Killer #14

"J'ai pas de quoi payer, Nightmare. Dis-lui d'annuler ma commande tant qu'elle l'a pas faite." Je pris place à la table la plus proche.

"Tant pis, tu me rembourseras plus tard."

"Je le ferai pas, annule."

"Bah j'aurais payé, dommage pour moi."

Je m'affalai dans ma chaise, un "tss" sortant de ma bouche. Qu'est-ce qu'il m'agaçait… Je n'y toucherai pas, qu'il l'ait payé ou non. Je me souvins de la manière dont il m'avait forcé à me taire lorsqu'il passait commande. Qu'importe, ça n'allait rien changer au fait qu'il ne pouvait pas me forcer à boire quoi que ce soit. Il risquait d'en mettre partout mais certainement pas dans ma bouche.

"D'ailleurs j'ai acheté un livre du même auteur." Il déplaça sa chaise autour de la table circulaire, la rapprochant de la mienne.

"Hein ?" Je ne compris ni ce qu'il faisait ni ce qu'il disait.

"Le livre que tu voulais, la semaine dernière." Nightmare se pencha vers la droite, ses mains se baladaient dans un sac posé au sol.

"Il y a cinq jours. C'était mardi, pas il y a une semaine." Rétorquai-je, cette information me tenant à cœur. "D'ailleurs je te rendrai le livre vers la rentrée, j'ai pas encore eu le temps de le finir."

Ce livre, il se trouvait actuellement sur mon bureau en évidence. Je ne mentais pas quand je disais que je ne l'avais pas fini. Cependant, la raison à ça n'était pas vraiment le manque de temps…

"Tsk… Laisse tomber, tant qu'on est au chaud le plus vite possible." Finis-je par dire, cachant comme je le pouvais le sourire en coin que je n'arrivai pas à retenir…

Nous continuâmes à marcher. Habituellement, je voyais toujours ces rues pleines. À vrai dire, je ne sortais pas tant que ça de chez-moi, donc je ne traversais ces rues à aucune autre occasion que le moment où les élèves les envahissaient.

Nightmare avait intérêt à bientôt m'annoncer que nous étions arrivés à destination. Pour qui me prenait-il à me trimballer dehors à une telle heure ? Son larbin ? Si seulement je connaissais le titre de ce livre, je ne me retrouverais pas dans cette situation. Et puis depuis quand je faisais tout ça pour un livre ?

C'est vrai ça, depuis quand moi, Killer, irais vivre une épopée avec un connard juste pour emprunter son livre à la con ?

Je me perdais, là ! Je ne pouvais pas laisser passer ça. J'allais revenir sur mes pas, attendre que ce portail à la con s'ouvre puis je continuerai ma journée ennuyante comme tous les jours.

"... !" J'ouvris la bouche, sourcils froncés mais la refermai tout aussi vite.

"Oh, ils ont l'air déjà ouverts." Nightmare commenta. "Normalement ça leur prend un peu plus de temps… ou pas. T'étais juste chiant à convaincre, j'suis arrivé 20 minutes plus tard que d'habitude." Il sonna à la porte, j'admirai ses actions avec des yeux ronds.

"Gj… J'arrive dans deux minutes ! Ghj…" Puis-je comprendre venant de l'interphone.

Elle ne prit cependant que quelques secondes pour nous faire entrer.

"Ah Nightmare. Ça faisait un moment."

Il y avait des chats. Plein de chats.

"Je vais m'installer dehors." Il sortit son porte-monnaie et lui tendit un billet.

"T'avais dit qu'on allait à l'intérieur." Lui rappelai-je.

Dans un soupir, il se corrigea et me lança un regard noir. Pas besoin de s'énerver comme ça, il n'avait qu'à pas m'emmener s'il voulait tant que ça manger dans le froid.

"Pas de problème, il y a de la place à l'intérieur." L'employée nous sourit — elle était plutôt mignonne — et nous fit passer la deuxième porte qui servait sûrement à empêcher les chats de sortir quand des clients entraient.

