Killer #11

"Vous pouvez ranger vos affaires ! On se voit après les vacances et n'oubliez pas de réviser pour les examens à venir." Annonça-t-elle alors que plus personne ne l'écoutait, sa voix se noyant parmi le brouhaha des rangements de sac et des discussions.

Mon sac étant pendu à mon épaule, je sortis sans plus attendre. Les couloirs étaient vides et silencieux. Rares étaient les élèves finissant aussi tard. Une lueur blême traversait les fenêtres, il faisait déjà sombre dehors. Quelle malédiction que d'être en option sciences… Dire que j'aurai pu finir 2 heures plus tôt…

Je croisai mon camarade de classe, le seul qui me collait au cul et qui rendait, par conséquent, chiant mes cours optionnels : Dust.

"Tu vas pas rater ton bus si tu continues à rester planter là ?" Le questionnai-je, me rangeant à ses côtés contre le mur tandis que les élèves impatients nous passaient devant.

"La prof a trop parlé, je l'ai déjà raté." M'expliqua-t-il en fixant chaque individu de la foule passagère.

"Ah, ok… Et-"

"Enlève les mains de tes poches." Ordonna le plus petit, d'un ton inhabituel venant de lui.

"Hein ?" S'échappa de ma bouche, pourtant je m'étais exécuté sans attendre avec une étrange docilité. Ses pupilles étaient tellement dilatées, comme celles d'un félin prêt à attaquer.

"À lundi, Killer." Et voici qu'il s'en allait sans ajouter un piètre mot.

Bizarre. Qu'est-ce qui pouvait bien lui prendre ? On ne se voyait même pas lundi. Je remis mes mains dans mes poches, poussant vers le fond de celle de droit mon couteau suisse qui me gênait. L'air frais et froid de l'hiver envahissait mes poumons. Si l'école n'était pas aussi semblable, en termes de température, à l'extérieur, mes poumons m'auraient certainement fait souffrir avec un tel décalage de température.

Et néanmoins, c'est ce qui arriva suite à l'exposition à l'air glacial sur le long terme. Mais ça, je ne m'en rendis compte que lorsque je mis un pied dans ma sombre demeure. Je n'attendis pas plus longtemps pour allumer une lumière. Après avoir déposé mes affaires dans ma chambre, je me dirigeai vers la salle de bain. Comme à mon habitude, j'ôtais mes vêtements et rencontrais mon décevant reflet dans la glace.

Que le temps passait vite… J'entrai enfin sous la douche, de longues minutes plus tard. C'était étrange comme mes pensées n'arrivaient pas à se rassembler en une seule. Elles étaient éparpillées comme le feuillage d'automne qui s'accumule au sol, se superposant par moments, s'évitant et prenant des directions opposées par d'autres. Cet amas divers me donnait l'impression que ma tête était une montgolfière : un ballon qui prenait toujours plus de place alors qu'il ne se remplissait seulement d'air.

"W-W-Wow !" M'exclamai-je en contemplant ce qui était prisonnier de mes doigts.

Quand est-ce que je m'étais mis à perdre autant de cheveux ? Je suis bon pour me retrouver chauve dans deux ans à ce train-là… Je finis de me doucher en vitesse. Malgré ça, je dus ramasser plusieurs brins de cheveux qui s'étaient échappés avec succès et avaient atterris sur le sol encore trempé.

Une fois cette action clôturée, je fis comme à mon habitude. Me sécher, me peser, me changer, me brosser les dents… La routine quoi.

En sortant de la salle de bain, je fus surpris d'entendre du bruit venir de ma chambre. Je pénétrai celle-ci et identifiai sans trop de soucis la cause, la source de ce son répétitif.

"Putain, Error… L'abus." Marmonnai-Je dans ma barbe en analysant les multiples messages dans la barre de notifications.

Oui Error, je sais que c'est les vacances. Non, j'ai besoin ni de savoir que t'en avais marre des cours et ni de savoir dans les moindres détails ton programme pour les vacances. Et putain qu'est-ce que t'as de plus à dire après 56 messages ?

Je descendis la conversation et Error était encore en train d'écrire. Avant que je ne puisse poser les yeux sur les derniers mots envoyés à mon égard, un nouveau message fit son apparition au bas de mon écran.

"Mais du coup ça te dirait d'aller au nouveau centre commercial ?" S'afficha noir sur blanc.

Je lui demandai de me communiquer la date, ce à quoi il se plaignait que je ne prêtai aucune attention à ces messages alors qu'il avait pris temps et amour à les écrire. Error devait toujours en faire des caisses. Il répéta tout de même la date de rendez-vous, m'épargnant la laborieuse tâche qu'était la lecture des derniers messages.

Dimanche… Après tout, pourquoi pas.

