Chapitre XVII
Les cours de la matinée venaient de se terminer. Clara passait le portail seule, décidée à aller manger en ville le tout nouveau sandwich qui venait de sortir. Beaucoup en parlait et elle voulait absolument faire son propre avis sur celui-ci. Bacon, sauce curry, cornichons, sauce blanche, beurre, mayonnaise, ketchup, jambon et tomates. Elle prit le premier bus et fila au cœur du centre-ville. Le froid avait fait son apparition il y a quelques jours de cela. Les températures chutaient, Clara devait à tout prix se procurer de nouveaux pulls avant les températures négatives. L'air frais passait sur son visage, faisant passer ses joues de la couleur pâle au rouge clair. Elle monta son col, enfonça son visage dans son manteau et marcha quelques mètres avant d'entrer dans la boulangerie. Les sandwichs venaient tout juste d'être préparés. Elle se plaça derrière deux hommes qui faisaient la queue, puis se fut à son tour une minute plus tard. Elle paya avec le peu d'argent qu'elle avait, remercia la dame puis ressorti.
Elle marchait au bord du trottoir, son sandwich entre les mains. Il avait bon goût, mais ce n'était pas le meilleur. La sauce blanche et le curry donnait deux goûts bien trop différents. Puis le bacon et le jambon n'allaient pas vraiment ensemble non plus, mais le sandwich était mangeable. Elle passait près des bars. Elle avait soif, vraiment soif. Clara se mit alors à la recherche d'un bar qui pouvait vendre une boisson à prix pas très excessif. Un manteau marron, une écharpe noir posés sur la chaise, elle s'arrêta subitement. Son professeur de littérature était assis à une table à l'intérieur d'un bar. Elle expira, se rendant compte qu'il n'avait pas remonté la pente, alors elle entra à son tour. Il semblait attendre sa commande. Il semblait dans ses pensées et il n'avait pas remarqué sa présence, alors s'arrêta devant le bar et interpella le barman.
-Est-ce que l'homme au fond à commandé une boisson alcoolisée ?
-Oui ma petite dame.
Elle se tourna pour l'observer puis regarda de nouveau l'homme.
-Apportez lui plutôt une bouteille d'ice-tea s'il vous plaît, et un chocolat chaud pour moi à la même table.
Il hocha la tête et se baissa pour mettre au frais des bouteilles d'eau et du jus de fruit. Elle tourna ses talons et se dirigea vers son professeur. Il avait de nouveau les cheveux coiffés dans tous les sens, il semblait s'être levé il y a quelques minutes, et une barbe de plusieurs jours apparaissaient sur son visage. Il haussa la tête en remarquant une présence face à sa table.
-Clara, dit-il en regardant de nouveau la table, asseyez-vous si l'envie vous en prend.
Elle recula sa chaise et prit place dessus en se rapprochant de la table par la suite.
-Je ne vous demande pas ce que vous faites-la.
-En effet, ne le demandez pas, répondit-il.
Un serveur interrompit la conversation et posa une bouteille d'ice-tea, un verre ainsi qu'une tasse de chocolat chaud sur la table avant de s'éclipser. Monsieur Hantz fronça les sourcils en remarquant que ce n'était pas une bouteille d'ice-tea qu'il avait commandé mais un ricard. Il leva la main pour l'interpeller mais Clara lui avoua que c'était elle qui avait annulé la commande en échange de cela. Il la regarda un moment, expirant profondément avant d'ouvrir la bouteille.
-Pourquoi Clara, pourquoi ? Répéta t-il en versant sa boisson dans le verre.
-C'est plus prudent lorsqu'il y a cours trente minutes plus tard.
-Je ne fais pas cours, répondit-il en apportant son verre à ses lèvres, je ne fais pas cours.
Elle colla ses mains de chaque côté de la tasse. Le chocolat chaud dégageait une fumée de chaleur. Il était bouillant. Elle tourna l'intérieur de la tasse à l'aide de sa cuillère, demanda un peu de lait et apporta la tasse jusqu'à ses lèvres pour en boire la moitié rapidement. Elle ne devait pas tarder.
-Clara.
Elle haussa son regard vers son professeur qui la fixait depuis un moment maintenant.
-Pourquoi fais-tu cela ?
Elle fronça les sourcils.
-Ce que je fais ?