Il y avait deux personnes à l'intérieur, un lisait à une table seul et l'autre regardait par la fenêtre. C'était calme, nous marchâmes jusqu'au comptoir où se trouvait des chaises hautes. Le seul bruit était celui d'un chat sautant ici et là ou encore d'un autre faisant ses griffes. Mis à part un félin roux couché quelques mètres plus loin sur le comptoir, les autres restaient tous dans leur coin. J'avais envie de les caresser.

Nightmare n'arrêtait pas de fixer l'invité sur le comptoir. Il avait l'air d'être le seul chat roux. Son calme malgré la couleur de son pelage m'étonna. Peut-être était-ce car il somnolait ? Deux chats étaient en train de jouer dans un coin, en poussant un au passage. Ils étaient vraiment minuscules. Je me penchai sur le côté, faisant attention de ne pas tomber étant donné la hauteur sur laquelle j'étais perché, et regardai derrière Nightmare les deux petits qui se chamaillaient. Il n'avait pas lâché du regard le roux qui n'avait d'ailleurs pas bougé d'un poil. Si seulement un d'entre eux pouvait s'approcher pour que je puisse le caresser…

"Et voilà pour toi !" Elle déposait une tasse devant mon ami.

Je la fixai du coin de l'œil alors que Nightmare initiait la conversation. Même si les chats étaient objectivement bien plus intéressants que leur conversation à deux balles, je n'arrivais pas à détacher mon regard de cet individu. J'écoutais à peine leur conversation mais j'avais l'impression que si je détournais le regard de ceux-ci, je manquerais quelque chose d'important.

"Et donc pourquoi il est pas là ?....." Le chat roux s'étira alors que l'employée s'accoudait au comptoir tout en se penchant en avant. "... rce que j'avais à...."

"Oh, tu sais… médical et…" Il s'était approché, passant juste à côté de la tasse remplie. Il frôla Nightmare avec sa queue se balançant de gauche à droite.

"Oh purée…!"

"Coucou toi !" Desserrai-je ma mâchoire que je ne savais même pas être aussi contractée. Je lui souris tout en approchant ma main à laquelle il vint se frotter.

Elle rigola alors que je le caressai.

"Putain comme t'es beau. Comment tu t'appelles ?" Le chat releva la tête afin de recevoir plus de caresses.

"Elle s'appelle Sicile." Je remarquai qu'elle fixait Nightmare même si elle s'adressait à moi ce qui attira mon attention.

"Je peux la porter ?"

"À elle de voir si elle accepte."

Précautionneusement, je l'entourai de mes deux mains et le mis sur mes genoux de peur de le faire tomber. Je constatai avec bonheur que la boule de poil s'installa confortablement.

"Pourquoi tu mets ça sur tes genoux…"

"Quoi ? T'es jaloux ? Tu veux être à sa place ou quoi ?" Le taquinai-je tout en ayant horriblement conscience que ce commentaire m'était en réalité destiné.

"Si tu le dégages, je te passe le livre maintenant." Il ferma les yeux, semblant prendre sur lui car il se crispa et éloigna son tabouret.

"Dans quelques minutes, Night. Ce chat te tuera pas."

"Nique sa race, comme je déteste les chats…" Marmonna-t-il entre ses dents.