Le rendez-vous fixer, je clôturai sans tergiverser la conversation et m'en allai me coucher. Action que je répétais le lendemain, m'abandonnant de nouveau à Morphée seulement de brefs heures après mon réveil. J'avais peut-être sous-estimé le manque d'heures de sommeil, ce qui expliquait avec certitude les dix-sept heures de sommeil lourd que je venais d'accumuler.

Il était 10 h moins des poussières lorsque je sortis du lit. Une fatigue assommante m'envahit aussitôt, c'étaient des plus déconcertants étant donné les circonstances. À croire que ma vie était maudite, j'étais voué à ne jamais être rassasié et peut-être que je finirai par m'endormir cent ans sans que personne ne puisse me réveiller. Peut-être…

Sur ces songes, je me brossai les dents en fixant mon reflet en action. Mon esprit était encore en train de se réveiller, un décalage entre mon corps et mes pensées, elles, encore endormies. Le forçant à se secouer, je me mis à réfléchir très fort aux tâches que j'avais à réaliser.

Je devais me doucher, me changer. Ensuite… À 13 h, Error me retrouvait ici et… J'avais aussi la lessive à faire avant ça ! Mis à part ça... La maison était propre, ma chambre rangée, les devoirs étaient actuellement nuls — et même si ce n'était pas le cas, je n'allais pas m'en préoccuper maintenant —, je n'ai aucun messages auxquels répondre. Il me semblait n'avoir rien oublié. Cette journée était en fait plutôt calme si ce n'était la sortie prévue.

J'ai cette étrange impression d'oublier quelque chose, mais je n'arrive pas à mettre le doigt sur quoi.

Je me rinçai la bouche et passai légèrement de l'eau dans mes cheveux pour les dompter. Heureusement que j'avais prévu de me doucher avant de sortir…

Dans la cuisine, je fouillai dans les placards avant d'en sortir une tranche de pain que je grillai. Accompagné d'une banane, je pris mon petit déjeuner. J'avais encore du temps à tuer, mais tout autant de choses à faire.

Mais le temps passa à une vitesse folle et sans pouvoir respirer, j'entendis la sonnerie retentir à l'entrée. Avec hâte, j'attrapai mes clés, mon couteau suisse, mon portable et enfilai ma veste.

"Je suis là !" Prévins-je à quelques pas encore de la porte. J'ouvris la porte sur Error qui se trouvait à une bonne distance de celle-ci. "Putain quand on te dit 13 h, c'est 13 h avec toi."

"Il est… 13 h 12, Killer. Il faut que tu remettes tes pendules à l'heure."

"Ouais, ouais." Balayai-je, trouvant plus intéressant à discuter. "On y va ?" Proposai-je en verrouillant à double tour la porte.

"Ça te dérange si je passe récupérer un truc avant ? Ce sera rapide."

"T'es chiant, t'aurais pu le faire avant." L'agacement pouvait se faire entendre dans mon ton alors que nous marchions côte à côte.

"Rolala ! Toujours à te plaindre, tu parles et tu parles. Il y a que du vent qui sort de ta bouche." Le fait que je le suivais à chaque tournant sans questionnement ne validait que davantage ses propos.

"T'es pas mieux, une vraie drama queen. Je t'assure que je connais pas plus dramatique que toi, toujours à en faire des caisses."

"Je te permets pas, p'tit con."

Nous continuâmes à nous envoyer des piques de ce genre, un peu comme du ping-pong, durant le trajet bien qu'il fut court. Je trouvai étrange que nous nous arrêtâmes dans un quartier résidentiel qui, ma foi, paraissait plutôt tranquille et spacieux à mon humble avis. Mais avant que je ne puisse parler, Error s'éloigna de moi.

"Je vais chercher mon truc et puis on peut y aller." Me fit savoir celui aux couleurs excentriques (tout comme sa personnalité).

M'appuyant contre un poteau, je sortis mon téléphone afin de m'occuper. Je jetai un dernier regard vers Error qui sonnait en souriant en coin. Il attendait patiemment sur le pas-de-porte. Rien d'intéressant.

J'ouvris mon moteur de recherche et tapai le nom du centre commercial. Error disait connaître l'itinéraire alors, je ne m'y attardai pas plus que ça. Je remarquai que je ne savais rien de ce qu'il s'y trouvait. Error m'avait avéré qu'il était nouveau, ce qui d'ailleurs se révèle être faux, et c'était tout ce que je savais. Ne voulant pas m'y aventurer à l'aveuglette, je me concentrai plus sur mes recherches. Une main dans ma poche et l'autre scrollant, je ne prêtai guère attention à mon ami dorénavant.

Je me demande ce qu'on peut faire dans ce fameux centre commercial.

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