20
Matthew
En descendant du train, je l'ai cherchée parmi le flot de voyageurs. Je voulais lui dire que je ne pouvais pas la quitter, que j'étais désolé et qu'elle avait entièrement raison. Seulement je ne l'ai pas trouvée. Je me suis alors dit qu'avec son caractère, elle aurait été capable de descendre à la gare précédente. Alors j'ai tourné plus d'une heure dans la gare mais en vain, elle était partie.
Je m'arrête devant chez moi, le cœur en vrac, le visage ravagé par mes larmes. Je me hais d'avoir fait ça, de l'avoir fait pleurer. Je ne suis qu'un putain de lâche, qu'un couillon comme elle me l'a fait comprendre. J'aurais dû la retenir, lui dire que je souffre moi aussi mais que de la savoir malheureuse de ma faute est horrible à vivre. Je me déteste d'avoir signé cet accord de merde.
Le père de Laure est en train de sortir les courses de sa voiture. Je le hais d'être ce connard. Je le hais de l'avoir tabassée en toute impunité. Je lâche mes sacs, me dirige vers lui. Les graviers de l'allée crissent à chacun de mes pas, il se tourne vers moi. Quand il me voit, il pâlit, recule contre sa bagnole.
-Je ne l'ai plus touchée, grogne-t'-il. Elle ne vit même plus ici.
Mon poing atterrit sur son arcade. Il aspire l'air avant qu'un deuxième ne lui tombe dessus. Il glisse contre la carrosserie, tombe au sol. Je lui donne des coups dans les côtes en revoyant les hématomes que Laure portait. Fils de pute !
Il crie, je me déchaine. Je déverse toute la haine que j'ai sur lui, je veux qu'il ressente ce qu'elle a ressenti quand il la frappait.
Je lui attrape le col de sa chemise, le colle à sa bagnole. Son regard est fuyant.
-Ca fait mal ?
Un nouveau coup repart quand il me supplie d'arrêter.
-Vous êtes un bâtard. Uniquement capable de se défouler sur une gamine. Mais allez-y, collez moi en une à moi !
Un rictus mauvais nait sur ses lèvres, je sais qu'il ne fera rien et ça m'énerve. Je veux qu'il me casse la gueule, qu'il me fasse ressentir la même souffrance qu'elle.
-J'ai baisé votre fille, le provoqué-je. Je l'ai fait hurler mon nom alors que vous étiez juste dans la baraque d'à côté.
Il rit, crache un filet de sang. C'est à ce moment que Nicole débarque. Elle pousse un cri horrifié en menaçant d'appeler les flics. Mais là, je n'en ai rien à foutre. J'ai déjà perdu Laure. La seule qui avait une importance dans ma vie. Alertés par les cris de la femme, mes parents sortent à leur tour. Ma mère hurle, mon père jure.
*****
-Je peux savoir ce qu'il te prend ?
Je suis assis dans le fauteuil du salon de chez mes parents, tandis qu'ils hurlent à tout va. Je ne les écoute déjà plus depuis un moment déjà. Je pense à Laure qui est je ne sais où, à ses larmes, je repense à ce concert où elle semblait heureuse, à son rire quand je la faisait danser, à ses baisers qui voulaient tout dire.
Je suis en train de péter un câble, je le sais. C'est vrai que d'aller maquer un mec ne me ressemble pas mais ce connard le méritait et il n'avait pas assez pris la première fois. Ma mère a réussi à les convaincre de ne pas déposer plainte. Ca ne m'étonne pas et je sais que s'ils ont accepté, c'est simplement parce qu'ils ont la trouille que je les balance à la police pour la violence que Laure a subie.
-Vous me bousillez.
Voilà, la vérité est lâchée. Ils sont en train de me détruire.
Ma mère arrête d'hurler, mon père cesse de faire les cent pas dans la pièce. Leurs regards se braquent sur moi.
-On te bousille ? sanglote ma mère d'une voix aigüe. Matthew tu plaisantes ? Tu es promis à un avenir radieux, tu vas exercer dans un hôpital de prestiges, tu vas être marié à une belle fille de bonne famille.
-Je ne veux pas d'elle !
Je me lève, je tire nerveusement mes cheveux. Je pleure comme un gamin.
Mes parents semblent désarçonnés face à ma haine mais je n'en ai que faire.
-C'est la fille de l'autre jour ?
Je fixe ma mère, le regard vide et hoche la tête. J'ai la gorge nouée de sanglots.
-Tu ne peux pas nous faire ça Matthew, dit doucement mon père en se laissant tomber dans le canapé.
-Mais à moi oui ? Je n'ai donc pas le droit d'être avec la fille que j'aime ? Parce que oui j'aime Laure. Elle est tout pour moi!
-Matthew arrête, déclare froidement ma mère. Ce sont tes études qui nous ont menés là, tu le sais. Tu nous remercieras plus tard.
Je ferme les yeux, mes poings ne se sont pas desserrés depuis mon retour.
-Je serais un mari tellement dégueulasse qu'elle me jettera. Je ferais tout pour que Sophie me déteste.
-Matthew...
Le ton de mon père se veut être un avertissement mais je m'en tape.
-Quoi Matthew ? m'énervé-je. Je dois l'épouser ? okay mais le contrat ne stipule pas que je dois être un mari aimant ou aimable !
Je quitte la pièce, les cris de mes parents résonnent dans la maison. Je prends les clés de la voiture sur le guéridon et sors de la maison.
