Chapitre III
Ce fut une fois de plus un réveil manqué. Le réveil de Clara n'avait pas sonné et elle arriva en retard en cours le lendemain. Quand celle-ci entra dans la salle de littérature, elle se rendit compte que la salle était plongée dans le silence et que le contrôle était surement ce jour-ci. Elle avait totalement oublié de réviser, elle n'avait même pas jeté un œil à son agenda la veille. Clara prit place à sa table pendant que son professeur lui apporta la feuille de contrôle. Jamais elle n'allait pouvoir répondre à toutes ces questions, elle n'avait soudainement plus aucune connaissance en tête, elle qui révisait pourtant tous les soirs ! Elle sortit son stylo de sa trousse et souffla silencieusement. C'était un désastre.
Comment allait-elle annoncer à sa tante qu'elle avait totalement loupé son contrôle ? Elle avait passé les deux heures à gribouiller sur le côté de sa feuille de contrôle. Jamais ça ne lui était arrivé. Qu'allait-il se passer si Antho racontait n'importe quoi à Jordi afin qu'il la déteste ? Et si elle croisait une seconde fois Anthony seule dans la rue ? La sonnerie venait tout juste de retentir. Elle sortit aussitôt de ses pensées, poussa brusquement sa chaise derrière elle afin de prendre toutes ses affaires et sortit de la salle après avoir rendu la feuille quasi-vierge à son professeur. Sa meilleure amie l'attendait devant la salle, et remarquant la mine pâle de Clara, elle ouvrit grands ses bras pour que celle-ci puisse s'y loger.
Manon était énervée, ce que venait de lui raconter Clara la mettait en rogne, le mot était même faible.
-Tu dois aller le dire à Jordi !
-Pourquoi faire ? Souffla Clara désespérément.
-Tu imagines si Anthony monte la tête à Jordi ?
La jeune fille haussa les épaules. Elle n'avait jamais été aussi heureuse d'être en pause. Cela permettait aux élèves de se relaxer, d'aller acheter une boisson au distributeur près du hall ou bien de se rejoindre entre amis durant une bonne dizaine de minutes avant de filer en cours. Clara se devait de passer à son casier, son manuel de Espagnol était terriblement lourd et son dos était surement sur le point de se rompre. Elle s'y dirigea, suivi de près par Manon, posa son sac à ses pieds et souleva son regard vers sa porte en métal lorsqu'elle vit une affiche rectangulaire collée sur la porte verte de son casier. «C.R.E.V.E» y était soigneusement noté. Ne se laissant pas emporter par la surprise et l'énervement de voir qu'on en avait toujours après elle, la jeune fille arracha aussitôt la feuille, l'écrasa en boule et la jeta dans la poubelle la plus proche avant de reprendre place en face de son casier, désormais nettement plus présentable. Elle tourna les chiffres de son cadenas afin de composer son code, le crochet de sécurité sauta et elle tourna la sorte de poignée en métal pour ouvrir son casier quand elle vit toutes ses affaires glisser de son casier en s'écroulant sur le sol du hall. Elle recula rapidement. Des dizaines de bombes à eau sur le point d'exploser roulèrent à leur tour du casier et éclatèrent monstrueusement sur ses affaires éparpillées sur le sol. Les bras ballants, n'ayant pas la force de crier quoi que ce soit, elle observa le déluge à ses pieds. Plus aucune de ses affaires n'allaient être utilisables, tout allait finir à la poubelle, absolument tout. L'absence de réaction s'expliquait par le fait que ça n'était pas la première fois qu'on lui faisait une blague de ce genre. Manon se baissa afin de rassembler toutes les affaires au même endroit et Clara la suivit tout en expirant d'agacement.
Lentement, Manon releva la tête en entendant quelques rires provenir du hall. Les rires se multipliaient, telle une propagation de poux qui sautent de chevelure en chevelure, et Clara, concentrée, ne releva pas tout de suite son visage. Lorsque celle-ci sentit le regard de sa meilleure amie posée sur elle, la jeune fille sortit de ses pensées et leva son regard avant de se rendre compte que le hall riait aux éclats. Tous les regards étaient braqués sur elle. Ils semblaient ne pas rire de quelque chose, mais plutôt d'elle. Peu importe l'endroit où elle posait son regard, elle tombait sur un visage qui l'observait tout en riant de bon cœur. Lentement, elle sentit son cœur se contracter dans sa poitrine, et sa respiration peu à peu accélérer sans qu'elle ne puisse la contrôler. Manon ne semblait pas plus gênée que ça, pourtant, elle était en réalité extrêmement mal à l'aise. Anthony les observait, un sourire en coin, fier de voir que la blague faisait bien plus que son effet.
