Killer #10

"Mais Killer t'es putain d'immature ! Tu fais pas gaffe aux sentiments des autres, l'empathie, c'est gratuit. Comment ça se fait que je doive l'apprendre de lui ? Et d'autres conneries de ce genre." Je soupirai en fixant le plafond de ma chambre, téléphone sur ma table de nuit avec la caméra dirigée vers moi.

"Il a pas osé. Devant tout le monde ?"

"Mais oui, je te dis. Si Outer avait pas été là, personne nous aurait arrêtés."

"Putain, la honte. Mais, toi, tu lui as répondu quoi ?" Je tournai la tête, mes yeux tombants sur ses doigts qui bougeaient de manière robotique.

"Tu déconnes, j'espère ? J'lui ai dit de se mêler de ses propres affaires et que j'avais pas à m'inquiéter de ses sentiments quand il était pas censé être au courant. C'est lui qui a fouillé donc il avait aucun droit de me gueuler dessus alors que c'est lui qui est parti chercher la bête. Il devait pas être au courant, il avait pas le droit de s'en mêler et d'en faire toute une scène." Ses lunettes rouges étaient ridicules mais sa concentration sur le mouvement rapide de ses mains et sur la conversation en même temps était impressionnante.

"Et Nightmare dans tout ça ? Tu lui as rien dit ?"

Nightmare… Je détournai le regard, mon plafond se trouvant bien plus facile à regarder soudainement. J'avais oublié que c'était lui qui avait dit à Color ce qui s'était passé. Mais comment aurait-il pu savoir ? Non, il ne pouvait pas savoir que Color digérait mal ce genre d'information. Oui, ce n'était pas sa faute. Il s'était juste contenté de répondre à une simple question et Color en avait fait toute une histoire. Il n'avait pas de raison de s'énerver à cause de ma propre santé.

"Oh, Nightmare… Non, il pouvait pas savoir et puis…" Je repensai à ce moment pour la énième fois de la journée. "Bref, tu fais quoi entre tes mains là ?"

"Geno a un trou dans sa veste. Il me l'a passée comme si j'étais sa boniche. De base je couds pas, moi. En plus c'est pas compliqué à apprendre." Il s'étira, étant pris de spasmes au niveau du cou durant l'action, sa tête se penchant plusieurs fois de suite. "Mais qu'est-ce que ton pote est parti demander à Nightmare même ?" Ajouta-t-il en finissant, posant ses bras sur ses genoux et relaxant de nouveau son dos. 

"Des conneries, Color est du genre à s'emporter pour rien. Il est comme ça depuis qu'on est gosse, pire que ma daronne."

J'avais beau dire ça, ils se trouvaient être en réalité des mots à moitié pensés. J'espérais surtout taire sa curiosité avec de tels commentaires ou du moins lui faire comprendre que je ne comptais pas lui dire davantage sur le sujet. Il ne fallait pas qu'il sache que c'était faux, que je n'avais pas réellement ce poids et que tout était un mensonge. Si encore plus de personnes apprenaient que je trichai, je… Et bien l'anxiété aurait prise le dessus avant que je puisse penser ou faire quoique ce soit. Je ne pouvais définitivement pas le lui dire.

"Quand-même, se mettre à crier alors qu'il y a des élèves à genre trois couloirs plus loin, c'est chaud ! Il a super abusé sur ce coup." Soupirait mon confident.

"Yup, totalement unrad de la part du brah." Commenta une tierce voix.

"Fresh, ferme-la. Dégage de ma chambre !"

Il s'était tendu. L'autre ricanait. Je pouvais voir apparaître sur la bordure de mon écran la manche d'un pull. Le frère d'Error avait beau l'énerver, Error ne risquait jamais de s'ennuyer. Ça devait être animé chez-lui. Je contemplai ma chambre, le peu de trace de moi-même qu'elle abritait et son silence glacial. Lorsque je portai de nouveau mon attention vers mon portable, Error était de nouveau seul.

"Quelle plaie ton frère, il a l'air de te tendre rien que par sa présence." Commentai-je, un sourire aux lèvres en réaction à la situation amusante qui venait de se dérouler.

"Fresh est comment dire… Imprévisible et je déteste ça."

"Ça se comprend."

Et le silence règna après ce commentaire, Error posant de nouveau sa concentration sur la réparation du tissu. Je continuais à laisser mon regard se perdre droit devant moi. Je devrais dépoussiérer un peu ma chambre…

"Tu rudu, tu rudu..." Se faisait entendre dans le lointain, brisant le confortable silence qui s'était installé.

Surpris, je me redressai dans mon lit. De vagues secondes suffirent pour apaiser mon questionnement, ce bruit provenait du téléphone fixe.

"Attends Error, je reviens !" Avertis-je avant de sauter hors de mon lit.

Laissant mon portable derrière moi, je bondis hors de mon lit et accourrai vers le salon alors que mes chaussons étaient mal chaussés. Heureusement, je décrochai à temps.

"Killer à l'appareil, j'écoute."

"Ah, Killer." Soupira de contentemnt la voix féminine de l'autre côté du fil. "Comment ça va ? Désolée, ça fait tellement longtemps qu'on n'a pas parlé comme ça mais je n'ai vraiment pas le temps. Tu me pardonneras."

