26

Je remonte l'escalier en courant, suivie d'Olga qui ne comprend pas ce qu'il se passe. Quand je trouve mon portable, je l'appelle. Décroche s'il te plait, je t'en supplie Matthew...

« Vous êtes bien sur la messagerie de Mathhew... »

Je m'effondre sur le parquet. C'est pas possible. Je vais me réveiller de ce cauchemar et il sera là. Je l'appelle encore et encore... En vain. Il ne répond pas.

-Laure tu me dis ce qu'il y a ?

Je regarde Olga à travers mes larmes, incapable de dire quoique ce soit. D'une main tremblante je lui tends la lettre qu'elle s'empresse de lire. Ses yeux s'embuent automatiquement et je craque.

-Il ne... Non... Je ne peux... Pas... Non... Je...

Mes mots sont hachés, incompréhensibles. Olga me prend dans ses bras mais je la repousse. Je ne veux pas de réconfort, je le veux lui, rien que lui. Je ne peux pas vivre s'il ne fait pas partie de mon monde. Je crie, je hurle. La douleur est forte, elle me dévaste.

-Viens on va le chercher bichette. Viens.

Je me lève difficilement, suis Olga en continuant de l'appeler. Elle prend mon manteau et me l'enfile, comme si j'étais une enfant. Matthew... bébé... Non.

******

Cela fait plusieurs heures qu'on roule. Rien. Nous n'avons aucune trace de lui et je n'en peux plus. Je ne suis plus qu'une ombre dévastée par la douleur. Je ne sais plus où nous pourrions encore chercher. La terre est si grande, tant de lieux me sont inconnus et je n'ai aucune idée où il aurait pu aller. Je souffre, je pleure. Olga ne dit rien et continue à rouler, ses essuies-glasses balayant la pluie à vive allure. Je l'en suis reconnaissante qu'elle ne tente pas de discuter. Je ne saurais pas quoi dire de toute façon.

Matthew... Pourquoi a t'-il fait ça ? Pourquoi me laisser seule ici alors qu'il était le seul à m'aimer et que j'aimais inconditionnellement en retour. Mes sanglots ont fait la place aux pleurs silencieux. J'aurais préféré le savoir vivant, marié à une autre que... Là je ne sais pas. Je ne sais pas si Matthew est déjà. Mort. Je n'en sais rien. Je veux tellement qu'il soit là, qu'il me fasse ses sourires dont je ne me lasse pas, qu'il me dise qu'il m'aime et qu'il m'embrasse encore jusqu'à en perdre haleine. Je le veux tellement près de moi, contre moi. Je voudrais sentir sa chaleur, sentir son parfum, entendre sa voix. Il n'avait pas le droit de décider seul, il n'avait pas le droit de m'enlever la seule personne que j'ai jamais aimé. Et si je ne le retrouve pas ? Ou si j'arrive trop tard ? Que ferais-je sans son amour ? Sans lui ? Mes yeux me brûlent... Il faut que je le retrouve, que...

-Ce n'est pas lui là ?

Je sors de mes pensées et regarde dans la direction que pointe Olga. J'ouvre la bouche, la referme, sens que je vais vomir. La voiture est arrêtée dans un champs bordé d'une forêt, Matthew s'en éloigne.

-Si, si. Oh mon dieu ! Arrête-toi !

Olga arrête la voiture sur la route boueuse. Je m'enfonce dans la boue, glisse dans les flaques alors que la pluie torrentielle me tombe dessus. Je me relève, tente de courir sur le terrain glissant.

-Matthew !

J'hurle à travers mes pleurs, ma voix résonne tandis que je le vois avancer vers les bois denses. Il ne m'entend pas et je cours, criant son nom.

-Matthew !

Mes sanglots ne s'arrêtent plus. Je vois l'arme dans sa main alors qu'il marche tête baissée.

Mes jambes tremblent, je frissonne, je suis trempée par cette pluie qui fait un bruit terrible quand elle rebondie sur le sol de terre déjà inondé. J'accélère quand il disparait à travers les arbres.

-Matthew !

Il se retourne, ouvre la bouche sans piper mot, lâche l'arme sur la terre. Je continue à courir tandis qu'il reste figé.

