Je me levai, prêt à rentrer chez-moi. Il m'attrapa par le bras.

"T'as pas honte de gaspiller à ton grand âge ?"

"T'as payé, t'as gaspillé. Maintenant, laisse-moi. Je rentre."

"Ah oua-" Je ne l'écoutai plus, parlant par-dessus lui.

"J'ai des choses à faire." Le silence s'installa. Je fermai les yeux, me rendant compte de la froideur avec laquelle j'avais parlé.

Réticent, mes paupières se séparèrent. Je fus surpris de ne pas croiser son regard ; c'était devenu une habitude à chaque fois que je m'embarrassais devant lui.

"Qu'est-ce que tu regardes ? Lâche-moi ! T'es super bizarre…"

"J'ai des yeux, c'est fait pour voir." Il levait finalement les yeux et voilà que nos regards se croisèrent. "C'est interdit ? C'est pas comme si je te matais, quel con susceptible."

Avec la manière dont il fixait mon bras, c'est presque comme si. À peine eus-je le temps de le penser, qu'il se leva en soupirant.

"J'te raccompagne, attends-moi là."

Je ruminai dans mon coin. J'avais envie de retrouver mon lit… Sentiments à la con…

Le serveur repassa vider notre table. Il me sourit poliment et quelques minutes plus tard, Nightmare était de retour.

Nous marchâmes en silence. Il ne nous fallut que quelques mètres pour nous extirper du grand bâtiment.

"Tu fais quoi ces vacances ?" Lui demandai-je, ma fureur maintenant passée.

"Rien de particulier."

"Pareil."

Nous n'avions vraiment rien à dire. Je le regardai tandis que nous marchions en rythme. Night marchait lentement. Et dire qu'il lui arrive pourtant tellement régulièrement de disparaître sans laisser de traces. Un souffle et il pouvait s'en aller.

Je sentis une vibration dans ma main. Je la sortis de ma poche. Bien sûr, qui m'enverrait un message à part Error. Alors que le dilemme habituel se lançait dans mon esprit, mon attention se détourna vers Nightmare. Il détourna le regard.

Error pouvait attendre.

"Mais ça va pas de regarder les téléphones des autres ?" Pris-je un malin plaisir à l'embêter.

"C'est pas comme si j'avais vu quoi que ce soit."

"Pas étonnant avec cette frange qui te couvre tout le temps l'œil."

Je pris quelques pas d'avance et me plaçai devant lui. Étant sûr que la voie était dégagée, je marchai à reculons afin de pouvoir observer ses réactions.

"Tu devrais changer, un peu de renouveau. Et puis ce serait plus pratique." Conseillai-je avec des motifs ultérieurs.

Je me rappelais des rares fois où ses deux iris croisèrent les miennes, où sa peau bicolore m'ensorcelait. J'espérais simplement pouvoir de nouveau l'admirer, car bien que cette vue était gravée dans ma mémoire, je me languissais du jour, où pris d'habitude, je pourrais enfin porter plus d'attention à ses deux yeux plutôt qu'aux motifs que sa peau prenait.

Comme à son habitude, il me fixait de haut, sa tête bien droite.

"Non merci." L'arrogant arrangea sa mèche, se moquant de ma proposition clémente. La situation m'était agréable, presque marrante.

"Alala…" Je me retins de ricaner. "Si seulement tu souriais aussi facilement qu'tu perdais à Street Fighter, je suis sûr que t'aurais au moins essayé."

"Si seulement tu passais autant de temps à fermer ta gueule qu'à m'faire chier, j'aurais plus à entendre tes conneries insensées."

Conneries insensées ? C'en était presque mignon.

"Je sais qu'tu m'adores Night. En même temps, qui ne m'aimerait pas ?" Je souriais à pleines dents, le cœur emplit de gaieté. "WoooOOoh !"

Sa main enveloppa mes hanches, mon dos prenant légèrement appui sur son avant-bras. Je sentis un souffle rapide derrière moi. Une voiture. Nightmare arborait une expression grave.

Bam. Il aurait pu faire l'effort de garder sa main encore un instant.

"Ouch…" Geignis-je en me relevant, ma main se posant entre les lignes du passage piéton.

Je traversai. Nightmare avait récupéré ses sacs qu'il avait lâchés lors de son sauvetage. Le visage fermé, il passa sa main dans ses cheveux.

"On dirait que t'as pris 20 ans en l'espace de deux minutes." Blaguai-je dans le but de détendre l'atmosphère après cette péripétie. "Ton cœur va pas lâcher, grand-père."

