Killer #12
Je pouvais reconnaître certaines enseignes. Avec toutes celles que j'avais reconnues, le centre commercial paraissait déjà imposant mais si on rajoutait les nombreuses autres que je n'avais point identifié alors l'endroit devenait un pays à lui seul.
"Je suis de retour !" Annonça l'organisateur de sortie d'une voix chantante et étonnement de bonne humeur.
"Ah, Error j-." Mon cœur rata un battement, je perdis le fil de ma pensée ; la fin de cette phrase disparue à jamais.
"Salut."
"H-H-... Hey !... Huh..." Soufflai-je, usant d'un souffle que je n'avais pas conscience avoir retenu sous l'effet de la surprise.
"Bon, on y va ?" Demanda Error, faisant l'innocent alors que je pouvais très clairement voir qu'il retenait un rire.
Nightmare s'avança, sa main sur la lanière de son sac. Étais-je le seul à être étonné ici ? Quand est-ce qu'Error m'avait prévenu que Nightmare se ponterait ? J'avais beau y réfléchir, je ne pouvais me rappeler la moindre mention de Nightmare. Comment avait-il même procédé pour faire en sorte que Nightmare accepte de venir ? Tout ça me paraissait tiré par les cheveux.
"Psst, Error. What the fuck ?? Explique-toi." Lui chuchotai-je, Nightmare se trouvant quelques mètres devant.
"Expliquer quoi ?" Et voilà qu'il voulait me faire passer pour un imbécile mais son sourire triomphant le démasquait.
"Tu sais très bien ce que je veux dire, fais pas genre. Qu'est-ce qu'il fout là ?"
"Je l'ai invité ? Pourquoi il serait venu sinon ? Pas besoin de me remercier, Killer."
"Te remercier ? Pourquoi je devrais te remercier ?" Répondis-je, le sang bouillonnant, en haussant légèrement le ton sous les émotions.
"Killer, pourquoi je l'aurais invité à ton avis ? Hein ? T'es vraiment cramé à des kilomètres."
Cramé ? De quoi pouvait-il bien parler ? Pourquoi me disait-il... Ne me dis pas qu'il veut dire que...? Non, c'est pas vrai. Enfin, pas que je ne veux pas que ce soit vrai mais que ça ne peut pas être vrai et puis comment Error aurait-il pu deviner avant moi alors que c'est un imbécile finit et que si je devais faire confiance à quelqu'un en termes de relations sociales, il serait de loin le dernier à qui je demanderai conseil, le dernier à qui je penserai, le dernier à qui...
"Cramé ? Mais de quoi tu parles ?" Je me mis à contempler le motif que formaient les dalles du trottoir.
"De ton petit cœur qui bat pour le mystérieux et ténébreux Nightmare, voyons."
Je le regardai s'éloigner en ricanant de plus belle. Je sentais le rouge me monter aux joues. Faites que mes joues ne soient pas réellement en feu. Ça n'était qu'une impression, du moins je l'espérais. Et je l'espérais encore plus lorsque j'attendis le bus à leurs côtés. Quelle idée de sortir un dimanche, les bus prennent tellement de temps à venir... Je devais me coltiner leurs conversations à dormir debout et les tentatives ratées d'Error de m'y inclure.
"Ah ! Killer ! Tu te rappelles ce truc dont on parlait en appel ? Tu lui as dit, du coup ? Parce que bon, c'était un peu celui qui était concerné même si tu disais qu'il pouvait pas savoir en étant tout lovey dovey."
"Ta gueule Error." Pourquoi avait-il fallu que je croise son regard maintenant ? Il n'avait pas l'air de s'intéresser au sujet de notre conversation, à mon plus grand bonheur. Et voilà qu'on y retourne, le moment gênant où nos regards se croisent.
"Putain le bus est rempli, fais chier."
Ok, sauvetage réussi. Je suis un peu moins énervé sur lui.
Et voilà qui expliqua comment Nightmare, Error et moi-même arrivâmes au centre commercial après avoir forcé Error à monter dans ce bus. Cependant, on fut obligé de rester sur place pendant une bonne dizaine de minutes à regarder Error calmant son anxiété et ses tics lorsque nous descendîmes de celui-ci. C'était une meilleure alternative que d'attendre une demi-heure le prochain bus.
"Purée, c'est énorme."
"Titre." Répondis-je sans une once d'hésitation.
"Ah le bâtard."
Nightmare nous dévisagea ce qui me fit rire. Son incompréhension vis-à-vis de la situation actuelle était claire comme de l'eau de source et c'en était hilare. Nous continuâmes à traverser les allées du bâtiment dédié à la surconsommation de la part des consommateurs riches ET pauvres afin d'enrichir les multinationales. Rien de bien intéressant en fin de compte. Nous passâmes dans certains magasins ici et là.
Nous passâmes dans chaque librairie. Sans exception. Merci Nightmare. Au moins, ça nous fallut un souvenir mémorable : Nightmare qui se retrouve à lire le résumé d'un roman érotique. Sa passion pour la lecture avait beau être au-delà des attentes, ça n'en restait pas moins inattendu. Heureusement, nous réussissions toujours à le faire sortir avant que Nightmare nous y garde pour plusieurs heures.
Le reste du temps, nous discutions. Je n'arrivai pas à savoir si Error me donnait envie de pleurer ou de rire au fil des conversations. Je volai aussi de temps en temps des regards dans la direction de Nightmare mais, à mon plus grand bonheur, rares étaient ceux qu'il me rendit ce qui m'évita des moments de gêne - même si ça me donnait l'occasion de mieux me plonger dans la contemplation de ses cheveux inflexibles ou des rares tâches incolores qui pouvaient paraître ou du bleu profond de ses yeux tendant légèrement sur le gris ou de... enfin heu, j'ai dû me faire comprendre là.