Nos deux corps entrent en collision, je le serre contre moi et respire seulement quand il me prend dans ses bras. Il tremble dans mes bras, je pleure toutes les larmes qu'il me reste. Nous nous laissons tomber au sol, je ne le lâche pas.

-Je suis désolé bébé, pleure-t'-il, je suis désolé.

-Tu ne peux pas faire ça, je te l'interdis. Tu m'entends ? Je te l'interdis l'intello ! Si tu fais ça, je me tue aussi !

-Laure...

-Je le ferais, dis-je en le regardant droit dans les yeux. Je le ferais ! Je n'ai rien ni personne si tu n'es pas là...

-Arrête de pleurer bébé.

Je le pousse, frappe de mes poings son torse.

-Ne pas pleurer ? Mais tu te fous de ma gueule ? Tu me dis que tu vas te tuer et je dois rire ? T'es con ou quoi ? Je t'aime Matthew ! Je t'aimerais où que tu sois, avec elle ou non ! Je ne peux pas exister dans un monde où tu n'es pas ! Tu comprends ce que c'est l'amour ? Tu comprends que je ne vis que pour te voir sourire ? Alors qu'est-ce que je ferais si tu ne respirais plus ? Tu es tout pour moi merde !

Matthew prend mes poignets dans ses mains pour que je cesse de le marteler. Je me tais, le laissant assimiler tout ce que j'essaye de lui dire.

- Je ne peux pas me marier avec elle alors que je t'aime toi mais elle n'abandonnera pas...

-Je m'en cogne ! Marie toi avec elle merde ! Je t'attendrais ! Je t'attendrais même cinquante ans s'il le faut ! Mais ne fais pas cette connerie ou je la ferais aussi.

Le silence prend place entre nous. Nous nous observons sans rien dire. Ses larmes coulent autant que les miennes, me brisent le cœur encore un peu plus. Il finit par baisser la tête, ferme les yeux. Ses mains à plat sur ses genoux me montrent l'état de désespoir dans lequel il se trouve.

- Tu reviendras l'intello ? Hein dis-moi que tu viendras me voir dans la maison ?

Il ne répond pas, seuls ses sanglots parlent pour lui. Je prends ses mains froides dans les miennes, y enlace mes doigts.

-Bébé... Promets-moi que tu reviendras... Même une seule fois par an... Je t'en supplie... Je t'aime Matthew... Je t'aime tellement.

Je l'attire dans mes bras, presse ma bouche sur la sienne pour qu'il réagisse. Nos larmes se mêlent, j'essuie les siennes, impuissante. Il ne dit toujours rien, ne bouge pas comme s'il mourrait intérieurement.

-Je t'aime, sangloté-je, je t'aime.

Il plisse tellement les yeux pour ne pas me regarder que j'en ai mal. Je me lève, ramasse l'arme qu'il a laissé tomber et la balance de toutes mes forces dans les bois. Je le regarde encore et je crève de mal. Je ne sais pas quoi faire pour le ramener à la raison. Je ne sais plus... Je regarde une dernière fois sa bouche, son visage que j'aime. Ses cheveux dégoulinants de pluie. Je mémorise tout ça et pars le cœur serré.

Je repère la voiture d'Olga qui m'attend et me dirige vers elle, perdue. Morte. Mon corps tremble, mon cœur meurt à petit feu.

Je pleure quand ses bras m'entourent les épaules, qu'il me retourne et me serre contre lui.

-Aide-moi Laure, aide-moi à être fort. Ne me laisse pas bébé.

Je prends son visage dans mes mains, souris à travers les larmes et l'embrasse. Je reçois enfin cette décharge qui fait battre mon cœur, qui me fait encore plus l'aimer.

-Pars, soufflé-je. Pars avec moi, loin d'ici, loin d'eux, loin de tout.

-Mais...Et...

-On a personne l'intello. On s'en fout de nos parents, du fric, de tout. Je suis seule, tu es seul bébé. Toi, moi et rien d'autre tu te rappelles ?

-Je me rappelle oui.

Ses lèvres se moulent aux miennes et je gémis de bonheur retrouvé quand il me soulève dans ses bras. Nous sommes trempés par la pluie, nous avons froid, peur, mal. On souffre, on pleure tous les deux aussi mais tout ça n'a aucune importance puisque Matthew part... Avec moi.


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