Chapitre XLIV
La salle était plongée dans le silence, une fois de plus. La cérémonie terminée, personne n'osait bouger. Personne n'osait se lever du banc et sortir par peur d'être mal vu, d'être jugé. Mais finalement, le père de Clara se leva suivi d'une jeune garçon et ils sortirent de cette immense salle sous les yeux attentifs de ceux présents. Jordi les observa se diriger à pas lents vers la sortie. C'était donc le petit frère de Clara. Ce jeune homme n'avait donc jamais vu sa sœur et tout ce qu'il avait appris aujourd'hui sur elle était qu'elle s'était faite harcelée et battue à plusieurs reprises. Ceci le révoltait. Jamais il n'aurait du apprendre cela comme ça, jamais ! C'était honteux. Jordi se leva brusquement, son chapeau noir en main et sorti à son tour. Rester dans une salle pleine d'hypocrites ne l'intéressait pas. Même si il faisait croire le contraire, il ne pouvait ignorer les regards portés sur lui. On lui avait envoyé, depuis la disparition de Clara, des messages de haine, des insultes sur les réseaux sociaux. Jamais il n'avait enduré cela. Toutes ces personnes qui se permettaient maintenant de le regarder de travers, de chuchoter lorsqu'il passait près d'eux n'avaient en aucun cas bougés pour Clara, jamais ! Et ils se permettaient maintenant de le traiter comme un coupable. Il était vrai que si ce pari n'avait eu lieu, Clara serait surement encore là aujourd'hui, mais il avait eu malheureusement lieu. Il savait aussi bien qu'Anthony que cette conversation accrochée dans le couloir du lycée était fausse, jamais elle n'avait eu lieu, et pourtant, tout le monde se retournait maintenant contre Jordi, tout le monde le traitait, pendant qu'Anthony tombait dans les oubliettes. C'était honteux !
Le petit frère de Clara lui brisait le cœur. Jordi venait de passer la grande porte en bois massif et s'était subitement arrêté dans le couloir qui menait à dehors en remarquant le jeune homme sur le sol, pleurant à vives larmes. Les larmes dévalant ses joues, son dos collé contre le mur droit du couloir, il se vidait. Cette scène était terrible, Jordi se sentait dorénavant coupable de ses pleurs, de sa tristesse, jamais tout cela n'aurait du arriver. Il se dirigea vers lui, le cœur battant et la mâchoire serrée. Son père semblait parler avec Monsieur Hantz qui avait quitté discrètement la grande salle avant tout le monde, ne pouvant en supporter plus. Le petit frère de Clara avait surement entendu parler de lui, il allait sans doute le détester en apprenant qu'il était Jordi, celui qui était la cause de la mort de sa sœur. Le jeune blond s'est accroupi près du jeune homme en silence sans le quitter des yeux.
-Je suis Jordi, commença t-il. Tu as entendu parler de moi ?
Le jeune garçon, les larmes continuant à dévaler ses joues, posa son regard sur lui sans proférer une quelconque parole. Le chagrin l'envahissait. Sa sœur lui manquait déjà.
-Toutes mes condoléances, je suis réellement désolé pour toi. Si tu souhaites en savoir plus sur ta sœur tu es en droit de me le demander, je te promets que je ferais tout mon possible pour répondre à tes questions.
Le jeune homme ne le quittait pas des yeux. Qui était-il ? Il n'avait jamais entendu parler d'un Jordi, absolument jamais. Faisait-il parti de ceux qui avait harcelé sa sœur ? Jordi, gêné par la situation, dirigea lentement sa main vers les joues du jeune garçon et essuya délicatement à l'aide de son pouce les larmes qui séchaient.
-J'ai quelque chose pour toi, continua t-il, accroupi, en faisant passer son petit sac posé sur son dos à ses pieds. Il fit glisser la fermeture, passa sa main à l'intérieur et en sorti un carnet violet. Jordi le fixa un moment, conscient de tout ce qu'il contenait.