Nightmare était encore penché au-dessus de son sac. Je passais juste plusieurs minutes à fixer ce livre tout en me remémorant cette sortie ainsi que l'embarras dans lequel je m'étais mis le jour où j'avais lu ces quelques phrases en étude. Souvent, je renonçais à la lecture et la repoussais à plus tard juste après que la honte devenait trop forte pour que je puisse supporter la vue de ce livre ne serait-ce qu'une seconde de plus. Mais je comptais bien le lire, je ne m'étais pas donné autant de mal juste pour le laisser exposé sur mon bureau. Ce jour viendra… Mais je ne pourrais dire quand…

Après tout ça ne faisait que cinq jours que je lui avais emprunté ce livre. Il n'était pas très gros mais… Encore aujourd'hui, j'arrivais à me demander ce qu'il faisait sur mon bureau. Je déteste lire. Mais voilà cinq jours maintenant que je fixais un livre en ayant l'intention de le lire. Cinq jours et non pas une semaine : j'étais occupé à m'inquiéter pour le propriétaire de ce livre à ce moment. Propriétaire qui ne m'avait d'ailleurs toujours pas donné la cause de son saut à l'hôpital.

"Ah voilà." Il me tendit le livre et arrangea sa frange.

Je n'en avais honnêtement rien à foutre de ce livre. Mais je l'examinai tout de même sans savoir comment m'y prendre pour me donner un air intéressé.

Je vis un serveur qui se dirigeait dans notre direction tenir deux boissons dans ses mains ; soudainement le livre parut vraiment intriguant.

"De la même hauteur t'as dit, hein ? C'est pas un peu plus grand ?"

"Hauteur ? Mais qu'est-ce que tu racontes ? T'es vraiment con Killer : auteur comme écrivain." Il me dévisagea violemment.

"Ouais, ouais qu'importe. Tu me lis la première page ?" Je lui fourrai la première de couverture juste devant sa tronche.

Je soupirais quand je vis l'inconnu déposer les récipients sur une table à côté. J'avais paniqué, agissant de manière totalement incongrue. Distraire Nightmare n'allait pas faire disparaître les boissons déjà commandées mais j'avais réagi sans y avoir pensé. Maintenant soulagé, je regardai finalement mon interlocuteur qui décalait le bouquin de son champ de vision.

"Bah alors, tu me la lis cette première de couverture ?" Continuai-je, m'engouffrant dans ma bêtise.

"Lis-la toi-même, illettré. Et t'avais demandé la première page et non pas la première de-." Il s'interrompit sans raison. "Tu sais quoi ?" Je penchai la tête, curieux d'entendre ce qui allait suivre. "T'es juste bizarre, je sais même plus pourquoi je me pose encore des questions." Nightmare détourna la tête et piocha dans son sac pour en ressortir un livre volumineux. Il leva les mains en l'air comme pour se dédouaner d'un acte dont il était le coupable, faisant référence à ses propos.

J'avais été curieux pour rien. Je le regardai tandis qu'il ouvrait le livre en question. Je m'étirai, jetant un coup d'œil au contenu des pages avant d'abandonner. Je revins à ma position initiale, affalé sur ma chaise.

"Tu m'as jamais dit pourquoi t'étais allé à l'hôpital." Demandai-je en contemplant les alentours distraitement.

"Pourquoi je te le dirai ?"

"Parce que je te le demande…?"

"Il est à chier ton raisonnement." Il tourna la page de son livre. Ce que ça m'agaçait, il pouvait au moins faire comme s'il m'écoutait !

"T'es vraiment un enfoiré, Nightmare."

"Mhh."

Je restais en silence. J'en avais marre d'être avec lui. Et si je rentrais ? J'arrangeai ma position, mon dos maintenant droit et mes mains agrippant les rebords de la chaise. Ce n'était pas comme s'il en avait quelque chose à foutre et puis j'avais besoin de faire une sieste. Je sortis mon portable de ma veste.

16 h 40...

"Et voilà pour vous. Bon appétit." Le serveur s'en alla.

Oh. J'avais oublié ça. Nightmare approcha sa tasse de café et… Et juste sa tasse ? Je déplaçai l'assiette et la laissai à côté du café. Le lecteur la repoussa d'un air distrait. Quoi ?

"Mec, prends ton putain de biscuit." Je le fixai d'un air interrogatif.

"Non, il a l'air dégueulasse. Prends-le."

Mais pour qui me prenait-il, son chien !?

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