-Pourquoi est-ce que tu agis ainsi envers moi ? Pourquoi ?
Ils se regardaient, il semblait que plus rien n'existait entre eux. Il était si sérieux et semblait si sincère.
-Je ne vous laisserai pas vous détruire comme moi je l'ai fait. Vous avez tant d'ambitions, vous n'avez pas le droit de tout laisser tomber à cause d'une fille. Vous devez vous reprendre, vous relevez et faire face à la vie.
Le téléphone de la jeune-fille se mit à sonner. C'était son réveil, il était l'heure de partir, le bus n'allait pas tarder. Elle se leva, but la fin de sa tasse de chocolat chaud et attrapa son sac en plastique où se trouvait encore la moitié de son sandwich.
-Je suis désolée je dois y aller monsieur. Mais je vous en prie, reprenez-vous. Si vous vous baissez les bras, je ne vois pas pourquoi moi je devrais me battre. Vraiment.
Elle posa de l'argent pour payer les deux boissons et il n'eut le temps de réagir qu'elle était déjà dehors sur le trottoir d'en face.
____ ____ ____
Les cours, les cours et encore les cours. Elle se demandait réellement pourquoi elle continuait à y aller. Sa tante la battait toujours autant, les marques sur sa peau prenaient une place considérable dans sa vie. Elle ne pouvait aller à la piscine, à la mer, d'ailleurs, depuis combien d'années n'était-elle pas allée à la plage ? Ça lui manquait, terriblement. Sentir le sable chaud sous ses pieds, entendre les vagues éclabousser les petits enfants avec leur bouée autour du bassin. Entendre les enfants rire, les voir tremper de la tête aux pieds gardant toujours le sourire aux lèvres, l'un de leur parent se trouvant derrière pour les protéger en cas de danger. Cela faisait des années que Clara n'était pas parti en vacances, n'était pas parti autre part que cette foutue ville. D'ailleurs elle détestait cette ville. Des hypocrites aux quatre coins de la rue, des dealers, des filles se baladant en mini-jupe osant montrer leurs jambes et bien plus, car elles, ça non, elles ne connaissaient pas la peur que quelqu'un puisse voir qu'elles se faisaient battre, ça non, elles étaient heureuses elles. Elle les détestait. Jordi avait beau montrer son attachement envers elle, il avait beau l'enlacer, l'embrasser ou lui dire qu'il serait toujours là, elle sentait très bien son regard posé sur les filles habillés de cette sorte. Et a ce moment là, elle ne comprenait pas pourquoi il était avec elle, pourquoi il sortait avec elle. Elle ne s'habillait jamais comme cela, même dans ses rêves ses marques ne disparaissaient pas, même dans ses rêves elle était malheureuse, elle pleurait, elle se suicidait, elle se jetait de sa fenêtre et s'écrasait sur le sol, mais elle respirait encore, étendue sur le sol. Elle imaginait Jordi reprendre sa vie comme si de rien n'était, elle l'imaginait draguer une des filles qu'elle croisait dans la rue, elle l'imaginait répéter ce qu'il lui avait dit auparavant, lorsqu'elle était encore vivante. La vie était si belle pour certains tandis que la vie était si épouvantable pour d'autres. Anthony arrêterait-il de la suivre dans les couloirs, de la pousser contre les murs lorsqu'il passait près d'elle en allant en cours, ou arrêterait-il de la regarder de travers comme il le faisait si il savait ce qu'il se passait dans sa vie ? Elle en avait aucune idée, peut-être s'excuserait-il, ou peut-être ne la croirait-il pas et continuerait, peut-être ferait-il même pire. La cloche sonna dix-huit heures. Elle se leva de sa chaise alors que le professeur n'avait même pas finit sa phrase. Il la regarda passer son sac sur son dos et se diriger vers la porte tout en continuant son cours. Elle passa la porte en silence, ne se rendant même pas compte qu'elle était la seule à être sorti.