-Ta sœur écrivait tout ce qu'il se passait dans sa vie à l'intérieur de ce carnet. Je l'ai lu, avoua t-il le cœur serré, je pense que tu en feras meilleur usage que moi, continua t-il à avouer en tendant le carnet au jeune garçon qui le prit lentement entre ses mains. Je sais que ça ne va pas être facile pour toi. Lorsqu'elle ouvrait ce cahier, c'était pour la plupart du temps écrire lorsqu'elle n'allait pas bien, lorsqu'elle ne savait à qui parler. Je veux que tu saches que ça va surement être très dur pour toi de le lire, mais lorsque tu l'auras entièrement lu, tu seras en droit de te dire que tu connais ta sœur, parce que ce carnet est une partie de Clara. Ce carnet a été là lorsque personne ne l'a été.
Il se redressa lentement.
-Je te demande juste une chose, rien qu'une seule, c'est d'en prendre soin. Je veux que tu en prennes soin autant que j'aurais du prendre soin de Clara.
Le jeune homme n'avait lâché le carnet des yeux depuis que Jordi le lui avait donné. Il n'avait aucune idée de qui il pouvait bien être, mais ce carnet représentait tant pour lui maintenant. Son regard considérait ce carnet comme quelque chose de si précieux !
-Prend soin de toi. Et sache que dans cette circonstance, Clara aurait voulu te voir sourire. Elle aurait détesté te voir en larmes, dit-il en esquissant un petit sourire. A l'intérieur, j'y ai glissé mon numéro tout à l'heure. Si tu te poses des questions, si tu ne sais pas à qui parler, compose-le, j'aimerais vraiment pouvoir t'aider.
Le petit frère de Clara le regarda un instant, ne comprenant pas pourquoi il faisait tout cela, puis hocha la tête. Peu importe qui il pouvait bien être, il lui avait remis le carnet de Clara, il allait surement en apprendre beaucoup sur sa sœur grâce à lui.
Jordi esquissa un léger sourire, apporta son sac sur son dos et tourna les talons. Il se dirigeait maintenant vers monsieur Hantz et le père de Clara qui le regardèrent arriver. Le jeune professeur s'écarta d'un pas pour laisser Jordi se placer face au père de Clara.
-Bonjour monsieur, je suis honoré de vous rencontrer. Je m'appelle Jordi.
Le jeune blond lui tendit la main mais la poignée de main espérée ne se produisit pas. Il laissa retomber son bras par un lent mouvement.
-Vous ne me connaissez surement pas mais...
-Si.
Jordi resta stupéfait, sans voix, les yeux écarquillés. Monsieur Hantz semblait gêné par la situation.
-Je me suis renseigné sur toi, continua t-il d'une voix dure.
Jordi baissa instinctivement la tête. Si il était au courant de la conversation, il allait surement le détester, il allait même surement lui casser la figure.
-Tu es un petit crétin, reprit-il. Tu as tué ma fille.
Jordi sentait les larmes monter en lui. La réalité ainsi que la vérité lui étaient lancées en pleine figure. Il avait tué Clara, il l'avait tué.
-Va t-en.
Jordi hocha la tête, la tête encore baissée et tourna les talons vers la sortie sous les yeux de monsieur Hantz, silencieux. Il passa la porte du couloir le cœur lourd, les larmes aux yeux et le souffle court. Son père ne lui avait même pas laissé le temps de s'exprimer, il ne lui avait même pas laissé le temps de s'excuser, de dire ce qu'il avait sur le cœur.
Il était maintenant dehors, les cheveux virevoltant dans le vent à cause de la tempête qui approchait. Ses pieds frôlaient le sol. Jamais il ne s'était senti aussi honteux. Jamais il ne s'était senti aussi nul, aussi minable. Tout le monde le détestait, tout le monde le traitait, aucun ne l'écoutait.
La nuit fut longue. Sur le flanc gauche, sur le dos, sur le côté droit, puis le regard face au plafond. Il n'arrivait pas à trouver le sommeil. Jordi pensait sans cesse à Clara qu'il n'allait plus jamais revoir. Il avait supprimé son compte facebook la veille, son compte twitter de même, et avait décidé de ne plus allumer son portable pour le moment. Il voulait à tout prix se retrouver seul pour réfléchir, pour voir ce qu'il devait faire.
Les heures défilant sur l'horloge accrochée en haut du mur, il repoussa sa couette, se leva de son lit et prit place sur la chaise placée face à son bureau. Il prit une feuille blanche, le premier stylo qui lui tomba sous la main et se mit à écrire.
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