Chapitre XLVI

Chère Clara,

J'ai tant hésité avant d'oser ouvrir ton journal et d'y lire son contenu. Je ne sais pas si tu vas m'en vouloir d'où tu es que j'écrive sur la dernière page de ton journal, mais j'ai une petite lueur au fond de moi qui me dit que non. En réalité j'ai l'impression de devenir fou, parce que j'espère au plus profond de moi que l'on pourra communiquer à travers cet objet qui a été présent lorsque personne ne savait l'être. J'essaye, malgré tout, de garder cette petite lueur d'espoir, car maintenant il ne me reste plus que ça : l'espérance.

Un jeune professeur nommé monsieur Hantz est venu frapper à la maison de notre "tante" hier, c'est le même homme, je m'en souviens maintenant, qui avait parlé en ton honneur il y a de cela deux jours. Lorsqu'il a parlé, il n'a plus arrêté. Il a tout enchaîné :  le fait que tu ais été battue par notre "tante", le fait que tu ais été harcelée au lycée et que l'on te faisait vivre l'enfer, sans oublier que lorsque papa appelait au téléphone il n'arrivait jamais a t'avoir car "tata" t'empêchait de lui parler. Tu ne recevais apparemment aucune de ses lettres. Quand papa lui a demandé d'où il tenait ses sources, il lui a répondu que tout cela avait été avoué par Jordi, le garçon qui m'a donné ton carnet. Je ne savais pas que tu avais été en couple avec lui.

"Tata" s'est énervée, elle n'a pas apprécié que tout soit avoué, alors elle est sortie pour aller fumer une cigarette (entre nous, je me demande si elle ne fume que ça?) J'ai tellement ris. Papa l'a enfermé à clé dehors et on a fouillé les quatre recoins de la maison pour essayer d'en savoir plus. Et nous avons trouvé dans un placard fermé à clé toutes les lettres que tu n'avais jamais lue. Elles étaient encore fermées. Papa a essayé de se contenir, mais je voyais bien qu'il était en colère. Sa mâchoire était crispée, je sentais qu'il allait exploser de rage, que ça n'était qu'une question de temps. Il passait toutes ses heures de pause lorsqu'il était en déplacement à t'écrire, à expliquer en détails ce qu'il faisait pour que tu puisses te sentir proche de lui, alors qu'au final, tu as surement cru qu'il t'avait oublié. Nous avons trouvé un autre petit tas de lettres. Après les avoir ouvertes, nous avons vu que ça venait d''Universal Talent Record. C'est une agence qui est sans cesse à la recherche de nouveaux talents. Ils ont expliqués qu'ils avaient vu ta vidéo sur Internet, elle a atteint 5 418 951 vues avec 1 365 187 j'aime. Par curiosité, et aussi par fierté, on a été taper ton prénom sur le net, et nous avons vu. Nous avons vu à quel point tu chantais bien, à quel point tu avais de la voix, et à quel point tu étais belle. Papa a pleuré. Cette agence t'a envoyé à quatre reprises la même lettre, demandant à te rencontrer pour t'entendre chanter en studio. Je suis persuadé au plus profond de moi que tu aurais été une grande chanteuse. Papa va appeler l'agence demain pour les mettre au courant de ce qu'il s'est passé. Ça me brise le cœur.  Cela faisait cinq ans que papa m'avait dit que l'on se verrait dans sept ans. Il ne restait plus que deux petites années à tenir, et pourtant, maintenant je sais que lorsque ces sept années seront passées, je ne t'aurais toujours pas vu. Je suis tellement en colère contre ces pourritures qui t'ont gâchés la vie ! Le harcèlement ne devrait pas exister, la tristesse ou encore la dépression ne devraient pas exister !

Tu sais, nous sommes aller chercher tes affaires chez Jordi ce matin. Papa a été surpris de voir à quel point beaucoup de photos de toi et lui étaient dans l'appartement. Le sourire qu'il avait sur les photos en ta présence reste gravé en moi. Il semblait tant t'aimer. Je sais que je n'aurais pas dû, mais j'en ai piqué quelques unes. Je veux pouvoir te voir heureuse, je veux pouvoir me dire que malgré tout cet enfer, tu as su être heureuse et tu as su garder le moral et le sourire.

Il me semble que papa va faire une pause. Il va demander à être arrêté pendant un long moment. Il se sent très mal. A vrai dire je ne le reconnais plus. Il se sent coupable d'avoir haït Jordi et de le lui avoir fait comprendre alors qu'il avait été l'un des seuls a avoir essayé de t'aider. Il se sent coupable de t'avoir laisser ici. Il répète sans cesse avant de s'effondrer en larmes que si tu n'avais pas été laissé ici par sa faute, tu serais encore parmi nous aujourd'hui. Le fait que l'on n'ait pas encore retrouvé ton corps le rend fou... Il souhaite rentrer que lorsqu'on l'aura retrouvé, il dit que son deuil ne pourra pas commencer avant cela. J'espère que tu vas bien où tu es. Tu ne seras jamais oublié. Tu vivras toujours dans nos cœurs, je te le promets. Papa a besoin de moi pour faire la cuisine, je dois te laisser.

Je t'aime Clara.

-Ton frère, que tu n'as jamais connu.




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