"Il t'envoie te faire foutre le grand-père." Jura le vieux, agressant mes chastes oreilles avec ces atrocités sans nom.

"Et c'est ainsi que tu te dis que t'aurais dû laisser cette voiture me rouler dessus." Mais je ne pus même pas lui décrocher un sourire en coin.

Il s'assit sur le rebord de la route. Soudainement, je pris conscience de nos alentours. Nous avions sûrement dû marcher sans suivre un quelconque itinéraire. Il ferait bientôt noir alors que la soirée débutait seulement. Plus loin, le trottoir disparaissait afin de céder sa place à une simple route mal entretenue. Je n'habitais déjà pas une grande ville mais ici, j'avais l'impression d'être au milieu de nulle part. L'herbe morte descendait en pente raide là où Nightmare avait posé son cul.

Il tenait sa tête entre ses mains de manière fatiguée. Rien d'intéressant là… Je dévalai au pas de course la pente. J'étais légèrement moins essoufflé que la dernière que je me rappelai avoir trottiné de la sorte. Il faudrait que je vois en rentrant combien de pas j'ai fait aujourd'hui… Je me demande si mes efforts de la journée pouvaient remplacer une séance de sport ?

Un bâtiment solitaire et gris se détachait du crépuscule chaleureux parsemé de frêles nuages. Ça m'intriguait. Je remontai la pente sans manquer de tomber à maintes reprises.

"Hé Night ! Viens voir le bâtiment" Qu'est-ce qu'il tenait en main ? "là-bas ! On dirait un parking, mais il y a ni voiture ni rien."

"Ouais je le vois." Il releva le menton, fumée échappant de ses lèvres entre ouvertes.

"Je savais pas que tu fumais…" C'était plutôt étonnant, cette nouvelle me laissant un étrange goût amer.

"Normal, je vais pas m'en allumer une devant le bahut."

Il n'avait pas tort sur ce coup.

"Bref ! J'vais y aller voir, rejoins-moi quand t'auras fini grand-père."

Je redescendis la pente avec énergie. Il suffit trottiner quelques minutes avant de me retrouver en face d'une barrière renversée. Celle-ci tintait sous mes pas. Il ne me fallut guère longtemps avant de trouver un passage.

Mon bras recouvra le bas de mon visage : je ne supportais pas la poussière. Je traversai ce qui semblait être un des nombreux étages. Et cette pensée se révéla vraie quand je tombai nez à nez avec des escaliers.

"On dirait que des travaux ont été abandonnés…" Songeai-je à mi-voix.

Mis à part le fait que le béton était tout ce qui constituait cette structure, rien d'autre ne me faisait pencher sur cette voie. Cependant, une chose était certaine, l'endroit était abandonné. En plus de cela, il se trouvait tellement isolé que tout ce que j'entendais était le rare bruit d'une voiture lointaine.

Rien d'intéressant quoi.

Je fis marche arrière, n'étant pas d'humeur à escalader cette tour inintéressante. Heureusement que Nightmare n'était pas venu, il n'y a rien à voir i- !

"Mais qu'est-ce que tu fous !?" M'exclamai-je hâtivement, essayant de cacher mon léger sursaut.

"Il y a une plaque ici."

Et avant que je puisse m'approcher plus, il l'avait retiré du sol dans un hennissement peu gracieux. Je fis un pas en arrière tandis que la poussière se mit à envahir l'air. Quelques secondes plus tard, voilà que je m'approchai pour de bon.

"Qu'est-ce que c'est que ce truc ?" Questionnai-je, l'imitant en me penchant moi aussi par-dessus.

"Aucune idée." Répondit Nightmare qui se trouvait accroupi devant l'orifice. "Un autre étage ça, c'est sûr."

"En tout cas, je saurais pas dire comment t'as fait pour bouger ce truc."

"Moi non plus…" Avec sa main, il balaya la poussière en face de lui. "C'est trop profond pour sauter ?"

Je le fixai sans parler. Mais qu'il est complètement con ce gosse…

"Il y a rien qui circule dans ta caboche, dis ?"

Il me regarda dans le blanc des yeux. J'aime pas ça. Pourquoi souriait-il ?

"Tu m'aideras à me hisser si c'est trop profond au pire. Hein, Killer ?"

"Nightmare, n- !"

SBAM !

"BON SANG ! Nom d'un chien ! Nightmare ! Ça va !? Nightmare !?"