Elle était dans un film. C'était un film qui n'allait jamais terminer, qui n'allait apparemment jamais prendre fin. La vision de Clara se brouillait pas les larmes, elle ne pouvait plus distinguer un visage d'un autre, tout semblait si flou. Tout se déroulait au ralenti, les rires n'en finissaient pas, ils continuaient continuellement dans sa tête, ne sachant même plus si elle devenait folle ou si ce qu'elle entendait était véritable. Tous les lycéens dans le hall se payaient sa tête, tout le monde se permettait de se moquer d'elle sans chercher à savoir ce qui était réellement drôle. Il lui semblait que son cœur allait exploser sur sa cage thoracique, que son pouls allait rompre sous sa peau et qu'elle allait s'écrouler sur le sol tant ses membres tremblaient. Elle ne contrôlait plus rien. Soudainement, Clara lâcha le peu d'affaires qu'elle avait entre ses mains, elle se releva brusquement et fonça dans la foule où elle tenta avec tant bien que mal de se frayer un chemin jusqu'aux toilettes féminines. La jeune fille se tenait la tête entre ses deux mains. Elle était persuadée de devenir folle, que tout cela n'allait plus jamais s'arrêter, que les rires allaient continuellement se répéter dans sa tête jusqu'à la fin de ses jours. Elle fonça dans la porte, la lumière s'alluma à son arrivée et elle fonça jusqu'au fond de la salle où elle se laissa glisser au coin du mur.
Les larmes dévalaient ses joues tandis qu'elle rabattait continuellement ses jambes contre son ventre afin d'y encrer son visage. Elle ne voyait désormais plus comment elle allait pouvoir supporter tout cela désormais ; elle n'avait plus le courage de faire face à toutes les critiques qui se rabattaient perpétuellement sur son compte. Clara tentait avec tant bien que mal de contrôler sa colère, mais à quoi bon lorsque les autres ne contrôlent pas les mots qui sortent de leur bouche et qui en blessent plus d'un ? A cette réflexion elle se releva brusquement avec rage, sûre d'elle, frappa avec toute la rage que pouvait contenir son être dans les murs en béton à l'aide de son pied droit, soufra terriblement mais continua. Les portes des toilettes se fracassèrent contre les cabines, son pied gauche shoota dans la poubelle à demi-pleine qui vola sur plusieurs mètres avant de se vider à la renverse sur le sol. Essoufflée et anéantie, elle se stoppa devant l'un des miroirs accroché au mur. Ce visage se reflétant dans le miroir l'angoissait,l'emplissait de rage. Elle le détestait. Il subissait tant de critiques, tant de coups et il ne se décomposait pas à sa plus grande déception. Ses yeux clairs, ce petit nez qui pouvait sembler agréable à voir et qui subissait pourtant tant d'injures ; son poing se contracta et sans pouvoir contrôler ses faits et gestes, elle l'écrasa droit dans le miroir qui se décomposa sous sa peau. Clara pouvait désormais voir des gouttes de sang dégouliner le long du mur, elle éclata en sanglots, hurla de douleur, pleura de détresse. Elle n'en pouvait plus. Sans savoir que faire à présent et afin de se sentir en sécurité, elle courut se réfugier une seconde fois au fond de la salle dans l'angle du mur et se laissa glisser contre le mur.
Sans qu'elle ne s'y attende, la porte s'ouvrit et Manon se jeta sur sa meilleure amie lorsqu'elle vit qu'après ses nombreuses recherches, elle l'avait enfin trouvé ! Sa meilleure amie resta sans voix, c'était un massacre, un déluge. Des tonnes de papiers étaient éparpillés sur le carrelage, des bouts de verres couverts de sang s'étaient écrasés sur le sol ainsi que dans le lavabo et celui-ci était maintenant couvert de taches de sang fraiches, tout comme le mur qui venait d'être repeint récemment. Silencieusement et mal à l'aise également, Manon releva sa meilleure amie et la dirigea lentement vers l'un des lavabos afin de nettoyer son poing qui n'en finissait pas de saigner. Clara, enfouissant son visage dans le cou de sa meilleure amie, se laissait faire, ne trouvant plus aucune force au fond d'elle pour ôter son poing du dessous de l'eau qui s'abattait sur sa plaie et lui faisait un mal de chien. Manon en voulait à ces lycéens immatures, à ces idiots qui ne voulaient pas lâcher Clara, elle en voulait au monde entier qui laissait faire les choses et qui ne tentait rien pour améliorer la situation. Avec douceur, elle tenta de faire entendre raison à Clara afin qu'elle sorte de cette salle, mais celle-ci refusa en secouant frénétiquement la tête et elle courut se réfugier au fin fond de la salle.
