, ce que certaines personnes peuvent faire, cela me met hors de moi. L'autre jour j'ai vu qu'un homme avait mis sa femme à la porte et avait menacé de jeter leur enfant par la fenêtre. La femme, étant sûr qu'il était sérieux, a couru jusqu'au bas de l'immeuble et a attrapé juste à temps dans ses bras l'enfant qui venait d'être jeté par la terrasse. L'homme a sauté par la suite, mais il ne s'est pas tué. Je trouve vraiment cela exubérant de voir des personnes pouvant agir comme cela. Peut-être est-ce parce que je ne me rends pas vraiment compte dans quel monde on vit. La folie est de plus en plus présente. Franchement, si la personne qui a un enfant veut se jeter en l'air, qu'il le fasse mais qu'il épargne la vie de son enfant. Pourquoi vouloir faire payer l'enfant qui n'y est pour rien ? Pourquoi vouloir faire souffrir la mère qui aurait pleuré par la suite la mort de son enfant ? Pourquoi détruire les autres lorsque l'on est nous même détruit ?
Je n'ai pas dit à Jordi ce que j'avais vu sur son ordinateur, la conversation entre lui et Anthony. J'y pense souvent, j'essaye de comprendre, puis j'abandonne, car en réalité, je ne comprends vraiment rien. Pourquoi Jordi est meilleur ami avec un mec comme Anthony ? Pourquoi Jordi, parfois, m'ignore et s'excuse le lendemain ? Pourquoi est-ce qu'il est avec moi ? Peut-être aurais-je quelques réponses, mais certaines questions resteront sans doute sans réponse, on ne peut avoir réponse à tout. J'ai beau l'aimer comme une folle, je sens au fond de moi, peut-être ne devrais-je pas, mais je sens au fond de moi que quelque chose se trame et qu'il me cache quelque chose, qu'il ne m'a pas tout dit. Peut-être est-ce l'intuition féminine.
Jordi a passé sa journée à ranger son armoire, car lorsque je lui ai dit que Monsieur Hantz lui avait trouvé un stage dans une agence de mannequinat, il a littéralement sauté au plafond, et m'a remercié une bonne centaine de fois avant de se décider à trier ses vêtements. ''Je dois être présentable pour demain'' disait-il. Désormais il n'arrête pas de sourire, c'est vrai qu'il en avait toujours rêvé de ça, de pouvoir faire un stage dans une agence pour en apprendre un peu plus. Je suis vraiment contente pour lui. Quant à moi, je ne sais pas si je suis prête pour demain, j'appréhende réellement, car je suis quelqu'un de renfermée, j'espère que je ferais bonne impression. En fait non, je veux surtout ne causer aucun problème, peu importe si on m'aime ou non, je veux juste me faire petite et ne rien faire de travers. Je veux que monsieur Hantz soit fier de moi et qu'il ne vienne pas à regretter de m'avoir fait venir dans cette maison.
Jordi est devant la télévision du salon en train de regarder un match de catch entre filles, je ne comprends pas son intérêt envers ce genre de divertissements. Lorsque je lui ai demandé où étaient ses parents car je ne les avais pas encore rencontré dans la maison, il m'a dit qu'en fait c'était son propre appartement et que ses parents n'habitaient pas dans cette ville. Il est vingt-deux heures, je devrais peut-être aller me coucher, demain je dois me lever tôt pour ne pas arriver en retard. J'espère que tout se passera bien, mais comme beaucoup disent, il n'y a pas de raison que cela se passe mal. Je n'ai plus qu'à croiser les doigts.
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