Les vacances approchaient à grands pas. Clara savait déjà qu'elle allait passer deux semaines épouvantables, deux semaines qui allaient comme d'habitude, mal se passer. Elle pleurerait beaucoup, voudrait s'enfuir, puis elle se rappellerait qu'elle n'a nul part ou aller, et elle restera allongée sur son lit, la tête enfouie dans son coussin, couvert de larmes. Sa tante la battrait, comme à son habitude. Une ceinture lui tombera sous la main et elle la fera claquer sur le dos de la jeune-fille, un fil électrique se trouvera sur son passage et elle les abattra sur les bras de Clara. La cafetière sera posée sur le l'évier de la cuisine, Clara agacera sa tante sans même dire un mot, et elle videra violemment l'eau encore bouillante sur la jeune-fille qui s'enfuira dans la salle de bain pour se couvrir d'eau froide dans la baignoire sur la totalité de son corps, encore vêtue.
Clara traversait le passage piéton et s'arrêta devant un parc pour enfants à quelques mètres de là. Elle avait l'habitude de venir ici lorsqu'elle était plus petite, accompagnée de sa mère. Elle se jetait dans les cailloux se trouvant autour du toboggan et sa maman la grondait gentiment, se plaignant qu'elle allait encore devoir lui acheter de nouveaux vêtements si elle les trouait. C'était une casse-cou dès son plus jeune-âge. Mais dorénavant, elle n'avait plus besoin de sortir ou de tomber sur le sol par mégarde pour avoir des hématomes, sa tante s'en chargeait très bien. Elle était sans cœur. Elle la détestait. Elle aurait voulu être elle même sans cœur et lui planter un couteau en plein cœur durant son sommeil, la faire souffrir comme elle le lui faisait mais elle n'était pas comme cela, ça non, elle était gentille, malheureusement.
Clara était assise sur un banc en face du parc qui représentait toute son enfance. Ses yeux brillaient dorénavant. Les larmes ne demandaient qu'à dévaler ses joues. Mais elle ne le souhaitait pas. Pourquoi allait-elle pleurer ? Allait-elle pleurer de joie en repensant à sa vie d'avant, ou allait-elle pleurer en repensant à sa vie d'aujourd'hui ? Elle passa sa main droite sur chacun de ses yeux pour essayer de se reprendre. Clara n'avait pas fait réellement attention, mais quelqu'un se trouvait derrière elle depuis vingt bonnes secondes maintenant. Lorsqu'elle s'en rendit enfin compte, elle se leva brusquement, essuyant la seule larme qui avait réussit à atteindre ses deux jolies lèvres et se retourna. Anthony la regardait, un sourire en coin.
-Qu'est-ce que t'as ? Demanda t-elle sèchement. Lâche-moi Anthony.
Elle attrapa son sac et était sur le point de partir lorsqu'il se plaça face à elle. Il était seul.
-Tu arrêtes jamais de pleurer toi, répondit-il après un moment de silence. Je t'ai encore rien dit, ricana t-il.
-Laisse-moi rentrer chez moi. Elle s'arrêta. S'il te plaît.
-Écoute, reprit-il en se raclant la gorge, on est parti sur de mauvaises bases tous les deux.
Elle le fixa, s'attendant au pire.
-Et... balbutia t-il. Et je pense que nous pourrions trouver un accord, reprit-il en passant sa main sur la joue de la jeune fille en l'effleurant avec son pouce à plusieurs reprises. Il la caressait. Elle recula alors.
-Garde tes belles paroles, je ne veux pas en entendre plus.
Il s'approcha de nouveau d'elle sans la quitter des yeux. Il semblait se mordre la lèvre.
-Clara, nous pourrions très bien nous entendre. Je ne te demande juste une chose, une seule.
Elle continuait de reculer pendant que lui avançait à la même allure.
-Qu'est-ce que tu veux me faire comprendre ?
Un sourire en coin, il l'attrapa par les hanches et la colla à lui.
-Tu as juste à me rejoindre ce soir chez moi.
Elle le repoussa brusquement et recula.
-Tu es cinglé ! Hurla t-elle les yeux grands ouverts. Dans tes rêves Anthony. Jamais. Ne me redemande jamais ça, jamais ! Tu as cru que j'étais une fille facile c'est ça ? Remballe ton discours et lâche-moi.
-Une fille facile ? Il ricana. Jordi n'a pas eu tant de mal que ça.
-Va te faire voir.
Elle tourna les talons et marcha sur le chemin de terre à vive allure. Il ne la suivait pas, il la regardait même s'éloigner immobile. Son petit sourire en coin l'agaçait. Qu'il aille se faire voir. Elle prit le premier bus pour rentrer chez elle. Ce mec était définitivement cinglé.
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