Manon venait de laisser Clara dans la salle et était sorti précipitamment afin de trouver quelqu'un qui allait pouvoir l'aider à faire face à cette situation. Sa meilleure amie n'avait jamais été aussi têtue, pourtant elle allait bien devoir sortir de cette salle, qu'elle le veuille ou non ! Elle courait dans les couloirs, cherchant désespérément une aide. Personne ne se trouvait dans ceux-ci. Elle fonça vers le hall, et tournant son regard vers la droite, elle vit au loin le professeur de littérature dont Clara lui avait tant parlé. Il se dirigeait vers la sortie du lycée. Sans vraiment réfléchir, rattrapée par la situation, elle courut à vive allure vers celui-ci, criant à plein poumon son nom. Le professeur s'arrêta et chercha d'où pouvait bien venir cette voix, lorsqu'il vit une jeune fille se diriger vers lui à grandes enjambées. Arrêtée près de lui, essoufflée, elle tenta d'expliquer la situation mais il ne pu rien comprendre tant elle avalait la plupart des mots qu'elle essayait de prononcer.
-S'il vous plaît, reprit la jeune fille qu'il ne connaissait pas, s'il vous plaît venez avec moi ! Clara ne va pas bien ! S'exclama-t-elle entre deux inspirations.
Reprenant sa course tout en lui faisant signe de la suivre, elle se dirigea de nouveau vers les toilettes féminines qui se trouvaient plus loin. Monsieur Hantz était abasourdi, il ne comprenait rien à la situation, il ne connaissait même pas cette élève ! Mais se demandant si la Clara était bien celle de l'une de ses classes, il suivit Manon qui ne se retournait plus désormais. Elle fonçait !
Passer la porte des toilettes féminines était une première pour lui, et se précipiter à l'intérieur de la salle en remarquant son piteux état était également une première. Lorsque son regard tomba sur son élève pliée dans le coin de la salle, il se précipita sur elle sans réfléchir. Son état corporel lui donnait des frissons. Sans lui laisser le choix et tout en silence, il la releva et la dirigea vers le lavabo pour y passer le poing sous l'eau. Manon lui apporta les papiers qu'il venait de demander, et monsieur Hantz entoura le poing en sang afin d'essayer de le compresser, ou du moins pour que le liquide puisse arrêter de venir tâcher les vêtements de son élève. Le pull de Clara contenait des dizaines de tâches rouges et celles-ci étaient sur le poing de déborder sur son jean bleu troué.
Clara ne cessait de pleurer. La voir dans un tel état lui brisait le cœur, il ne savait d'ailleurs même pas ce qu'il s'était passé ! Lentement, il leur demanda des explications, mais aucune d'entre elles ne répondit.
-Écoute, reprit-il en attrapant le bras de son élève, on va sortir d'ici.
Silencieusement elle tenta de lutter, mais son professeur ayant davantage de force, elle dû laisser tomber et ils sortirent tous trois de la salle. Elle priait au fond d'elle de pouvoir disparaître sur le champ, elle souhaitait s'enfuir loin, très loin sans que quiconque ne puisse la retrouver ! Clara tentait de se débattre, mais monsieur Hantz tenait fermement le bras de la jeune fille entre ses doigts.
-On va à l'infirmerie, dit-il en tournant au premier couloir.
Manon tenait l'autre bras de Clara sans quitter des yeux le jeune professeur. Il semblait avoir la situation en mains, il voulait se faire passer pour l'homme de la situation, mais malgré ce sang-froid qu'il laissait paraître, il était pris au dépourvu. Monsieur Hantz n'avait jamais fait face à ce genre de situation ! Rapidement ils arrivèrent devant la porte de l'infirmerie, et le professeur sortit les clés de sa poche afin de chercher celle qui allait bien pouvoir ouvrir cette porte fermée.