"Ah. Oui. Bonjour." Répondis-je sans une once de joie dans mon ton. Cependant, je me montrai tout de même poli étant donné la mince envie de me prendre des représailles. "Et donc ? J'ai pas envie de vous faire perdre votre temps."

"Toujours aussi compréhensif, tu ressembles tellement à ton père."

Alors là, même pas en rêve.

"Ton père et moi avons posé nos jours de congés pour les vacances de Noël cette année. Ça faisait un moment qu'on devait te le dire mais tu sais comme on est occupé."

"D'accord."

"Je dois y aller ! On t'embrasse Killer. On se voit, lundi."

"Ci-. Au revoir."

J'attendis un instant, que celle-ci raccroche en première. Un signal sonore retentit quelques secondes avant de se dissiper. Je marchai vers le comptoir de la cuisine avant de me servir un verre d'eau. Puis, un deuxième. Je posai le verre lavé sur le bord du robinet.

Je marchai vers ma chambre en traînant des pieds. Heureusement que Error ne s'était pas plus intéressé que ça à la raison de mon engueulade avec Color. Même si il aurait pu facilement le découvrir de lui-même s'il avait été ne serait-ce que deux couloirs plus loin du nôtre. Quelle idée de se mettre à crier à cause de ce que je bouffe…

"Qu'est-ce que tu fous encore ?" Je m'installai sur mon lit, demeurant désormais assied en m'appuyant sur la paume de ma main.

"Geno est venu récupérer sa veste et, là, je travaille sur un projet de crochet."

"Mec, tu sauras plus te servir de tes mains bientôt. Tu sais que t'as besoin de tes mains au quotidien, hein ? Surtout la droite."

Nous nous contemplâmes, dans les yeux, à travers nos écrans. Et il ne suffit que de quelques secondes avant qu'on explose en fou rire.

"Mec !..." S'adressa-t-il à moi-même sans pouvoir contrôler son fou rire. Il avait tendance à glousser ici et là ce qui rendait son rire communicatif.

"Je te l'accorde, cette fois." Je me pliai de rire, mon abdomen me lançant. "La prochaine fois, je tournerai ma langue sept fois avant de parler."

"Ouais, t'as intérêt !!" Nous rîmes de bon cœur sans pouvoir s'arrêter.

C'est fou comme il en fallait peu pour faire rire des adolescents…

"OK, seulement si tu restes avec moi au moins aujourd'hui." Essaya-t-il de négocier alors que j'ignorais cette tentative.

Tiens, j'ai comme une impression de déjà-vu.

"Depuis quand t'en as quelque chose à faire que je sois avec toi ? Ça va pas te tuer de me le prêter."

Je le regardai, faisant la moue, en gelant sur place. L'entrée du lycée m'appelait, sa chaleur m'envahissant rien qu'à sa vue.

Il fait froid.

"Aller. Tu vas rater quoi, anglais et peut-être un autre cours ? On sera de retour d'ici la pause de midi si c'est ce qui préoccupe notre Saint Killer." Je détestais cette expression moqueuse qu'il prenait quand il se foutait de ma gueule. Nightmare et son putain de rictus.

Avais-je fixé suffisamment la chaleur de l'établissement pour qu'elle se mette à m'envahir alors que des dizaines de mètres nous séparaient ? Ou peut-être ressentais-je une chaleur provenant d'autre part ?

"J'en ai rien à battre du cours d'anglais. Mais je vais pas me les geler rien que pour toi. Je préfère encore être à l'intérieur."

"J'ai jamais dit qu'on resterait dehors, frileux va."

Il s'éloigna doucement. Comment j'avais fait pour me mettre dans une telle situation ? Je n'aimais pas ça. Il fallait que je prenne une décision. Le lycée. Nightmare. Le lycée. Nightmare. Le lyc-.

"Attends-moi !"

C'est avec honte que j'avoue avoir couru après celui-ci. Il avait intérêt à tenir sa parole, il était hors de question que je reste plus longtemps dehors.

"Bah voilà, quand tu veux."

Mon visage renfrogné ne l'atteignait pas, il ne me regardait même pas. Ralentissais-je à cause du froid ou Nightmare faisait-il juste de grands pas ? Mon visage se décontracta, je serrai contre moi mon manteau dans une tentative de contenir plus de chaleur.

"Tu m'énerves..." Marmonnai-je à moi-même, maudissant le dos devant moi. "Où on va ?"

"Tu verras bien." Je pressai le pas, me trouvant enfin à ses côtés.

"Marche moins vite, il y a pas le feu." Ordonnai-je presque. "Et ferme ta veste, tu me donnes froid."

Il rigola seulement en réponse. Toujours à se moquer de moi.

Je commence à me demander si ce livre en vaut vraiment la peine.

"T'as qu'à rebrousser chemin dans ce cas. Par contre, le portail est déjà fermé. À toi de voir, Killer, je t'ai jamais forcé." Ricana-t-il en haussant les épaules. J'avais dit ça à voix haute ?

"Tsk… Laisse tomber, tant qu'on est au chaud le plus vite possible." Finis-je par dire, cachant comme je le pouvais le sourire en coin que je n'arrivai pas à retenir…

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