Mais le plus troublant ne faisait même par partie de tous les évènements énumérés précédemment. Si je parlais de flûte, ça ne dirait sûrement rien à ceux qui n'étaient pas présents à ce moment. Mais c'était bien au son d'une flûte que Nightmare et moi eurent un moment de complicité, tellement la situation était inexplicable et étrange. Car oui, notre attention fut attirée par le son de cette flûte puis par son joueur et pour finir par ses propos.
En même temps, qui pouvait bien s'attendre à croiser Ink ici ? Personne. Qui savait même que ce détraqué jouait de la flûte ? Personne ! Et qui savait qu'il pouvait même afficher une expression de surprise sur son visage habituellement si peu expressif ?
Nous nous arrêtâmes, naturellement, au son de la flûte afin d'en trouver la provenance. C'est qu'on entendait que ça, il devait assurément y avoir une bonne résonance. Bien que la mélodie de l'instrument était inattendu, son arrêt soudain l'était encore plus.
"Error !?" Pouvais-je séparer du brouhaha de la foule malgré la distance entre nous.
Ink ne pouvait pas se tromper, ce n'était pas facile de trouver deux personnes à l'apparence ne serait-ce que légèrement aussi excentrique qu'Error. Et ce n'était pas compliqué de deviner si sa supposition était correcte quand la personne étant appelée se mettait à presser le pas en fixant le carrelage pour se réfugier dans le magasin le plus proche.
Ce n'était que compréhensible qu'après une telle épopée, Nightmare et moi nous fixâmes sans un piètre mot avec l'incompréhension la plus totale. Il pencha la tête et je me contentai de hausser les épaules en réponse. Nous rejoignîmes le déserteur à l'intérieur du magasin dans lequel il s'était engouffré, y trouvant refuge pour des raisons inconnues.
Ne voulant pas torturer mon esprit avec pareilles futilités, je ne m'aventurai pas à poser quelques questions à celui concerné.
"Tu regardes quoi ?" L'interrogeais-Je, jugeant cette question plus intéressante.
"J'suis à court de laine noire." Répondit Error sans un mot en plus, la réponse paraissant plus froide qu'à son habitude.
"Ton œil est en train de vriller." Fit remarquer Nightmare derrière moi, engendrant un sursaut de ma part.
Il pouvait au moins se faire remarquer avant de parler... Je fis un pas sur le côté, ne supportant pas l'idée d'avoir Nightmare avec sa stature impressionnante dans mon dos.
"Sans blague, c'est pas comme si c'était tout le temps le cas." Et voilà que la part d'Error que je connaissais si bien était de retour, malheureusement.
Nightmare roula des yeux, retournant à son silence radio. Malgré son commentaire moqueur, l'œil d'Error en faisait moins des siennes ; à croire que ce commentaire lui avait été utile après tout.
Après de longues minutes de remue-méninges, car nous n'arrivions pas à trouver parmi les vingtaines de laines celle qui correspondait au noir qu'Error cherchait, nous sortîmes de la boutique, le plus bête d'entre nous tenant un sac en main. L'hypocrite apathique n'était plus là.
"Vous voulez passer dans d'autres magasins ?" Questionna l'extravagant après avoir répondu à un SMS.
"Ah, j'ai vu qu'il y avait une salle d'arcades."
"Et tu le dis que maintenant !? T'abuses, Killer !"
"Où elle se trouve ?" Je ne sursautai pas cette fois, c'est un succès pour moi.
"Aucune foutue idée."
Après s'être lancé des pics désintéressées, Error trouva l'emplacement recherché ce qui arrêta notre querelle. Il nous suffit de quelques minutes de marches avant d'y arriver. L'endroit sortait tellement du lot, totalement l'opposé des magasins alentours, que même sans recherches préalables, nous n'aurions en fait pas eu de difficultés à le trouver.
J'avais un pressentiment peu ordinaire. Quelque chose paraissait étrange mais tout était normal. Cette sensation d'une prise qui se sert sur ton cœur comme si quelqu'un passait son stresse dessus. Je regardai Nightmare à ma gauche, du coin de l'œil. La prise se resserra sur mon cœur, juste assez pour me couper le souffle mais pas assez pour me faire mal.
"Bon, vous voulez faire quoi ?" Faisant sonner les jetons dans ses mains, Error nous fixa à tour de rôle en attente d'une réponse.
"Je vais voir les jeux qu'ils ont, je risque juste de jouer à ceux dont je me rappelle."
"Aucune idée."
"Dans ce cas t'as qu'à rester avec Killer, j'ai plein de jeux à tester donc t'auras pas le temps de jouer tes jetons ! Ciao !" C'était bien la première fois que je l'entendais parler aussi vite.
Que faire maintenant...
À peine me suis-je poser la question que Nightmare se dirigeait vers une des bornes. Celle-ci avait très certainement attiré son attention car il se pencha afin d'analyser le contenu de l'écran aux couleurs crues. Je remarquai avec fierté que j'excellai au jeu l'intéressant.
"Le nom me dit un truc." Constata le plus grand d'un air songeur, son expression montrant qu'il était sceptique quant à la source de cette connaissance.
"Street fighter, c'est tellement célèbre que t'es obligé de connaître au moins de nom." Lui expliquai-je. "Tu veux jouer ?" Ce à quoi il acquiesça.
J'insérai mon jeton en même temps que lui, nos mains se frôlant. Je pinçai mes lèvres, me rappelant soudainement du contact glacial du métal contre celles-ci. Un contact qui ne faisait que me revenir à l'esprit par vagues ici et là sans crier gare.
"Round one... Fight !"
"You win ! Round two... Fight !"
"You win !"
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