*****
Ca fait plusieurs heures que je tourne dans les rues et je ne la vois nulle part. Putain Laure t'es où ? Mes doigts sont tellement agrippés sur le volant que leurs jointures blanchissent. Je deviens fou à l'imaginer seule dehors. Je voudrais tant lui dire que je suis désolé. Que je l'aime plus que tout et qu'on part ensemble maintenant. Que ce connard de riche reprenne tous les biens de mes vieux, je m'en fous. Je la veux elle, pas une autre. Je ne pourrais jamais vivre chaque jour si je n'entends pas son rire, si je ne la vois pas sourire. Je m'arrête sur le côté de la route. Je commence à croire qu'elle s'est volatilisée. J'essuie furtivement mes larmes et sors de ma voiture. C'est le dernier endroit que je n'ai pas fouillé : le parc. Je l'avais déjà retrouvée ici une fois mais je ne sais pas du tout si elle sera là cette fois-ci. Putain elle doit me haïr. Je m'avance vers le haut portail, le parc est plongé dans le noir.
« Non, il y a une meuf en dessous...Elle pleure alors j'ose pas la faire dégager ».
Je fronce les sourcils en entendant les paroles de ce sdf. Elle est là et je souris malgré mes pleurs. Je traverse le parc en courant, mon cœur palpite, mes jambes tremblent tellement je suis nerveux. Quand je vois le saule pleureur, je ralentis et m'avance calmement.
*****
Laure
Mes yeux commencent à se fermer. Je suis épuisée d'avoir tant pleurer. Demain j'aurais un lit chez Olga et je n'aurais plus la trouille de dormir et qu'on me pique mes affaires. Je serre mon pull contre ma poitrine, je crève de froid. Les journées sont chaudes mais dès que le soleil se couche et que le vent se lève, il caille. Je grelotte, je pense encore à lui. Il me manque déjà pourtant je sais qu'il ne reviendra pas. Il m'a quittée et va vivre son avenir prometteur avec cette poufiasse blonde de New-York. Je l'aime tant mais une part de moi même lui en veut de me laisser seule. Je veux être seule mais je voudrais aussi qu'il soit là.
Un craquement me fait sursauter. Je me lève quand j'aperçois une ombre se rapprocher de moi. Bordel c'est sûrement ce sdf qui vient me demander de partir. J'espère qu'il n'est pas ivre ou drogué. Je n'aurais pas la force de me battre avec quelqu'un cette nuit.
-Laure ?
Je retiens mon souffle quand Matthew m'appelle. Qu'est-ce qu'il fout ici celui-là ?
Il écarte le rideau de branches et se fige quand nos regards se croisent.
-Dégage !
-Bébé...
Il fait un pas dans ma direction mais stoppe quand je recule. Je ne veux pas le voir maintenant...Pourquoi est-il là ? Pour qu'il dise qu'il m'aime ? Qu'il est désolé ? Puis qu'il me jette à nouveau ?
-Ne m'appelle pas bébé.
-On peut parler ? demande-t'-il.
Je ferme les yeux en devinant les sanglots contenus dans sa voix.
-Non.
-Laure, je suis désolé...
Je hausse les épaules. Je veux qu'il s'en aille, qu'il me laisse seule. Je ne veux plus souffrir. Je ne veux plus qu'on m'abandonne.
-Pars s'il te plait.
Je pleure, pour ne pas changer. Il tombe à genoux et j'écarquille les yeux quand je l'entends sangloter. Mon cœur se serre. Je déteste le voir souffrir et même si je suis fâchée sur lui, je l'aime.
-Pars avec moi bébé, je t'en supplie. On part juste tous les deux, rien que toi et moi. Je leur ai dit que je t'aimais. Je ne veux pas de cette fille, je te veux toi. Je t'aime Laure. Tant pis pour la médecine, tant pis pour tout. Je veux être avec toi, qu'on fasse cette liste débile, qu'on en fasse une pour chaque jour de notre vie.
Je suis bouche bée devant sa tirade. Je voulais tellement qu'il me dise toutes ces choses-là mais il sera un homme malheureux s'il renonce à ses rêves pour moi.
-Je suis désolée l'intello, pleuré-je. Je ne peux pas partir avec toi.
Il crie, tape ses poings dans l'herbe. J'ai le cœur qui saigne, j'ai mal. Mal pour lui, pour moi, pour nous. Je me laisse tomber devant lui, l'attire dans mes bras. Enlacés, nous pleurons sur la vie qui nous attend. Nous voulons plus que tout être ensemble mais je ne peux pas l'empêcher de vivre son rêve même si je souffre.
-Je t'aime Laure. Je ne veux pas que...
-Je t'aime aussi... Mais je... Je ne veux pas que tu ais fait tout ça pour rien. On va vivre ces vacances comme si de rien n'était et fin août tu partiras.
Je souris contre ses lèvres mouillées de nos larmes. Je veux qu'il sache que je peux être forte, que je souffre mais que je m'en remettrais.
-Tu viendras me chercher bébé... Promets-le moi... Tu m'embrasseras encore et encore...
-Je viendrais Matthew, je te le promets.
Il m'embrasse et je soupire. Notre baiser est lent, le plus doux que nous ayons échangé. Je l'aime tant, je l'aime plus que tout. Ses bras se referment autour de moi, je frissonne sous sa chaleur.
-Tu viendras et on se mariera ensemble.
-Ca marche l'intello...
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