-Heureusement que le proviseur a pris l'initiative de donner une clé de l'infirmerie à chacun des professeurs, avoua-t-il en tournant la clé grise dans la serrure.
Clara était maintenant installée sur le divan d'examen de l'infirmerie, placé sur la droite de l'entrée. C'était la toute première fois qu'elle venait ici et cet endroit lui donnait clairement la chair de poule. Elle détestait les hôpitaux et les infirmeries. Sous le regard de son élève, monsieur Hantz ouvrit l'armoire blanche placée à ses côtés et fit glisser de l'étagère la trousse de secours qui était sans cesse placée sur la plus haute étagère. Elle espérait que l'infirmière puisse faire un peu plus d'un mètre soixante-quinze tout comme son professeur, car lui parvenait à attraper avec facilité cette fameuse trousse de secours, qu'il plaça près du divan. Ian, le professeur de littérature, s'installa sur une petite chaise en métal et ôta délicatement le bandage tâché de sang. Il le jeta sans plus attendre à la poubelle et appliqua un désinfectant sur la plaie ouverte de Clara qui frissonna au contact du produit. Chacun de ses gestes étaient habiles, il semblait savoir ce qu'il faisait. Ian sécha enfin la plaie lorsqu'elle fut bien désinfectée et enroula une seconde fois le poing de son élève où le sang cessait peu à peu de couler grâce à la compresse qu'il plaçait minutieusement.
Son poing était dorénavant bien enroulé dans un bandage, jamais on ne s'était aussi bien occupé d'elle depuis quelques années. Elle ne lâchait pas son professeur des yeux. Elle maintenait fermement la manche de son pull dans sa main afin de l'empêcher de laisser entrevoir son poignet. Ian n'était pourtant pas dupe, il avait déjà vu quelques marques sur sa peau, mais souhaitant ne pas envenimer la situation, il privilégia le silence.
-Je sais que ça n'est pas parfait, mais ça empêchera la plaie de s'infecter.
Il se releva de la chaise en refermant la boîte à pharmacie.
-Tu devrais quand même passer a l'hôpital pour avoir quelques points de sutures, tu es quand même bien ouverte au niveau des doigts, reprit-il en reposant la boîte sur l'étagère de l'armoire avant de reprendre place sur la chaise.
Son élève ne cherchait désormais plus à croiser son regard.
-Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ? Demanda-t-il en se tournant vers Manon qui baissa rapidement le regard.
Il souffla discrètement et hocha la tête, se rendant compte de ce ce qu'il allait dire.
-Écoutez, je n'ai pas le choix, demain je vais devoir en toucher deux mots au proviseur.
-Non ! Répondit aussitôt Manon affolée, s'il vous plaît non !
-Je suis désolé mais je suis obligé. Si on apprend que je suis venu avec vous à l'infirmerie et que je ne l'ai pas signalé, nous pourrions avoir de graves problèmes. Il souffla. Croyez-moi, si j'avais d'autres choix je...
-Vous êtes comme les autres, le coupa Clara, sèchement.
Manon et Ian se tournèrent vers Clara qui avait enfin osé prononcer quelque chose. Son professeur fronça les sourcils.
-Comment ça «comme les autres» ?
Malheureusement, la jeune fille se replongea dans un silence profond.
Les étoiles brillaient désormais dans le ciel. La journée prenait enfin fin et Clara, allongée sur son lit, son portable entre les mains, sentit celui-ci vibrer. C'était Manon qui l'appelait.
-Alors, comment ça s'est passé?
Clara observa les points de sutures présents sur son poing en grimaçant. Ça n'était pas très élégant.
-Normal.
Un silence s'imposa aussitôt après la réponse sèche de Clara, pourtant il lui semblait que Manon hésitait à lui dire quelque chose. C'était étrange.
-Tues toujours là ?
-Oui oui, répondit Manon, mais tu sais... j'ai beaucoup réfléchi et...
En effet, sa meilleure amie hésitait à lui dire quelque chose. Cela ne présageait rien de bon.
-Ton professeur, tu sais, celui de littérature... Bah, je pense que tu devrais lui dire la vérité... Il est jeune, il comprendra surement et...
-Tu te rends compte de ce que tu dis ?
-Tu devrais vraiment y réfléchir Clara, reprit Manon. Il est différent des autres.
-Je dois y aller je suis fatiguée.
-Clara...
Mais elle avait déjà raccroché.
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